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La chevelure : Baudelaire ou Maupassant ?

Publié le 24 septembre 2012 par Detoursdesmondes
Marie400

Intéressante exposition que celle présentée au musée du Quai Branly actuellement et jusqu'au 14 juillet 2013 : Cheveux chéris. Frivolités et trophées.
Chevelure ... le mot seul évoque bien sûr le célèbre poème de Baudelaire : Beauté, grâce, séduction, volupté mais aussi fécondité.
Suse400

Et puis l'exposition bascule ; le cheveu devient une matière chargée de pouvoirs. Les cheveux sont associés à des charmes magiques, à la puissance des ancêtres... non sans rique.
Le malaise ou l'effroi qui nous saisit me fait songer à l'atmosphère des premières lignes du poème de Maupassant, tant bien même le contexte diffère grandement :
"Les murs de la cellule étaient nus, peints à la chaux. Une fenêtre étroite et grillée, percée très haut de façon qu'on ne pût pas y atteindre, éclairait cette petite pièce claire et sinistre; et le fou, assis sur une chaise de paille, nous regardait d'un oeil fixe, vague et hanté. Il était fort maigre avec des joues creuses et des cheveux presque blancs qu'on devinait blanchis en quelques mois. Ses vêtements semblaient trop larges pour ses membres secs, pour sa poitrine rétrécie, pour son ventre creux. On sentait cet homme ravagé, rongé par sa pensée, par une Pensée, comme un fruit par un ver. Sa Folie, son idée était là, dans cette tête, obstinée, harcelante, dévorante. Elle mangeait le corps peu à peu. Elle, l'Invisible, l'Impalpable, l'Insaisissable, l'Immatérielle Idée minait la chair, buvait le sang, éteignait la vie. Quel mystère que cet homme tué par un Songe ! Il faisait peine, peur et pitié, ce Possédé ! Quel rêve étrange, épouvantable et mortel habitait dans ce front, qu'il plissait de rides profondes, sans cesse remuantes ? "...
Emma400

"... Or, un soir, je m'aperçus, en tâtant l'épaisseur d'un panneau, qu'il devait y avoir là une cachette. Mon coeur se mit à battre, et je passai la nuit à chercher le secret sans le pouvoir découvrir.
J'y parvins le lendemain en enfonçant une lame dans une fente de la boiserie. Une planche glissa et j'aperçus, étalée sur un fond de velours noir, une merveilleuse chevelure de femme !
Oui, une chevelure, une énorme natte de cheveux blonds, presque roux, qui avaient dû être coupés contre la peau, et liés par une corde d'or.
Je demeurai stupéfait, tremblant, troublé ! Un parfum presque insensible, si vieux qu'il semblait l'âme d'une odeur, s'envolait de ce tiroir mystérieux et de cette surprenante relique..."
Kanak400

Dans notre imaginaire occidental, nous sommes ainsi sensibles à la puissance des cheveux, matériau ô combien humain, tout imprégné de la vie d'un être.
Alors, au fil des salles, ce qui n'aurait pu être que frivolité laisse place à l'évocation des rites mortuaires ; les cheveux des deuilleurs ou des ennemis se substituent aux boucles des belles insouciantes...
à méditer.
Photo 1 : Sainte Marie-Madeleine, 1311-1313, église Notre-dame, Écouis.
Photo 2 : Femme nue aux bras en ailerons, Suse, 2340-1500 av J.-C, Département des antiquités orientales, musée du Louvre.
Photo 3 : Emma vers 1900, collection Jean-Jacques Lebel, achetée aux Puces de Saint-Ouen par André Breton.
Photo 4 : Masque de Nouvelle-Calédonie, musée du Quai Branly.
Photos de l'auteure, musée du quai Branly, septembre 2012.

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