L’art de l’ambiguïté (et autres films de genre)

A propos de The Secret de Pascal Laugier 

Jessica Biel

A Cold Rock, petite ville minière – et imaginaire – de l’État de Washington (U.S.A.), des enfants disparaissent depuis des années sans laisser de traces, au  grand dam de la population et des autorités locales, incapables d’endiguer le fléau. Les habitants, pour la plupart dans une situation précaire du fait de la paupérisation née de la crise et de la fermeture récente des mines, ont construit un mythe sur l’auteur de ces enlèvements. Ils l’appellent le « Tall Man ». Mais qui est le « Tall Man » exactement, lui qui a été aperçu en train de rôder au crépuscule, à l’orée de la  forêt ? Lorsque le fils de Julia (Jessica Biel) est enlevé sous ses yeux à son domicile, ni une ni deux, la jeune infirmière se lance à sa poursuite, au péril de sa vie…

The Secret (The Tall Man en anglais) est une petite curiosité. Coproduit par les États-Unis et le Canada, tourné à la frontière entre les deux pays, entre Vancouver et la petite ville de Nelson (Colombie-Britannique), le troisième long-métrage de Pascal Laugier a pour ambition de renouveler ou plutôt de dépoussiérer le film de genre, un peu comme Jacques Tourneur (1904-1977) le fit à son époque, en marge des grosses productions hollywoodiennes, en réalisant sans grands moyens des chefs-d’œuvre dans des genres aussi divers et variés que le polar noir, le fantastique, le western ou la science-fiction.

Stephen McHattie

Parler d’un seul genre pour The Secret serait bien réducteur pourtant, tant le nouveau film de Laugier – après Martyrs (2008) et Saint Ange (2004) – mélange à la fois le fantastique et le thriller, tout en empruntant aux codes du film d’horreur.

Ce mélange de genres dans The Secret rend le film à la fois complexe et captivant. The Secret excelle en effet à passer d’un style à l’autre de manière déstabilisante, partant comme un thriller avant de s’orienter vers un polar à l’ancienne, façon série B (le flic joué par Stephen McHattie est un hommage au personnage joué par Spencer Tracy dans Un Homme est passé, 1955) puis de bifurquer vers le fantastique et une réflexion inattendue sur les conséquences et les séquelles humaines pour leurs parents s’il fallait sauver ces enfants, condamnés par tout un système scolaire et par leur milieu social, à ne connaître que l’échec  dans la société.

Le recours au surnaturel dans le scénario est propice à créer une ambiguïté (renforcée par le personnage de Julia, bonne ou mauvaise ?) à travers une question qui se pose sur toutes les lèvres : quelle est la part de légende dans tous ces kidnappings d’enfants ? Mais ce surnaturel invite surtout à une réflexion philosophique plus profonde, un questionnement nuancé qui dénote un certain amoralisme, du moins détonne par son côté subversif. Si tous les enfants dont on parle dans le film, issus de milieux très défavorisés, mériteraient sans doute un cadre de vie et des conditions meilleures pour réussir dans la société, quel serait alors le prix à payer pour leurs parents ? Une peine sans fin, de la douleur et de l’affliction auxquelles s’ajouteraient la culpabilité et l’angoisse incommensurables, torturantes de ne jamais savoir ce qui leur est arrivé.

Et c’est la grande force du film, outre celle de nous amener sur des terrains métaphysiques inattendus, de ne pas tomber dans le moralisme (bien au contraire) mais de laisser les questions ouvertes, en suspens. Ce qui a le don de les rendre bien plus dérangeantes…

http://www.youtube.com/watch?v=O9hwwZdhxbQ

Film franco-américain de Pascal Laugier avec Jessica Biel, Jodelle Ferland, Stephen McHattie… (01 h 45)

Scénario de Pascal Laugier : 

Mise en scène : 

Acteurs : 

Dialogues : 

Compositions de Todd Bryanton :