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Dans l'atelier de Benoît Janson, magicien en restauration d'art contemporain

Publié le 21 septembre 2012 par Alexia Guggémos @alexia_guggemos

"Je suis un illusionniste !", affirme Benoît Janson, 53 ans, pour tenter de définir son travail. Son métier : restaurateur d'œuvres d'art. Dans son atelier-clinique de la rue Jean Bologne à Paris, cet urgentiste de l'art contemporain a sauvé près d'un millier d'oeuvres victimes de chocs ou bien livrées aux micro-organismes d'une cave. Avec ses lunettes rondes et sa blouse blanche, certains pourraient l'appeler Doc !

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Formé auprès de ses confrères experts et restaurateurs de l'IFROA dès 1978, Benoît Janson a pour père le peintre surréaliste Marc Janson représenté autrefois par la galerie François Petit, célèbre pour sa dernière exposition des œuvres de Max Ernst. "J'ai été élevé dans les pots de peinture, raconte t-il. Petit, je rêvais déjà de cette collaboration avec les artistes." (photo : Benoît Janson devant une toile de Wang Dajun)

A l'âge de 5 ans, Benoît Janson vouait déjà une admiration pour le peintre surréaliste roumain Victor Brauner. Fan de Poliakoff, il connaît le moindre des secrets de fabrication du peintre dont il restauré près d'une centaine d'oeuvres. C'est ainsi par passion qu'il est devenu un expert de la Figuration Narrative. Par époque, il reconnait les aplats d'un Adami, épais, dense, de ceux d'un Télémaque, transparents, subtils. Pierre Soulages lui confie ses restaurations. "Je reconstitue le geste de l'artiste à ma façon, avec mes propres outils." Le goudron est son ennemi juré. "Le pire, ce sont les mélanges !"

Se rendre à Saint-Martin de Bréhal (Basse-Normandie) pour se procurer le même sable utilisé par l'artiste chinois Kim Tschang Yeul pour reconstituer la matière, ou bien chiner une ampoule à vapeur de mercure pour restaurer une "Télélumière" de Takis, arpenter les boutiques dans la France entière pour dénicher une couronne mortuaire en plastique identique à celle employée par Jean-Pierre Raynaud dans les années 70... C'est le quotidien de Benoît Janson.

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Au fond de son atelier, un tableau de Peter Klasen qui gondolait légèrement et qu'il a fallu refixer, a été mis en extension provisoire. Il y aura plusieurs imprégnations de résine pour stabiliser la toile. Sur l'établi, un plâtre de Jean Arp brisé à plusieurs endroits et une sculpture en fil de fer. "Il s'agit d'une œuvre inattendue de Jacques de Villeglé. L'artiste a trouvé ce fil de fer torsadé dans un blockhaus sur les plages du débarquement en Normandie, je dois refaire faire les soudures...", explique-t-il. Plus loin, des matériaux de toutes sortes, comme du crin pour reconstituer la queue d'un cheval "malade" de Jean-François Fourtou. Face à une déchirure, comme celle d'une toile de Jean Hélion, il sait comme personne faire du fil à fil, c'est-à-dire remettre les fils de la toile dans le bon sens, allant jusqu'à restaurer les restaurations. (photo : Les mains de Julie en train de restaurer une oeuvre de Niki de Saint-Phalle)

Les recommandations de Benoît Janson sont précieuses : éviter les toiles de coton privilégiées par tous les grands artistes américains de l'école de New York, au profit du lin ou du chanvre. Attention aux matières plastiques qui sont un mauvais support pour la peinture acrylique. Le néon, lui, a une durée de vie d'une trentaine d'années seulement selon les conditions de restauration. Seul le patron dessiné servant de modèle garantit la durée de l'œuvre pour une recréation authentique, si nécessaire. "A chaque fois, une restauration est un défi, et une aventure !"

 

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