Magazine Asie

Les 3 unificateurs du Japon : Episode 3bis – Ieyasu Tokugawa

Publié le 22 septembre 2012 par Paoru

Tokugawa_Ieyasu_Mausolée

Suite et fin du dossier estival consacré à la vie et l’œuvre des 3 unificateurs du Japon : Nobunaga Oda, Hideyoshi Toyotomi et enfin Ieyasu Tokugawa, sans doute le plus célèbre des trois, dont j’ai scindé la biographie en deux parties. Après vous avoir raconté son enfance, ses premières batailles et son ascension vers les sommets, nous terminons aujourd’hui avec son arrivée au poste tant convoité de shôgun, inoccupé depuis plusieurs siècles et que ne pourront jamais remporter ses prédécesseurs Oda et Toyotomi, faute d’avoir conquis suffisamment de provinces ou d’être né sous une bonne lignée.

En route pour cette dernière histoire… Bonne lecture

;)

Hideyoshi et Ieyasu : une alliance de raison…

Tokugawa Ieyasu dans Sengoku.Musou
Dans notre précédent épisode, nous nous sommes arrêtés à l’année 1582, où Tokugawa finit enfin par achever le clan Takeda, ennemi de longue date. Cette année va être un tournant crucial pour le Japon et Tokugawa puisqu’au printemps, suite à un complot que je vous ai déjà expliqué maintes fois, Oda Nobunaga est assassiné par l’un de ses vassaux, Mitsuhide Akechi (voir ici, à la fin de l’article). Trop loin et en plein combat, Ieyasu se fait devancer par Toyotomi qui venge son maître et prend progressivement le pouvoir.

Comme je vous l’expliquais dans la partie consacrée à Toyotomi, Ieyasu craint cet homme très intelligent et fin stratège. Il commence donc par conquérir ce qu’il a à portée de sabre et tente d’envahir les provinces de Kai et Shinano, dans le centre ouest du Japon (du coté de Nagano). Le clan Hojo (une famille de samurai qui a dominé la politique du Japon durant le 12ème et 13ème siècle) ne l’entend pas de cette oreille et envoie une grande armée pour le stopper. Le sang de ne sera pas versé car les deux familles parviennent à un accord : Kai et Shinano reviennent à Tokugawa mais ce dernier leur laisse la province de Kazusa (une partie de l’actuelle préfecture de Chiba), plus à l’ouest.

Pendant ce temps – nous sommes alors en 1583 – Hideyoshi assoit sa suprématie et devient le daimyo le plus puissant du Japon après avoir écrasé Shibata Katsuie, ancien vassal de Nobunaga. Prudent, Tokugawa a su resté neutre dans ce conflit mais, un an plus tard, il soutient Nobukatsu Oda, fils de Nobunaga, qui veut prendre la suite de son père. En fait Tokugawa cherche juste à provoquer un conflit pour affaiblir Toyotomi, qui devient de plus en plus puissant. L’affrontement a bien lieu mais, un an plus tard, Nobukatsu propose une trêve et, en 1586, Ieyasu va prêter allégeance à Hideyoshi. Dès lors, Tokugawa reste dans son coin et ne fait plus partie des campagnes de son maître, qui ne lui fait guère confiance. Par exemple, pendant les tentatives d’invasions de la Corée en 1592 et 1597, il accompagne Toyotomi au QG sur place, mais sans armée.

La seule exception est l’affrontement avec le clan Hojo en 1590 où Ieyasu apporte 30 000 hommes dans une armée de 160 000 pour affronter Ujimasa Hojo. Après six mois de siège du château d’Odawara, l’armée d’Hideyoshi l’emporte, les Hojo se font seppuku et Ieyasu reçoit la grande région du Kanto en échange des cinq provinces qu’il possédait, qu’Hideyoshi récupère. Ce changement de propriétaire du Kanto n’est pas anodin car il signe la fin de 450 ans de règne des Hojo. Le Japon n’a alors plus qu’un seul daimyo indépendant : Date Masamune, qui détient la province de Sendai. Il se soumettra lui aussi.

