Magazine Culture

Manu Dibango - "African Woodoo" 2008 Frémeaux & Associés

Publié le 27 septembre 2012 par Audiocity

      

Texte repris du livret et propos recueillis par Jacques DENIS. Quand il signe "Soul Makossa", le natif de Douala a 40 ans. C'est à dire assez de recul pour que cet incroyable succès ne lui fasse tourner la tête. Manu Dibango garde donc les pieds sur terre, même si sa carrière s'envole vers la cime des "charts". D'autant que "Soul Makossa" ne fait que concrétiser les expériences élaborées depuis le milieu des années soixante. Curieux de toutes les musiques, ce jazzman de formation s'est converti à ce que l'on nommera bientôt le "rare groove", une bande-son entre soul jazz et afro funk, le tout relevé de ce qu'il faut de "clave" latine. Ce dont témoigne justement le bien-nommé "Woodoo", qui compile des séances réalisées à Paris en 1971 et à New York en 1975. Soit avant et après le fameux "Soul Makossa". D'ailleurs, comme pour ce titre, logé sur une obscure face B, il y est question de boucles obsédantes, de solos décapants, de rythmiques enivrantes. En clair, une transe de notes qui, sous ses faux airs légers et ses traits d'humour, annonce le changement radical de perspectives pour les musiques urbaines estampillées "africaines". Mieux, en 2008, ces thèmes s'avèrent ne pas avoir pris une ride avec le temps, gagnant même en notoriété auprès de la confrérie des chercheurs de pépites sonores. Tel un formidable retour vers le futur, ce document devrait pouvoir les rassasier, ou du moins leur mettre l'eau à la bouche, et leur faire dresser l'ouïe, puisque ceci n'est qu'un début, selon le vieux Lion au sourire légendaire. Aujourd'hui, l'ironie de l'histoire, ou plutôt la farce, est que les faces B de 45 tours deviennent désormais très prisées des amateurs et collectionneurs... « Les gens ont redécouvert récemment toutes ces faces: et oui, j'avais aussi fait cela ! Certains morceaux étaient sortis sur des compilations, réalisées souvent par des jeunes passionnés. Et puis de là, ils ont voulu savoir s'il y avait d'autres thèmes dans le même style. Moi, j'en ai des bandes ! Et donc j'ai fouillé dans ma mémoire, et mes archives. Et ce n'est qu'un début : il y a des titres enregistrés à New York avec des cordes, avec des sections de vent et de cuivres, avec des gens de chez Count Basie. Mais aussi des expériences à Paris, comme par exemple avec la soeur d'Aretha Franklin... En fait, le matériel qui compose "Woodoo", c'est de la "mood music" un peu épicée, pour illustrer des émissions ou autres sur l'Afrique. Ces enregistrements n'étaient pas du tout destinés au marché "normal". Il s'agissait de musique libre, c'est à dire ne répondant à aucune contrainte, contrairement aux disques de danse. On te demandait juste d'enregistrer des "trucs colorés". Libre à toi de faire ce qui te passait par la tête, d'ouvrir ton imagination ! Alors, tu osais des choses que tu n'aurais pas faites "normalement". Ces disques-là, j'appelle cela des délires. "Groovy Flute", par exemple, servait en fait comme générique de pub pour vendre du poulet de Bresse ! Il y a même "Bush" avant la lettre. Les titres répondaient à la loi du hasard, ils s'écrivaient sur le moment. Ca n'avait aucune espèce d'importance. Comme je l'ai répondu au magazine "Rolling Stone", qui voulait savoir qu'elle était ma musique. J'ai dit que je fait de "l'afro something", que je trouvais être une définition assez juste de ma musique. Et bien c'est resté après. C'est un genre en soi, repris dans d'autres colonnes. » Il existe une évolution entre 1971 et 1975, des différences d'approche entre Paris et New York? « Oui, déjà à l'écoute, tu perçois bien que les sensibilités des musiciens ne sont pas les mêmes. Un arrangement que tu donnes à des New-Yorkais ne sonnera pas pareil que le même avec des Français. Le langage, l'interprétation, et l'environnement ne sont pas les mêmes. La façon de jouer ensemble diffère. J'ai eu la même sensation quelques années plus tard en jouant avec des Jamaïcains et des Américains.  Sur ces séances enregistrées à Paris, en 1971, les musiciens qui m'accompagnaient étaient ceux qui faisaient partie de mon groupe régulier, ce n'était pas un casting de circonstance. Il faut dire qu'à partir de 1967, j'ai été le premier à avoir un orchestre régulier pour la télévision, "Pulsations", une émission produite par Jesipe Legitimus, l'oncle de Pascal Legitimus. Il y avait du monde : Jacques Bolognesi, Ivan Julien, François Jeanneau.... La plupart de ces gars se retrouvent sur les bandes enregistrées à Paris, et tous pouvaient aussi bien jouer rythm'n'blues que jazz, ou latino. Et moi je joue pas mal d'instruments là-dessus : saxophone, marimba, vibraphone, piano, orgue... Tout comme ceux qui m'entourent en 75 à New York. Là encore, j'avais constitué un groupe régulier, mais il y a aussi sur des titres des invités de prestige comme Buster Williams et Cedar Walton sur "Lea's Love Theme". Il y a même Tony Williams. » What Else ? Amazon iTunes Officiel

Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Audiocity 526 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Magazines