Titre original : The We and The I
Note:
Origines : États-Unis/Angleterre
Réalisateur : Michel Gondry
Distribution : Michael Brodie, Teresa Lynn, Lady Chen Carrasco, Raymond Delgado, Jonathan Ortiz, Jonathan Scott Worrell, Alex Barrios…
Genre : Comédie/Drame
Date de sortie : 12 septembre 2012
Le Pitch :
C’est la fin de l’année scolaire à New York. Les élèves d’un lycée du Bronx grimpent dans le bus qui les ramènera chez eux. Turbulents, moqueurs, cruels, amoureux ou solitaires, les caractères se confrontent à bord du véhicule qui serpente dans les rues de la Grosse Pomme. Au fur et à mesure des arrêts, l’ambiance change, tout comme les comportements…
La Critique :
On avait quitté le réalisateur français Michel Gondry alors que celui-ci mettait en image le Green Hornett (le Frelon Vert), à grand renfort d’effets numériques savants, de bastons martiales et d’humour potache. Présenté au Festival de Cannes, The We and The I, son nouveau film, dénote au moins d’une chose : Michel Gondry aime surprendre et expérimenter. On le savait déjà, mais là, c’est particulièrement flagrant tant The We and The I semble ultra dépouillé, quand on le superpose avec Eternal Sunshine of The Spotless Mind ou encore avec La Science des Rêves, qui brillaient par leur audace visuelle. Néanmoins, des choses comme Dave Chappelle’s Block Party avaient déjà laissé transparaitre cette envie de trancher et de se positionner sur des projets qui pouvaient apparaître totalement à contre-courant.
Cependant, il suffit de passer un peu de temps dans ce bus, avec ces ados plus ou moins insupportables, pour finalement se rendre compte qu’à l’instar de ses précédentes œuvres, The We and The I comporte à divers degrés, tout ce qui constitue le style Gondry.
Road movie urbain qui se propose de pénétrer les arcanes des relations complexes entre des jeunes d’un lycée américain, The We and The I peut faire office de pamphlet sociologique. À condition de considérer que le fait de poser des micros et des cameras au milieu d’une bande d’adolescents et de laisser tourner puisse faire office d’authentique étude sociologique bien sûr.
Car The We and The I n’a rien d’une improvisation. Tout est écrit. Ce qui, avec un peu de recul, encourage à juger un peu plus sévèrement le script, qui aborde plein de sujets, sans pour autant raconter grand-chose. Un constat particulièrement flagrant en ce qui concerne la première heure du film.
L’impression d’avoir pris un bus où des adolescents imbuvables passent leur temps à gueuler est alors bel et bien présente. Imaginez le truc : vous êtes peinard dans un autobus, en route pour votre domicile. D’un coup, le bus s’arrête et laisse entrer une petite vingtaine de lycéens déchainés. Des lycéens qui viennent de vivre le dernier jour de l’année scolaire et qui se balancent de la crème glacée, en hurlant des insultes à tout va. Parmi eux, quelques-uns ont l’air sympa, mais ce sont les fortes têtes qui s’imposent. Alors oui, si une telle chose venait à se produire, vous pourriez toujours descendre au prochain arrêt et attendre un nouveau bus ou encore rentrer à pied. Au cinéma, vous pouvez certes sortir avant la fin, mais vu le prix de la place -qui est environ 4 à 5 fois plus cher que celui d’un ticket de bus- difficile de quitter son siège.
Et Michel Gondry, -qui ici fait un peu office de contrôleur laxiste- ne fait rien pour arranger les choses. Il se centralise sur l’outrance et contribue à rendre le brouhaha difficilement supportable et bien évidemment irritable. On se demande où il veut en venir. Le bus va-t-il crever ? Va-t-il devoir maintenir une certaine vitesse sous peine de voler en éclat, comme dans Speed ? Rien de tout ça. The We and The I se propose juste d’infiltrer les petites intrigues inintéressantes d’une troupe de jeunes comme tant d’autres.
À qui le film est-il donc destiné ? Aux jeunes de 16 ans, qui pourraient peut-être se reconnaître dans les protagonistes du film, mais qui préfèreront certainement aller voir un truc un peu plus accrocheur ? Aux adultes, qui ont de grandes chances de se choper une bonne migraine ? Mystère, la cible est floue.
Michel Gondry met en scène des acteurs amateurs, recrutés dans des établissements scolaires américains. Des comédiens amateurs pas franchement aidés par un scénario squelettique, mais par ailleurs très convaincants. Gondry joue aussi avec l’image. Du générique à ces plans où les vitres du bus se transforment en écran, afin de superposer deux actions alors qu’elle ne se déroulent pas dans le même espace. Le procédé est malin, mais venant de Gondry ce n’est pas surprenant. Michel se mord la queue et expose dans son nouveau métrage les limites de son cinéma. Paradoxalement, c’est avec ce film, qui fait la lumière sur une probable volonté de toucher à plusieurs styles, que les limites du réalisateur apparaissent le plus clairement. Un peu trop « m’as-tu vu », The We and The I n’est en plus pas très sympathique. Il faut tout de même attendre une bonne heure avant que l’empathie s’installe et que les personnalités de quelques-uns des adolescents du film se dévoilent pour devenir intéressants. La dernière demi-heure rattrape alors bien le coup et rend l’ensemble un peu moins anecdotique.
À peine, mais cela contribue à amoindrir la déception qui accompagne cette nouvelle œuvre un peu trop pédante pour être honnête.
@ Gilles Rolland
Crédits photos : Partizan