Boxeur gitan
Communistes, homosexuels, handicapés, juifs mais aussi gitans ont été pourchassés par le système nazi qui imposait la « préférence nationale » pour la sauvegarde de la race aryenne, mais surtout installait son pouvoir sur des boucs-émissaires. Si Grand Prix de Marazano (Dargaud), Boro, Reporter Photographe de Marc Veber, Dan Franck et Jean Vautrin (Casterman), ou Amours fragiles de Philippe Richelle et Jean-Louis Beuriot (Casterman), ou Julia von Kleist de Bruno Marivain et Jean-Blaise Djian (Emmanuel Proust) notamment s’intéressent à la montée du nazisme du côté allemand, Nathaniel Legendre prend le parti de suivre un jeune tzigane qui rêvait de s’imposer par le combat de boxe. Cette histoire humaine permet de brosser le sort cruel réservé aux tziganes à cette époque. Cette issue avait été traitée du côté français par Krrist Mirror dans Tsiganes (Emmanuel Proust). Là il suit un boxeur allemand d'origine gitane, thème identique mais avec un champion de boxe d'origine juive tunisienne proposé pratiquement en même temps par Denis Lapiere et Aude Samama chez Futuropolis dans A l'Ombre de la Gloire.
Tout début novembre 1917 dans une bourgade allemande. Le jeune Johann Trollmann ressent déjà l’exclusion des riches du bourg. Son père n’a obtenu un emploi qu’en raison du départ au front de la plupart des hommes. Il ne veut pas subir cette vie. Il demande à Ernestine, une veuve gitane de lui permettre de transformer un local inoccupé en gymnase personnel pour s’adonner à sa passion : la boxe. Elle y met une condition : ne pas se battre autrement que pour les gitans. Six ans plus tard, l’entraînement a fait son œuvre. Le monde a changé. Son père lui permet d’entrer dans un vrai club, le Boxklub der Helden de Hanovre tenu par Zirzow, un entraîneur juif… Mais en trahissant sa parole, s’il connaît ses premières victoires et une conquête féminine, ne risque-t-il pas bien pire ?
Pour publier cet album, 12 bis s’est associé aux Nouveaux Auteurs, une maison d’édition qui soutient les projets des jeunes auteurs avec le soutien du public. Cette initiative qui se démarque du crowdfunding comme My Major Company, Ulule.com ou Sandawe laisse l’éditeur jouer son rôle tout en mettant à contribution un « jury citoyen ». En suivant ce jeune homme, qui a 22 ans en 1929, le scénariste dépeint l’évolution de la société allemande, de l’arrière front à la montée du nazisme. Le récit s’appuie sur l’Histoire pour se concentrer sur le destin d’un héros attachant auquel les nazis reprennent son titre de champion d'Allemagne au seul motif qu'il n'est pas aryen. Il apparaît bien sûr des similitudes avec les autres approches, sauf que l’angle du jeune tzigane reste original. Le ton léger du début va laisser progressivement la place au drame inéluctable que tout le monde ne voulait pas voir. Avec son dessin plein de rondeur et de vie, l’espagnol Jordi Planellas donne une jolie tournure à ce récit très fluide. Les couleurs dans une gamme chromatique réduite et tirant sur le brun et l'ocre accentuent encore cette atmosphère.
Une belle entrée en matière, réalisé grâce au soutien du Prix BD de VSD.
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Zigeuner - T1 : Acte I - de Jordi Planellas (dessin), Nathaniel Legendre comgaspirit.over-blog.com (scénario) et Florence Fantini lecoffreflote.canalblog.com (couleurs) - 12 bis et Les Nouveaux Auteurs - 13 septembre 2012 - 13,90 €