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Portrait sur le vif d’une jeune génération dans le Bronx

Par Borokoff

A propos de The We and The I de Michel Gondry ★★★☆☆

The We and The I de Michel Gondry - Borokoff / Blog de critique cinéma

A New-York, dans le Bronx, des dizaines d’élèves sortent en pagaille d’un lycée et prennent le bus pour rentrer chez eux. C’est le dernier jour d’école de l’année, les vacances d’été commencent, et l’agitation qui règne dans le bus est à l’image des disputes et des railleries qui éclatent entre les différentes bandes d’adolescents. Mais à mesure que le bus se vide, le rire fait place à des situations beaucoup plus graves, tendues et  intimes entre les derniers occupants. L’occasion parfois de régler certains comptes ou de dévoiler une facette inconnue de sa personnalité…

Coécrit par Michel Gondry, et entièrement joué par des acteurs non professionnels (tous très bons), The We and the I est à plusieurs titres une surprise. Un film dont on ne pourra pas nier en tout cas les ambitions artistiques. La première surprise est de voir Gondry s’attaquer à un sujet sensible et qu’il n’avait jamais traité avant : le mal-être des adolescents et l’âpreté de leurs rapports, la difficulté qu’ils ont à communiquer entre eux à 15 ou 16 ans.

The We and the I est un huis-clos teinté de documentaire (tous les jeunes jouent leur propre rôle) et habilement orchestré dans un bus du Bronx. Une ballade abreuvée de bons vieux morceaux de hip-hop des 90s et filmée en temps réel, le temps de faire tous les arrêts d’une ligne au parcours revu et corrigé pour les besoins du film. Une grande partie de l’audace de The We and The I tient dans son parti-pris formel, ce dispositif visuel qui vise à ne jamais sortir du bus ou alors exceptionnellement, comme dans un embouteillage dont profitent deux jeunes pour aller s’acheter une pizza.

The We and The I de Michel Gondry - Borokoff / Blog de critique cinéma

Entre ces bandes rivales – on pourrait reprocher à Gondry le côté un peu « cliché » de certains adolescents – les vannes fusent, méchantes parfois, comme dans un « clash » entre rappeurs, donnant l’impression que les dialogues sont improvisés alors qu’il n’en est rien, comme l’a confié dans une interview le réalisateur d’Eternal Sunshine of the Spotless Mind. De ces joutes verbales, c’est en tout cas la pauvre Teresa qui en fait le plus souvent les frais. Teresa (Teresa Lynn), personnage central du film, et qui est d’abord la risée du bus avant de se révéler comme un personnage clef dans les intrigues amoureuses entre adolescents. Une confidente par excellence, que l’on pensait à tort et au départ écervelée et superficielle.

Pour écrire le film, Michel Gondry a puisé dans ses souvenirs personnels, et l’abjection que lui remémoraient les bizutages par exemple. Le flow de musiques hip-hop de la bande sonore constituent autant de clins d’œil aux musiques qu’il affectionnait au tournant des années 80.

Rien à dire donc dans l’ensemble, dans ce bus qui roule « speed » comme le flow d’un rappeur, mais qui aurait peut-être gagné à souffler davantage justement, à s’accorder plus de respirations. On aurait aimé que Gondry s’attarde davantage sur certaines scènes, certains moments clés, à la fin notamment, comme dans ce passage émouvant où un jeune homosexuel pleure parce qu’il a été trahi, trompé par son petit-ami. Dommage que cette scène  majeure, dramatiquement paroxystique, soit amenée de manière un peu abrupte et sans transition. On reste néanmoins admiratif de certains plans du film, des prouesses des acteurs comme de la virtuosité de la mise en scène, dont le principal atout est sa capacité à insuffler du rythme. Un rythme pas facile à installer dans un huis-clos mais qui ne faiblit pas ici malgré les changements de ton.

Car à mesure que ce bus se vide, l’ambiance se fait de plus en plus grave pour ne pas dire solennelle. Les grandes gueules du bus comme Michael (Michael Brodie) tombent quand, délestées de leur bande, elles se font moucher et ne savent plus à jouer plus aux caïds ni aux malins. Et ceux que l’on considérait comme des moins que rien, ceux que l’on moquait à cause de leur physique arrivent enfin dans la lumière (« les derniers seront les premiers », n’est-ce pas ?), dévoilant au passage une profondeur de caractère et une beauté d’âme insoupçonnées comme celles de Teresa, encore elle.

A la fin du film, les secrets les plus intimes tombent, en même temps qu’un drame vient s’abattre sur la tête de ces adolescents et rappeler leur fragilité (la notre aussi). Passage du rire aux larmes. Photo instantanée, prise sur le vif, de l’adolescence…

http://www.youtube.com/watch?v=Gui75yOr6c0

Film anglo-américain de Michel Gondry avec Joe Mele, Meghan Murphy, Alex Barrios, Teresa Lynn (01 h 43)…

Scénario de Michel Gondry, Paul Proch, Jeffrey Grimshaw : 

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Mise en scène : 

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Acteurs : 

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Dialogues : 

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Compositions : 

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