Ieyasu possède alors des terres plus riches mais il est aussi plus éloigné du pouvoir, ce qui est le but caché de Toyotomi. C’est aussi le début d’une grande histoire pour la ville d’Edo, l’ancienne Tokyo, qui devient la capitale des Tokugawa puis celle du Japon, à la place de Kyoto.

La campagne pour la succession : Sekigahara

Forces en présence à Sekigahara
Nous voici arrivé en 1598. Hideyoshi Toyotomi meurt. Le combat pour la succession est immédiat, l’enjeu étant de gérer le fils Toyotomi qui n’a alors que 5 ans, en devenant son régent. Des cinq candidats possibles, Tokugawa prend rapidement l’avantage et obtient le soutien de la moitié des daimyo. Pour convaincre les autres ? Facile, on les retrouve sur le champ de bataille pour l’un des affrontements les plus célèbres de l’histoire du Japon : la bataille de Sekigahara, connu des lecteurs de manga comme le début de l’histoire du manga Vagabond de Takehiko Inoue, par exemple. Elle est si célèbre qu’on la nomme d’ailleurs Tenka wakeme no kassen (la bataille qui décida de l’avenir du pays).

Cette bataille débute le 20 octobre 1600. Il pleut à torrent ce jour là. D’un côté nous avons les forces d’Ieyasu Tokugawa,  face aux forces de Mitsunari Ishida qui soutient le fils d’Hideyoshi, aka Hideyori. Les forces d’Ishida se positionnent sur les hauteurs et encerclent Tokugawa, en croissant de lune. 80 000 hommes de chaque coté, la bataille est prête.

En fin de journée Toshiro Shimazu, vassal d’Ishida veut lancer une attaque en profitant de leur position haute. Ishida refuse : il veut contenir les attaques de Tokugawa pour les affaiblir et attendre l’arrivée du clan Mori qui prendra ce dernier à revers. Mais ce que n’avait pas prévu Ishida c’est que Shimazu va se vexer, très trèèès fort. En fait le clan Toyotomi ne tient qu’à un fil depuis la mort des deux autres fils d’Hideyoshi pendant le second conflit de Corée, et les querelles intestines sont nombreuses. Et ça, Ieyasu l’a bien compris.

Le lendemain Tokugawa finit par lancer la charge, mais la pluie a créé pas mal de boue et s’avère défavorable aux charges de cavalerie. Les troupes loyalistes tiennent bon, même si le clan Mori tarde. Même s’il ne le sait pas encore, Ishida a un autre problème car son flan gauche contient un traitre : Kobayakawa Hideaki, qui a passé un accord secret pour se retourner contre Ishida a un signal convenu. Seulement voilà : les troupes de Tokugawa s’empalent sur les défenses d‘Ishida, et Ieyasu a beau lancer ses 30 000 réservistes dans la bataille, il peine à prendre l’avantage. Le félon Kobayakawa hésite dorénavant sur le camp à prendre !

Il est alors 12h00 et l’armée d’Ishida décide de passer à la contre-offensive. Tokugawa a subit de lourdes pertes, il est clairement mal en point. Et c’est là que notre vexé de Shimazu décide de retourner sa veste : il ne lance pas la charge ! Et Kobayakawa finit par se décider : il ne bougera pas non plus ! Mais ce n’est pas finit car cerise sur le gâteau, le clan Mori confirme sa défection.

La bataille de Sekigahara

Alors que la victoire leur tendait les bras l’alliance en faveur des Toyotomi se disloque et Tokugawa en profite en poussant Kobayakawa à faire davantage que de rester planter là : il lui tire carrément dessus pour le faire réagir ! Et ça marche ! Ce couard de général se retourne contre le flanc droit d’Ishida, qui éclate sous le choc. Moins d’une heure plus tard le centre de l’armée se désagrège à son tour et, à 14h00, c’est la débandade : de nombreux clans quittent le champ de bataille dans un chaos des plus total. Seul les Ishida et Konishi opèrent une retraite ordonnée.

