Michel Peyret
22 septembre 2012
J'ai l'habitude de citer l'Internationale.Je vais le faire une fois de plus à cette occasion :
« Il n’est pas de sauveurs suprêmes :
Ni dieu, ni césar, ni tribun,
Producteurs, sauvons-nous nous-mêmes !
Décrétons le salut commun !
Pour que le voleur rende gorge,
Pour tirer l’esprit du cachot
Soufflons nous-mêmes notre forge,
Battons le fer quand il est chaud ! »
J'ai écrit le commentaire ci-dessous suite à l'article du Front Syndical que j'ai d'ailleurs bien apprécié :
Que Bernard Arnault aille où il veut, les entreprises qu'il possède en France vont rester en France et vont continuer à produire en France.
Les salariés des entreprises de Bernard Arnault ont les compétences nécessaires pour les faire fonctionner puisqu'ils le font déjà!
Et donc si Bernard Arnault cherche à filouter, c'est-à-dire à agir contre les intérêts de ses salariés et de la France, il n'est rien de plus simple que de le déposséder de ses propriétés en France.
On sait comment il faut faire puisque cela a déjà été fait en France à différentes époques.
L'étatisation, appelée ici "nationalisation", et en attendant l'appropriation sociale, on sait comment il faut procéder.
Alors, pourquoi donc personne n'en parle?
Bernard Arnault, première fortune de France et 4 ème du monde, annonce qu'il veut aller rejoindre ses pairs en Belgique, à commencer par son vieil ami, le baron et grand capitaliste Albert Frère. Il montre à tous qu'il n'a qu'une patrie, celle du fric et de son intérêt de classe, comme les émigrés de 1792, comme le patronat français durant la seconde guerre mondiale se rangeant de manière « décomplexée » derrière Hitler. Ne cherchons pas très loin : si le grand patronat a toujours crié « plutôt Hitler que le Front Populaire » en faisant le choix de la défaite, s'il était absent du Conseil National de la Résistance, c'est qu'entre 40 et 44, les profits, c'est Hitler.
C'est ce même capital, vaincus et vainqueurs réunifiés par les exigences de l'accumulation et de la lutte contre le mouvement ouvrier, qui a conçu la construction européenne, vendue aux écoliers à travers les figures des "pères de l'Europe", en réalité tous hommes du capital spécialistes de l'anti-communisme ou collaborateurs actifs du nazisme.
Il s'agissait de briser la résistance ouvrière et de construire un espace de valorisation du capital supranational : chômage de masse, précarité et flexibilité de l’emploi, mise en "concurrence libre et non faussée" des peuples et des travailleurs, destruction de la protection sociale, asphyxie des services publics et privatisations, privation des peuples de leur souveraineté jusqu'au "pacte budgétaire" et MES qui visent à placer les budgets et les parlements nationaux sous la tutelle directe du capital financier.
Le vieux rêve de la droite la plus réactionnaire sera alors réalisé : l'effacement non seulement de 1945 mais aussi de 1789 !
Il fut aussi un temps où les plus grandes forces syndicales rendaient coup pour coup et, par exemple, n'hésitaient pas à mener campagne ouverte contre l'UE née du Traité de Rome en 1957. A l'époque, les discours et les articles sur l'Europe de Benoit Frachon, secrétaire général de la CGT, ne parlaient pas d'Europe sociale et n'escamotaient pas les enjeux pour les travailleurs :
« La CGT a dénoncé ces mensonges et mis à jour le caractère impérialiste de cette opération des monopoles qui ne visait ni au bien des peuples ni à l’amélioration des conditions de vie et de travail des prolétaires ni à l’établissement d’une amitié entre les peuples favorables à la paix, mais uniquement aux intérêts des capitalistes, placés dans les conditions actuelles, devant la nécessité d’une concentration industrielle et bancaire de plus en plus impérieuse.
Le Marché commun n’a pas et ne pouvait pas aboutir à l’amélioration de la situation de la classe ouvrière. Il l’a aggravée. Le Marché commun, sous le signe des monopoles, ne pouvait pas ne pas aboutir à ce que ces derniers dominent de plus en plus l’Etat dans chacun de ses pays où tous les gouvernements exécutent désormais fidèlement leur politique.
La domination des monopoles qui a abouti, dans tous les pays du Marché commun, à l’installation de gouvernements à leur dévotion, est une menace permanente pour les libertés ouvrières et démocratiques.
Nous le disons très franchement aux militants des organisations qui participent aux institutions du Marché Commun, nous n’avons aucune confiance dans la possibilité de transformer ces organismes, de les infléchir vers une politique différente.
Quelles que soient les modifications qui puissent leur être apportées, ils poursuivront leur politique actuelle aussi longtemps que les représentants des monopoles et les gouvernements à leur dévotion en seront les animateurs et les bénéficiaires. Nous nuirions à la collaboration fraternelle des peuples, nous retarderions l’union ouvrière pour le progrès, pour la liberté et la paix, si nous laissions croire un seul instant que dans l’Union européenne que les capitalistes veulent réaliser, il y a la moindre parcelle de cet internationalisme auquel aspirent les travailleurs. Nous devons au contraire démasquer leurs subterfuges et expliquer que les Etats-Unis d’Europe dont parlent d’abondance les représentants les plus typiques des monopoles, ne seraient qu’une simple association réactionnaire d’exploiteurs unissant leurs efforts pour maintenir les peuples sous leur domination, et empêcher l’évolution de la société vers le socialisme, vers une véritable collaboration fraternelle des peuples. » (Benoit Frachon,Au rythme des jours)
Un demi-siècle plus tard, Benoit Frachon et la CGT avaient-ils raison ou tort ?
Régression sociale tous azimuts et recul de civilisation, guerres impérialistes, organisation par l'Europe elle-même au Luxembourg ou à Monaco du blanchiment de l'argent sale, bienveillance vis-à-vis des mouvements fascistes qui se développent partout, à commencer par la Grèce où le mouvement pro-nazi "Aube dorée" est non seulement toléré mais encouragé par la troïka comme diversion à la résistance populaire...
Mesdames-Messieurs de la Confédération Européenne des Syndicats, mesdames-messieurs des Etats-majors syndicaux, de la sociale démocratie en général, votre "Europe sociale" est un slogan mensonger ! Que faites-vous d'autre en reprenant ce slogan mystificateur et en développant vos bavardages sur la négociation entre partenaires sociaux que de reprendre le vieux slogan capitaliste "association capital-travail", au cœur déjà des périodes les plus sombres ?
Oui, l'Union européenne « est une entente, une association des grands capitalistes en vue d’essayer de surmonter leurs contradictions et de renforcer leur puissance sur le dos des masses exploitées. » (B. Frachon, 1962)
C'est donc par construction, dès le départ il y a plus de 50 ans que l’Union Européenne est anti-sociale et anti-démocratique.
La trahison du NON au Traité de 2005 par la droite et par le parti socialiste n’est pas un accident comme le refus actuel du gouvernement de procéder à une consultation populaire à propos du pacte budgétaire mais s’inscrit profondément dans cette volonté de déposséder les peuples de leur souveraineté et de leur imposer une austérité sans limites !
L’illusion d’une réorientation possible de l’Union européenne est mortelle parce qu’elle désarme les travailleurs et les peuples dans leur lutte pour leurs droits et pour récupérer précisément cette souveraineté et reconquérir des droits
Et c’est donc à ce titre et pour toutes ces raisons que l’engagement syndical contre le nouveau traité et contre l’Union Européenne est pleinement justifié !
Front Syndical de Classe,
20 septembre 2012