Salah Al Hamdani écrit en arabe et en français. Il vit en France depuis 1974, exil consécutif à prison et menace de mort en Irak, au temps de Saddam Hussein. Le Balayeur du désert est le premier recueil publié par Bruno Doucey. De l’exil, il écrit qu’il en est « captif », qu’il y est « piégé ». Dans ce recueil, les mots avancent : s’il lui semble « avoir perdu le commencement » à la page 17, il écrit à la page 71 (remarquez comme les chiffres s’inversent par hasard) que Bagdad « commence avec moi / et ira vers l’autre ».
Mais les mots qui ont retenu mon attention dans ce recueil sont « palmier » et, surtout, « miroir ». Palmier pour dire les blessures du pays, « écimés », « agonisants », « poursuivis par des chars », « palmier qui saigne ». Miroir sans doute d’abord à cause du fleuve, l’Euphrate, où « le soleil se mire », et pas seulement le soleil, mais tout le ciel qui semble ainsi porter les mots au-dessus du pays où « le ciel prend racine ». Le miroir renverse la vision. En lui, « la plainte des poètes » ressemble à « une nuée de soldats ». Le miroir dit l’identité. Il s’emplit de visages et celui du poète n’y trouve pas sa place, car il lui faut « tailler dans le miroir la malice du Je ». Il se dit à lui-même : « Ecorche ton corps à partir du miroir ». Au poète américain Sam Hamill, il demande : « prends-moi dans ton miroir ».
Il sait aussi qu’il faut parfois « ouvrir la fenêtre », en franchir le reflet, qu’il « faut vivre malgré la plaie du miroir ».
Alors, « au milieu du chemin
que faire de moi-même
et de cette douleur des jours ?
Je ne laisse s’échapper de ma pensée que la nostalgie et l’espoir. Enfin je ferai corps avec ces lieux. Lieux imaginés, lieux perdus, comme cet arbre à l’ombre duquel à midi, jadis, je somnolais pour grandir. »
Dans ces lignes, il y a le mi- de miroir au milieu des lieux « imaginés », « perdus », au milieu du jour, « à midi », sous l’arbre, un palmier peut-être.