Sale temps pour les braves est un roman écrit au milieu des années 60. Pas de rêves hippies dans cette Amérique âpre où on ne peut compter que sur soi-même. Impossible de faire autrement pour Jack Levitt. Ses parents sont morts depuis belle lurette et l’orphelinat où il a grandi n’avait rien d’une colonie de vacances. A 16 ans, il erre dans les rues de Portland. De mauvaises rencontres en petit délits, il va tâter de la maison de correction, de l’hôpital psychiatrique et enfin de la prison. Un parcours limpide. A sa sortie, difficile de trouver sa place parmi le commun des mortels. Il y aura pourtant un mariage, un enfant, et au final, encore et toujours, le retour à la case départ, au face à face avec soi-même.
Don Carpenter dresse le portrait de l’Amérique des sans grades. Des salles de billard cradingues aux hôtels sordides, il décrit une galerie de personnages ayant tous compris depuis longtemps que « le désir est le seul ennemi de la mort. » Parce que l’on est dans la « dèche », on cherche à se faire « du blé ». Parce que l’on a besoin d’exister, on se lance dans des paris stupides, on pense être le meilleur dans son domaine. Une sorte d’optimisme cynique traverse le roman. Il est également à noter que les pages consacrées à l’univers carcéral sont d’un réalisme éblouissant.
Traduit pour la première fois en France, ce titre méconnu vaut la peine que l’on s’intéresse à son cas. Richard Price et Georges Pelecanos ne tarissent pas d’éloges à son égard. Pour ce dernier, c’est même « l’un des romans américains les plus importants des années 60 ». Certains voient dans Sale temps pour les braves l’égal de Vol au-dessus d’un nid de coucou de Ken Kesey ou encore d’Un rêve américain de Norman Mailer. Pas de la p’tite bière, quoi.
Petite bio express de cet auteur qui m’était jusqu’alors totalement inconnu : Don Carpenter est né en 1931. En 1966, conforté par le succès public et critique de Sale temps pour les braves, il se consacre entièrement à l’écriture et devient scénariste pour Hollywood. Au début des années 80, touché par la maladie, il mène une vie d’ermite reclus dans un petit appartement près de San Francisco. Bouleversé par le suicide de son meilleur ami Richard Brautigan en 1984, Carpenter sombre dans la dépression. Il met fin à ses jours par arme à feu le 28 juillet 1995.
Sale temps pour les braves de Don Carpenter. Cambourakis, 2012. 348 pages. 23 euros.