POÉTIQUEM’en flagre l’éclat
barbare beauté la supporter
dénudé
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QUE DE MOTS
Voir le mot nu inconnu
ne vouloir plaisamment vos vers
ânonnables : Poésie malgré
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GISANTE
Cire glaise et marbre
nul heureuse à te souiller
défunte et parfaite Vierge
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LES 52 DIMANCHES
Déserte cité où rôde le seul
sous l’ennui cathédrale qui hurle
confortables ruines
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LA PARTENAIRE
Ignare ève et louve
qu’un rire me défie
ma rage vous absente
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INEXISTENCE
Nul ne saura qu’il fut
ce qu’il fit : Poème
momie de l’énigme
Jude Stéfan, Stance (52 contre-haï-ku), Le Temps qu’il fait, 1991
.
.
Ma
vie
Tu t’en vas sans moi, ma vie.
Tu roules,
Et moi j’attends encore de faire un pas.
Tu portes ailleurs la bataille.
Tu me désertes ainsi.
Je ne t’ai jamais suivie.
Je ne vois pas clair dans tes offres.
Le petit peu que je veux, jamais tu ne l’apportes.
À cause de ce manque, j’aspire à tout.
À tant de choses, à presque l’infini…
À cause de ce peu qui manque, que jamais tu n’apportes.
Henri Michaux, La nuit
remue, nouvelle édition revue et corrigée, Gallimard, 1967, p. 88 ; Œuvres complètes, tome I, édition établie par Raymond Bellour avec Ysé
Tran, Pléiade, Gallimard, 1998, p. 462.
à h.m.†
dans la
nuit, la nuit (qui) remue
les souvenirs les brasse en rêves-réveils
les
meubles bâillent
déjà
ils veillent
massifs, profonds miroirs, avec leurs bras
attendant
le gisant
cerné de portraits dans l’ombre qui fixent
ses
pieds cirés
qui crient au silence et au meurtre
dans les cloisons dégringolent les rats
Un Espoir au passé une morne Consolation
deux
bougies vacillent
au-dessus des tapis sanctifiant les pas
perdu
le temps du cœur
qu’il
repose en chose
les chaises vaquent le livre a oublié
Celui qu’il fallait lire en maître zen
Jude Stéfan, À la
Vieille Parque, précédé de Libères,
Poésie/Gallimard, 1993, p. 130.
.
.
Le dateur
un Premier de juillet fut brûlé La
Barre
ce 8 mai dimanche enneigé
83 barbe rasée pour neuve vie
50 aux églises vides
67 Caravelle concassée
55 Août dans les bois
en juin 76 assis devant la mer
auprès des longues jambes de J. Demélier
octobre 56 en blouse grise
un 4/6 baiser de ma sœur
janvier 86 au grenier avec
Fléchier
1420 les Loups dans Lutèce
1945 fermeture scélérate des
maisons de plaisir
en 42 ma dernière communion
en 59 mourait Esther Choub.
•
rue
de même
depuis des années m’habite la rue
la route goudronnée gondolée la
rue qui ne monte jusqu’à l’infini
où l’enseigne tourne au vent quand
un manteau noir traverse la
chaussée
dans le vide
sans chats ni chiens d’antan sans
bague
magique d’enfance
murs fenêtres cheminées s’étagent
sous la cendre des nuages
plus haut un ciel gris
sur les fils une hirondelle seule
rideaux cachant les
meubles
dans un matin de nième
naissance
Jude Stéfan, Que ne suis-je Catulle en
ces presque 80 poèmes, Gallimard, 2010, pp. 25 et 64.
.
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adieu jusqu’au revoir
à dieu vous recommande
à Lucifer son ange
sidis et spahis
tandems et side-cars
firent l’enfance
sévices et fillettes
comme nord et sud
neiges et sodas
est et ouest
le suroît la toundra
main de la nourrice
à l’orée des fleurs
sur trottoir de l’aïeule
tapioca et tombola
en la vie brève et lente
oubliés le sampi le kappa
au pré fluvial
Gitanes étendent leur linge
Vaches défient l’abattoir
perdu le nom des Anges
une cloche hèle les vivants
voltigeurs dans les cintres
avant le gras des cadavres
mais
poussières s’amoncellent
ongles repoussent ou bien
Si
l’on rattrape la lune basse
la boule de feu est la même
chaque matin
ou si jamais apparut œil à double pupille
par ces gels tempestifs
né jadis à la mort de Répine & Pascin
1930
situable entre Pascal et Pascin
– du Néant aux Fesses replètes –
et les Agents aux crampons escaladeurs
les poteaux blancs dégarnis de filets
Cheminées comme une angoisse
hurlant au Vide
en sarraus noirs et pompons
les Enfants morveux ahuris
[...]
Jude Stéfan, Les Commourants
(ou longpoème d’adieu), éditions
Argol, 2008, p. 11-15.
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p. de chiffres
cent milliards de damnés
six milliards de yahous
six tonnes de crottes à Paris
200 000 poètes en province
80 000 lacs en Suède
4 877 dessins & 37 autoportraits
105 robespierristes exécutés
54 maximes sur poutre,
même en Arcadie germera l’ennui
nés de sperme, que spectres
allant au vide
en garçonnet encasquetté maculé
engaloché des nombres accablé
admirés les aubépins
sans leur pouvoir parler
depuis vingt années un livre s’attendait : madame
Tussaud baker street
si plus tard on le lit
parmi les humains joueurs de fléchettes
- et milliards de blasphèmes autant que
d’étoiles
Jude Stefan, Génitifs,
Gallimard, 2001, p. 23, cité in Jude
Stefan, entretien avec Tristan Hordé, Argol, 2005, p. 78.