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La garde des troupeaux en vallée de Barèges en 1914

Par Baudouindementen @BuvetteAlpages

La cabane

L’homme se construisit ensuite des cabanes. Nombreux sont, sur les pâturages des hauteurs, ces refuges à l’usage exclusif des bergers. Au centre du coeyla, endroit où parquent les troupeaux, le plus souvent adossés à un quartier de roc, quatre murs mal dressés, en pierres sèches, recouverts de mottes de gazon soutenues par des pièces de bois supportant des schistes formant toit à deux pentes, avec, d’un côté, une étroite ouverture servant de porte : voilà la cabane actuelle.

On fait le feu dans un coin, et comme les nhebres (génévriers) ou les gabèts (rhododendrons) avec lesquels on alimente le foyer dégagent une fumée intense, l’intérieur est profondément noirçi et il faut être habitué, dès l’enfance à l’âcre atmosphère de cet intérieur. Telle quelles, nos bergers s’y plaisent. Malgré sa frêle apparence, la cabane est solide; elle résiste aux énormes masses de neige qui l’enveloppent l’hiver. Au retour du printemps, quand le pâtre y revient avec ses troupeaux, il ne trouve pas l’aspect sensiblement modifié, et il ne lui faut pas longtemps pour la réparer et la remettre en état de lui servir pendant la saison nouvelle. Il arrange la yasse en substituant de la paille fraîche à celle de l’année précédente, pendant que les troupeaux prennent possession des pâturages

Era borde

La grange. C’est là que, sur les prairies des hauteurs, le berger cohabite avec ses troupeaux. Une partie de la grange, séparée du restant pa rune cloison en planches, tampat, lui est spécialement réservée : c’est le cabanes.

Dans un angle, une pierre plate sert de foyer; au dessus, un trou dans le mur : c’est le tire hum (fumée) qui sert de passage à la fumée; la plupart du temps celle-çi s’obstine à ne pas sortir par là. Parfois, dans les batisses neuves, il y a de vraies cheminées. Dans un autre coin, et caxou, coffre aux provisions ou et limandet, petite armoire. Enfin, au fond, sur des planches élevées de 50 à 60 centimètres au dessus du sol et recouvertes de paille, era yasse, ou lit du berger. Le tout éclairé par a hiestret, petite fenêtre de 40 centimètres environ sur 25, fermée par un panneau de bois ou par un châssis vitré.

La charpente de la grange est très simple. De simples chevrons reliés deux à deux par une traverse et espacés de 0,7m.

La garde des troupeaux

"Quand les foins sont enfermés dans la maison d’été, et quand l’automne y ramène le bétail, la famille descend au village et le berger se réfugie avec son troupeau dans la maison abandonnée, où il vit seul, au milieu des neiges de l’hiver, pendant que le troupeau consomme la provision qui lui a été préparée. C’est alors que la patience et le courage de ce solitaire sont exercés. Qu’il est à plaindre, quand un hiver plus rigoureux que de coutumes, quand une extraordinaire abondance de neiges, quand des vents plus impétueux, et des lavanges plus fréquentes, le confinent et l’assiègent dans sa retraite! Que d’accidents surviennent, contre lesquels il est seul à se défendre! Que d’accidents il redoute, dont il ne peut confier la garde à personne!

La garde des troupeaux en vallée de Barèges en 1914

Voilà ce que disait Ramond, il y a cent vingt cinq ans (NDLB: 1914-125=1789). Cela n’a pas changé depuis. Disons cependant que le berger passe les deux plus mauvais mois de l’hiver, décembre et janvier, avec ses troupeaux, au fond de la vallée, dans le village, où il y a toujours une grange près de la maison.
Vienne le printemps. Les bergers remontent sur la montagne, où ils retrouvent les cabanes en pierres, recouvertes de dalles, qu’ils avaient laissé l’année dernière. l’hiver n’a pas sensiblement modifié son aspect, sa porte ouverte semble dire aux arrivants : “Donnez-vous la peine d’entrer”.
La première ocupation des bergers est de s’installer, d’arranger la yasse en substituant la paille fraîche à celle de l’année précédente, pendant que les troupeaux prennent possession des pâturages.
La vie du berger est alors un autre exil, il vit au milieu des solitudes, seul la plus grande partie de la journée. Il vit en lui même, caressant ses chimères, les poursuivant dans l’accompagnement des symphonies des cascades et des gaves, près des ruisselets dont l’onde, en descendant, raie de ses lignes blanches la verdure des pâturages.
Il ne manquerait, pour rendre la montagne comparable à la plus suave des églogues (NDLB : Une églogue est un poème de style classique consacré à un sujet pastoral. = bucolique), que le son des flûtes et des flageolets, mais nos bergers ne sont pas musiciens : ils se contentent du bruit du vent, du gazouillement de quelques rares oiseaux et du bêlement des moutons.
Si toujours il en est ainsi, ce serait un rêve; mais hélas! la montagne n’a pas que des fleurs et du repos; elle a aussi ses moments maussades et terribles.
C’est tantôt la brume qui l’enveloppe dans ses longs plis; c’est la vie sans horizon, sans soleil; ce sont les vents et la tempête; bientôt c’est la foudre qui gronde, dont les éclats s’enflent en se répercutants sur les rochers; c’est l’ouragan déchaîné, la pluie qui fait rage et qui transforme tout en torrent. Et les mois s’écoulent ainsi, loin de tout et loin de tous.

Les sonailles

Pour que le pâtre puisse plus aisément reconnaître où se trouve son troupeau, il munit certaines de ses bêtes de clochettes. La diversité de ces instruments est très grande (…)

oOo

Source : Archives départementales. Monographie de la vallée de Barèges par Jean-Pierre Rondou, instituteur à Gèdre, Tome 3, partie "Moeurs, habitudes, coutumes", page 189 à 204.

Commentaires

Jean-Pierre Roudou cite un texte de 1789 qui parle de la garde des troupeaux et précise que celà n'a pas changé jusqu'au moment où il rédige sa monographie, en 1914. La garde des troupeaux se faisaient été comme hiver, de jour comme de nuit, dans des conditions de vie rudes où les cadets étaient certes exploités : les cabanes étaient réservées à l'usage des bergers.

Pourtant, la charte de l'AOC Barèges-Gavarnie précise : " En estive, les animaux pâturent en liberté totale de jour comme de nuit. Cette liberté de pâture ne correspond pas à un abandon des animaux mais correspond au respect des usages en cours depuis le milieu du 19ème siècle." (1850)

Jean-Pierre Roudou témoigne ainsi que les troupeaux ont été constament gardés de la fin du XVIIIe jusqu'au au moins au début de la première guerre mondiale.

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