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La maison au citronnier de Sandy Tolan (Roman historique sur le conflit israélo-palestinien, 2011)

Par Florian @punkonline

la_maison_au_citronnier.jpgSandy Tolan est Professeur à l’Annenberg School for Communication and Journalism de l’université de Californie du Sud.
Tiré de faits réels, ce roman est un témoignage du parcours de deux familles israéliennes après la Seconde Guerre mondiale : les Khairi, famille arabe vivant depuis plusieurs générations dans la Ville palestinienne d'Al-Ramla et les Eshkenazi famille juive bulgare émigrée à Al-Ramla durant la Première Guerre israélo-arabe, en 1948.
Rien ne prédisposait ces deux familles à se rencontrer. Pourtant, en 1967, le petit fils Bashir Khairi retourne à la maison de son enfance, accueilli par Dalia Eshkenazi, la petite fille.
Avec force de détail historique, Sandy Tolan raconte en parallèle l'histoire vraie de ses deux familles au destin commun, mais avec une finalité différente.
À la fin de la Seconde Guerre mondiale, les Britanniques ont de plus en plus de difficultés à gérer la situation entre les Arabes et les juifs de Palestine. Ils décident de passer la main à l'ONU, organisation internationale nouvellement créée.
Cette institution devait permettre de résoudre les divergences entre les deux camps. Le plan retenu « stipulait que 54,5 % de la Palestine et plus de 80 % de ses terres cultivées (agrumes et céréales) reviendraient à l'État juif. Les Juifs représentaient environ un tiers de la population et possédaient 7 % des terres. La plupart des Arabes refusèrent la partition ».
Au début, la discussion entre Théodor Herlz, fondateur du sionisme, et les Britanniques à propos de la création d'un foyer juif ne portait pas sur la Palestine, mais sur Chypre, le Sinaï et même l'Ouganda. C'est à partie de 1904, après sa mort, que les discussions avec le sultan Ottoman ont commencée au sujet de la Palestine considérée comme dépeuplée.
Les Khairi sont une riche famille palestinienne, vivant depuis plusieurs générations à Al-Ramla, mais seront chassés de leur demeure peu de temps après la déclaration d'indépendance d'Israël (14 mai 1948). Ils seront expulsés par la force de chez eux (connu sous le nom de Nakba) et déportés vers Ramallah où de nombreux réfugiés attendent leur retour sur leur terre lorsque les affrontements auront cessé. La vie de réfugié est spartiate. Les Khairi s'en accommodent tant bien que mal grâce à la vente d'or qu'ils ont pu prendre avec eux.
En septembre 1948, le comte Folke Bernadotte, médiateur de l'ONU écrivait : « Je n'ai jamais rien vu d'aussi épouvantable que la situation à Ramallah. Notre voiture a été littéralement prise d'assaut par des masses hors d'elles réclamant de la nourriture et exigeant de rentrer chez elles avec une ferveur tout orientale. Beaucoup de visages étaient effrayants à voir dans cet océan d'humanité souffrante. Je me souviens en particulier d'un groupe de vieux, galeux, désespéré, à la barbe broussailleuse, glissant leur visage émacié par la fenêtre en montrant des miettes de pain que des gens ordinaires auraient jugées immangeables, mais qui constituaient leur seule nourriture ».
Le 11 décembre 1948, le même mois où les Khairi s'installent dans la Bande de gaza, l’Assemblée générale des Nations unies adopte la résolution 194 sur le droit de retour des réfugiés : « Qu’il y a lieu de permettre aux réfugiés qui le désirent, de rentrer dans leurs foyers le plus tôt possible et de vivre en paix avec leurs voisins, et que des indemnités doivent être payées à titre de compensation pour les biens de ceux qui décident de ne pas rentrer dans leurs foyers et pour tout bien perdu ou endommagé lorsque, en vertu des principes du droit international ou en équité, cette perte ou ce dommage doit être réparé par les gouvernements ou autorités responsables. »
Ce texte contrastait avec les propos de David Ben Gourion, fondateur d'Israël, exprimés quelques mois plutôt, le 16 juin 1948 : « Je ne veux pas que ceux qui s'enfuient reviennent. [...] Même après la guerre, je m'opposerai à leur retour. »
De leur côté, les Eshkenazi sont une famille modeste et juive bulgare. Ils ont subi les différentes réformes antijuives de la Bulgarie alliée aux nazis. Ils ont été sauvés par le métropolite Stéphane (haut dignitaire religieux) et Dimitar Pechev (vice-président du Parlement et ministre de la Justice). Israël deviendra pour cette famille une terre qui mettra fin à la persécution des juifs. Les Eshkenazi décident d'y émigrer bien que la Bulgarie, devenue satellite de l'URSS à la fin de la Seconde Guerre mondiale, à l'intention de réparer l'injustice faite à la communauté juive. À leur arrivée en Israël, on explique aux familles d'immigrés qu'elles peuvent prendre possession des maisons abandonnées par les Arabes, sans dire que ceux-ci ont été expulsés par force.
Ce bouquin égrène les périodes importantes de ce conflit : l'arrivée de Nasser au pouvoir en Égypte porteuse d'espoir pour les Palestiniens, la guerre des six jours en 1967 qui a vu Israël agrandir son territoire tout en affirmant sa puissance, la première intifada en 1987, qui a montré les exactions des soldats israéliens suscitant l'indignation de l'opinion publique,  les accords d'Oslo de 1988 qui ont suivi, porteuses d'espoirs, mais biaisées par des Israéliens ne voulant pas faire de réels compromis, la seconde intifada en 2000 se soldant finalement sur la création du mur de séparation en 2001, déclaré illégale par la Cour Internationale de justice de La Haye en 2004, grâce auquel Israël en profite pour agrandir davantage son territoire et .
La grande force de ce livre, hormis le déroulé du conflit romancé, détaillé et documenté depuis la Seconde Guerre mondiale à nos jours, réside dans la mise en perspective d'une vision Arabe et d'une vision juive de ce conflit avec les ressentis de chacun des partis, leurs peurs, leurs espoirs et leurs incompréhensions. Une discussion entre deux personnes, enfants lors des événements de 1948, qui expriment leurs points de vu, nouant une amitié.
Un des livres les plus intéressants sur le conflit puisqu'il est à la fois bourré d'informations sur son déroulement tout en étant agréable à lire, car romancé, aérant la et facilitant sa lecture.


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