En fin de journée, la victoire est pour Tokugawa, même avec une armée très mal en point. Après son histoire contre les Takeda où il échappe à la mort d’un cheveu et cette bataille, on peut vraiment dire que l’homme est rusé, convaincant et déterminé… Mais aussi un sacré gros veinard loin d’égaler ses prédécesseurs en tactique militaire.

Il faut encore quelques années pour soumettre les daimyos restant, complétement affaiblis mais encore nombreux. C’est le 24 mars 1603 que l’Empereur du Japon, conscient de la supériorité écrasante de Ieyasu, le nommera shôgun.

Ieyasu, le premier shôgun Tokugawa

Après avoir fait épouser sa petite-fille Senhime à Hideyori Toyotomi, Ieyasu Tokugawa fait d’Edo la capitale du Japon. C’est la fin de la période Sengoku et le début de l’ère Edo qui marque le règne des Tokugawa (pendant 268 ans !), avant la période de la restauration Meiji. Tokugawa a alors 60 ans et il passe ses dernières années à renforcer le pouvoir de son clan.

Ieyasu Tokugawa
Armure de Tokugawa Ieyasu

Cependant Ieyasu ne reste shôgun que deux ans et laisse la place à son fils Hidetada dès 1605, pour assurer de son vivant sa propre succession. Mais il continue de tirer les ficelles en coulisse et garde son pouvoir, Hidetada n’étant que le dirigeant officiel, voir simplement administratif, du bakufu (aka le shogunat). Ieyasu lance le projet de construction du château d’Edo, un gigantesque chantier qui durera pendant toute sa retraite. C’est tout simplement le plus grand château du Japon.

Château d'Edo

De 1605 à sa mort, en 1616, Ieyasu converse régulièrement avec un prêtre protestant allemand du nom de William Adams (oui je sais ça ne fait pas très Allemand) qui va lui permettre de constater les dégâts que peuvent entrainer les guerres de religions en Europe et ailleurs. En 1614 il va d’ailleurs décider d’expulser tous les chrétiens du Japon et d’interdire purement et simplement l’exercice de cette religion dans son pays !

Auparavant en 1613, il aura également rédigé  le Kuge Shohatto’, qui encadre strictement les daimyos de la cour, pour n’en faire que des status officiels tout juste bons à représenter les clans aux grandes cérémonies.

Sa dernière grande bataille est le siège du château d’Osaka, de 1614 à 1615. En effet, il reste une menace qui plane sur les Tokugawa : Hideyori Toyotomi, qui est devenu un jeune daimyo vivant dans ce fameux château, avec tous les samurais opposés aux Tokugawa à ses cotés. Ieyasu finit par trouver l’occasion d’attaquer Hideyori lors d’une cérémonie d’ouverture d’un temple que ce dernier a construit. Ieyasu déclare qu’il s’agit d’une provocation et d’une prière pour la fin de son règne. Il ordonne alors à Hideyori et aux samurais de quitter le château d’Osaka mais ces derniers refusent. Je ne rentre pas dans les détails mais après deux sièges successifs le château tombe face aux 155 000 hommes des Tokugawa et quasiment tout le monde est massacré, y compris Hideyori, sa mère et son fils. Senhime en réchappe mais c’est la fin des Toyotomi.

Le Japon est définitivement unifié, plus rien ne menace alors les Tokugawa. Le 1er juin 1616, Ieyasu Tokugawa se laisse emporter par la maladie. Ses cendres sont déposés au Nikkō Tōshō-gū, dans la province de Tochigi… Et elles y sont toujours.

Tombe de Tokugawa Ieyasu
Mausolée de Ieyasu Tokugawa

FIN !

Dossier – Les trois unificateurs du Japon.

Oda Nobunaga

Toyotomi Hideyoshi

Tokugawa Ieyasu 1/2

Tokugawa Ieyasu 2/2


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Paoru 8438 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Magazines