Magazine Cinéma
Note pour plus tard. Ne jamais organiser une soirée crêperie avec des potes suivie d’une projection à l’Étrange Festival un vendredi soir. Les chances sont grandes qu’il y ait trop de clients au resto, pas assez de monde en cuisine, qu’on attende les crêpes des heures et qu’on se mette en route pour le festival à l’heure où l’on devrait déjà être assis dans la salle. C’est ce qui m’est arrivé pour mon avant-dernière projection à l’Étrange Festival vendredi soir. Détaler dans la rue pour arriver avant que le film soit commencé, alors que le plan consistait à arriver tranquillement et se placer tous ensemble au sixième rang de la salle 300. La réalité, c’est qu’on est entrés en salles alors que la salle était presque pleine et que les réalisateurs Justin Benson et Aaron Moorhead étaient déjà en train de présenter leur film, « Resolution ». Résultat, on s’est séparés dans la salle et on a raté l’intro.
Bon, l’essentiel était sauf, nous n’avons rien raté du film. Ouf. En même temps je ne suis pas sûr que cela aurait grandement changé mon appréciation du film d’en avoir raté un bout, au contraire. Un de mes amis a somnolé quelques minutes pendant la projection, et a eu en conséquence l’impression d’avoir manqué une scène importante où aurait été expliqué ce qui se passait. Après son réveil (celui de mon ami), le protagoniste du film semblait comprendre ce qui leur arrivait et disait des choses comme « Je ne veux pas ramener ça à la maison », mais non, je lui ai pourtant dit qu’il n’y avait pas vraiment eu de révélation pendant son somme, seulement des déductions fumeuses ne donnant pas beaucoup de crédit aux personnages. Bon, d’accord, que le pote junkie en manque soit en déficit de lucidité, je veux bien, mais Mike, son meilleur pote propre sur lui et ayant la tête sur les épaules… Ah oui, au fait, l’histoire suit deux amis, l’un reçoit une vidéo de l’autre où il est apparemment complètement défoncé dans une cabane paumée, et il décide donc d’aller le trouver pour le tirer de ses problèmes de drogue, mais il semble rapidement, une fois sur place, qu’il se passe des choses très étranges autour de cette cabane paumée…
C’est toujours agaçant dans les films de genre de voir des personnages ne réagissant pas de façon logique et crédible. Trop de films croient que puisque l'on se trouve dans un cadre fantastique, on peut se permettre d’être fantaisiste dans les caractères des personnages, or cette fébrilité scénaristique pardonne rarement. Ici, nous avons donc un homme ayant clairement l’air lucide et intelligent qui vient trouver son pote dans cette cabane paumée. Des dealers viennent le menacer assez méchamment, une fille échappée de l’asile vient cogner à sa fenêtre en pleine nuit, des indiens peu aimables lui disent qu’il y a pleins de junkies enterrés dans le jardin et qu’ils ne sont pas les bienvenus, des vidéos et photos très inquiétantes lui tombent dessus mystérieusement, vidéos qui montrent qu’ils sont bizarrement surveillés, et un couteau grave des formes flippantes sur les murs de la cabane pendant qu’ils dorment.
Et que fait-il, monsieur j’ai-la-tête-sur-les-épaules, face à toutes ces péripéties étranges ? Rien. Il reste, il se fait assez peu de soucis proportionnellement aux choses qui lui arrivent, et il trouve même intelligent de pousser plus loin et de chercher encore plus de trucs flippants pour passer le temps, alors que n’importe quelle personne sensée comme il semble pourtant l’être aurait attrapé son pote junkie, l’aurait mis dans sa bagnole et aurait détalé, alors que lui laisse son pote attaché à une barre de fer pour qu’il soit sevré, qu’importe si le coin et ses habitants sont clairement dérangés. Que le scénario trouve un prétexte à peine crédible en fin de compte pour nous faire accepter le fait qu’ils ne veuillent pas quitter la cabane devient dès lors un détail, le mal est fait, la crédibilité des personnages est mise à mal.
Bien sûr, le personnage du pote junkie est lui nettement plus réussi et apporte une vraie tranche d’humour. Bien sûr, il y a une atmosphère étouffante où l’on sent clairement la tension monter, quelque chose qui rappelle « Bellflower » sorti il y a quelques mois en salles, mais cette tension n’est jamais véritablement exploitée, et cette montée d’adrénaline reste à l’état de suggestion, elle ne prend jamais. Le danger reste trop vague et est trop vite désamorcé par des pirouettes scénaristiques floues. A l’image de ce dénouement qui se voudrait étonnant et impressionnant alors qu’il tombe plutôt à plat.
A la sortie, les amis dispersés se sont rassemblés, et après un petit débriefing qui nous a conduits jusqu’aux portes de la RATP, les jeunes réalisateurs du film ont passé les tourniquets du métro en même temps que nous, visiblement heureux de la projection et de la soirée, et parés à aller faire la fête dans la nuit parisienne. Aussi étrange que « Resolution » fut, je n’ai même pas eu envie d’aller leur demander quelques explications sur le film. Mes questions auraient certainement été aussi vagues et molles que mon ressenti à l’encontre de leur film. Mieux vaut tirer un trait et se préparer pour le lendemain, dernière journée à l’Étrange Festival…