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Lou, y es-tu ?

Publié le 15 septembre 2012 par Euphonies @euphoniesleblog

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Lou Doilllon - Places

Ne dites rien. On a déjà trop dit. La sortie de l’album de Lou Doillon ces derniers jours a déchaîné les passions musicales comme jamais. Depuis Lana del Rey, je n’avais pas senti un tel frémissement sur la toile, fait de débats animés, d’engouements, d’exécutions lapidaires et de mauvaise foi. Et après avoir décidé dans un premier temps de ne pas apporter davantage d’eau au moulin, ayant d’autres chats à fouetter (oui j’aime les métaphores), j’ai suffisamment été agacé par tout ce que j’ai pu lire et entendre sur le sujet depuis des semaines pour me résoudre à consacrer un article au phénomène Lou Doillon. J’avais prévu de vous toucher deux mots du dernier Jon Spencer ou du nouveau Rubin Steiner. Partie remise. Je préfère me mettre à dos une partie des gens qui ont voix au chapitre dès que l’on parle d’actualité musicale, blogueurs, prosélytes, bateleurs des réseaux sociaux, dicteurs de tendance auto-proclamés. Pour une rare fois, j’ai moins envie de chroniquer un album que de réagir à la vindicte observée depuis un moment. Parce que c’est aussi ce qui m’intéresse dans la musique : ce qui est en jeu dans l’appréciation d’un artiste ou d’un album, selon des critères très variables selon chaque auditeur.

Affaire Doillon, reprenons les éléments à charge. Née en 1982, actrice et mannequin, Lou se lance dans la musique en 2012, épaulée par Etienne Daho. Elle livre au début de l’été un premier e.p contenant le single I.C.U qui tournera  en boucle sur les radios « légitimes » : la sphère Radio France pour la faire courte. Le titre est très bon, mais déjà de nombreuses voix s’élèvent pour dénoncer le népotisme, les privilèges de celle qui est née avec une cuillère d’argent dans la bouche (Oui, oui, j’aime toujours les métaphores). Certains se méfient de cette nouvelle « fille de » qui se met à la musique parce que c’est cool, parce qu’elle fait partie du réseau Gainsbourg, Alors qu’une actrice, un mannequin, ça joue, ça pose, mais non, ça ne chante pas. Début septembre, l’album sort, accompagné de multiples couvertures radios, web et magazines. Magic, Les inrocks, France Inter, Mowno… Et d’un coup il faut choisir son camp. Peut-on écouter ET apprécier l’album de Lou Doillon sachant qu’il s’agit de la fille du réalisateur Jacques Doillon et de la chanteuse Jane Birkin, et qu’elle bénéficie d’un entourage particulièrement clément quand il s’agit de se lancer dans la musique ? Pour reformuler : le talent se dissout-il dans la génération ?

Voici le fruit modeste de mes réflexions, élaborées à partir des commentaires les plus entendus :

1.   « C’est de la merde » : j’ai toujours aimé cette condamnation définitive, surtout quand l’excrément est synonyme du terrible mainstream. Certes l’album n’est pas un chef d’oeuvre. Et alors ? Plusieurs titres sont excellents, un mariage heureux entre Cat Power période The Greatest et Fiona Apple. Et quelques titres sont plus faibles. Pas indigents non, juste moins inspirés, des plans souvent entendus. Un ensemble cependant harmonieux, toujours relevé par cette voix feutrée, habitée. Donc pas de quoi fouetter un chat. (oui, oui, toujours les métaphores).

2.   « J’en ai ras le bol des fils/filles de » Ok. Donc si je comprends bien, dès lors qu’un enfant de la balle s’essaye à l’exercice (même sur le tard) de l’art filial dans laquelle il a baigné toute son enfance, c’est louche. Alors il faut convoquer Jeff Buckley, Femi Kuti, Arthur H ou Stephen Marley à votre tribunal ? flagrant délit d’héritage ? Merde, je crois pourtant que David Guetta ou Orelsan n’ont heureusement pas d’antécédents. Je n’ai personnellement jamais reproché à un fils d’ébéniste de reprendre le sillon tracé. Alors pourquoi reprocher à Lou Doillon de tenter sa chance ? Et puis les chats ne font pas des chiens. (Ah zut, encore une métaphore…) Bref. La seule question acceptable est : c’est beau, c'est bon ou pas ? Ai-je envie d’écouter un, deux, trois ou quatre morceaux régulièrement ? Si c’est oui tant mieux, si c’est non, je peux vous recommander un bon paquet de chanteuses qui valent la peine aussi d’être entendues.

3.   « Elle est surmédiatisée, y a tellement mieux à mettre en avant ». Oui effectivement : à l’heure où sortent les albums de Grizzly Bear, Matthew Dear ou Gonzales, on aimerait bien trouver un équilibre dans les promotions éditoriales. Mais quitte à être cynique, regardons les choses en face : Croyez-vous que les Inrocks, Vox Pop ou Télérama peuvent prendre le risque chaque semaine, chaque mois, d’afficher en couverture l’actualité discographique d’un Kim Giani, d’un Mermonte ou d’un Holograms ? Certes les sur-représentations  d’un artiste au détriment d’autres finissent par lasser et rappeler les mauvaises heures du culte de la personnalité. Mais en même temps, si une Manon ou un Robin, 16-17 ans, attirés par ce visuel en viennent à lire réguliérement Magic et dans le même temps abandonnent l’écoute abrutie des derniers black eyed peas, lmfao ou Damien Saez, ne doit-on pas se réjouir ?  Si la découverte et l’écoute de Lou Doillon mène à terme à Sybille Baier, Paula Frazer ou que sais-je, Patti Smith, ne doit-on pas s’en féliciter ?

Vous m’aurez compris. Je ne considère pas ce premier album de Lou Doillon comme un incontournable. Je sais comme de nombreux névrosés qu’il y a plein d’autres choses à découvrir, à attendre. Flying Lotus, Tame Impala, Lescop par exemple. Mais je ne vois pas pourquoi, et au nom de quoi il serait mal vu d’apprécier son talent. Places est un album intelligent, sensible, touchant, susceptible de plaire à des milliers de gens qui n’ont strictement rien à foutre des influences, des rapprochements, des critères pointus de certains gardiens du temple, des guerres intestines entre spécialistes qui savent.

Lou Doillon - ICU

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