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Jason Bourne : L’Héritage

Par Thibaut_fleuret @Thibaut_Fleuret

Jason Bourne : L’Héritage

Il arrive et pourtant on ne l’attendait pas ! Un nouvel opus d’une franchise qui a déjà donné le meilleur d’elle-même sort sur les écrans sans une excitation particulière. La réaction est normale, aux premiers abords, quand on sait que ni Matt Damon, le personnage principal de la série cinématographique, ni Paul Greengrass, le réalisateur qui lui a donné tout son souffle formel, ne font plus partie de la nouvelle direction.

Bourne : L’Héritage est forcément un projet casse-gueule. Un nouvel acteur, un nouveau réalisateur et un scénario dont on ne sait pas trop d’où il sort. Le matériau de base de ce dernier prête, en effet, à confusion. La trilogie originelle, écrite par Robert Ludlum, a été adaptée, et bien, et l’héritage littéraire apparaît quelque peu problématique même s’il reste écrit d’après le célèbre écrivain américain. D’où sort réellement La Peur dans la peau, le livre à l’origine de ce Bourne : L’Héritage ? Le film reprend donc cette logique, avec Tony Gilroy dans le rôle de Paul Greengrass. Le manque d’identité apparaît alors très présent dès la mise en chantier du métrage. Pourtant, le réalisateur connaît bien la franchise Bourne, il en a été le scénariste principal. Hélas, en plus des difficultés de matériau, c’est comme s’il n’avait pas pris le temps de regarder les opus précédents avant de se lancer dans cette nouvelle aventure. En effet, beaucoup d’éléments sont en fait des copier / coller de séquences des précédents films et deux sautent réellement aux yeux. La poursuite centrale sur les toits de Manille rappelle bien sûr celle de Tanger dans La Vengeance dans la peau et est, évidemment, l’exemple le plus flagrant. Un deuxième fait indéniable se retrouve dans la trame principale qui reprend celle du premier opus. Un homme poursuivi par une mystérieuse organisation, qui « prend en otage » une femme finissant par l’aider et s’amouracher de notre héros rappelle forcément la relation entre Matt Damon et Franka Potente. La surprise, en général, n’est donc pas à l’honneur dans ce nouveau métrage bournien.

Ces ressemblances ne se trouvent malheureusement pas que dans le scénario. La mise en scène tente littéralement de retrouver la mécanique de Paul Greengrass. Or, Tony Gilroy n’a pas le même talent que le cinéaste anglais et oublie la dynamique même de ce qui faisait la validité des trois premiers films. Les scènes sont globalement réalisées n’importe comment et le montage se fait trop elliptique. Le réalisateur, qui n’était déjà pas très à son aise dans un Michael Clayton qui, pour le coup, valait mieux pour son scénario, n’a pas compris l’essence greengrassienne. Un amas de plans de moins d’une seconde ne provoque pas toujours des dilatations du temps et de l’espace. Une succession d’images rapprochées ne rend pas forcément honneur au corps qui s’actionne telle une mécanique implacable. Le tout devient en fait une mixture formelle où plus rien n’a de début et de fin. En un mot, la réalisation n’a plus de sens propre. L’intérêt théorique en prend alors un coup quand on se rend compte que rien n’a été pensé correctement et l’efficacité, par la même occasion, se fait moindre. La mise en scène ne se réfléchit plus, elle se subit pour des yeux du spectateur qui se retrouvent souvent éclatés.

Malgré toutes ces digressions, Bourne : L’Héritage n’est pas totalement désagréable à suivre. La première partie tient d’ailleurs plutôt bien la route quand le film s’essaie au survival plus qu’au film d’action. Tony Gilroy s’essaie à l’imagerie plus ample, à la caméra aérienne, au plan large. Plus à l’aise, le cinéaste a su, ce coup-ci, trouver l’essence du genre pour le bon plaisir du spectateur. Ce début s’avère même plutôt passionnant quand on sait que cet entraînement a été suivi par Jason Bourne lui-même. Parallèlement, le principe de base du scénario qui convoque une histoire de médicaments censés améliorer les performances physiques et mentales est également intéressant. Grâce à ces éléments, le spectateur se rend compte alors de tout un hors champ dans les scénarios des trois premiers épisodes qui peut donner une complexité bienvenue et peut-être même une dimension plus sérieuse que prévu. Les ramifications gouvernementales sont interpellées et les liens entre science et politique ouvrent sur une lecture conspirationniste.

Hélas, le film est vampirisé par le traitement médicamenteux et rien d’autre ne sera exploité, pas même les ouvertures vers ces cieux pourtant diablement excitants. Bourne : L’Héritage se retrouve alors sans enjeux dignes de ce nom et, par voie de conséquence, plat. On assiste à une suite d’événements ayant pour seul but le fait qu’il doit prendre à tout prix ses médicaments. Les personnages sont retrouvés alors dans différents lieux pour faire exactement la même chose. C’est un peu court pour faire un bon scénario de film d’espionnage. De plus, celui-ci vire carrément à l’embrouille lorsque les soi-disants objectifs du scénario aboutissent à une espèce de construction protéiforme pyramidale sans queue ni tête qui perd le spectateur. A la fin, ce dernier arrive à ne plus rien suivre du tout, surtout que les acteurs n’arrivent pas à donner le meilleur d’eux-mêmes, malgré un casting quatre étoiles, pour une belle sensation de gâchis.

Heureusement, la constante convocation de personnages et d’organismes déjà présents – Jason Bourne et Pam Landy pour ne citer que les deux plus importants – arrive un temps soit peu à réactiver l’intérêt. Cette attitude fait remonter deux choses. La première est que Bourne : L’Héritage cherche avant tout à faire lien avec la première trilogie et c’est tant mieux. L’esprit de cohérence et de globalité est pris en compte et un sentiment de sincérité peut être ressentie. Mais cette problématique peut également se renverser. En effet, ne peut-on pas voir dans ce projet un manque de confiance en lui ? Ce rappel voudrait peut-être rassurer les fans de la première heure en les brossant dans le sens du poil tout en leur rappelant sans cesse qu’ils regardent quand même un Jason Bourne. Quelle est la véritable identité de ce nouvel opus, alors ? Et apparaît-il bien légitime ? Ce sont les interrogations, bien réelles, qui innervent le métrage. C’est bête, elle ne concerne pas le film en lui-même mais plutôt sa démarche. Le projet du film se casse ainsi légèrement la gueule.

Bourne : L’Héritage est beaucoup trop confus et recherche une richesse qu’il n’a pas tout le temps – ou l’envie – de développer. Telle pourrait être la conclusion de ce dernier opus qui sape un peu la qualité de la trilogie originelle. C’est dommage, elle ne méritait pas un nouvel épisode qui sent davantage l’opportunisme commercial que la réelle démarche artistique.


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