
Les marques de luxe ont tout intérêt à voir les technologies comme un moyen de continuer à séduire et étonner. Pour Mathieu Morgensztern, CEO de Digitas France, la bascule est en ce moment. Entretien.
Mathieu Morgensztern était présent à l'occasion de la conférence Flow 2012, organisée par Ykone, et qui se tenait le 24 septembre à Paris.
L'Atelier : Est-ce que les marques de luxe ne voient pas dans les technologies, fonctionnelles comme créatives, un moyen permettant de communiquer de manière un peu différente aujourd'hui, mais qui risque de s'essouffler sur le long terme ?
Mathieu Morgensztern : Non, je ne pense pas, car dans le secteur technologique l'innovation va tellement vite, tellement de choses se produisent, qu'il y a toujours matière à renouveler son approche. Je ne vois pas de fin programmée à court terme.
Ce qui est sûr, en tout cas, c'est que cela va changer la manière de travailler : le champ des possibles est tel qu'il faut que les annonceurs pensent différemment leur relation aux agences. Il ne faut pas répéter inlassablement les mêmes ingrédients, cela ne fonctionnera pas. Pour mener une campagne qui étonne, qui séduise, il faudra laisser les agences venir présenter leurs idées, afin de faire émerger de l'inédit.
Est-ce que pour les marques de luxe, il n'y a pas le danger de voir toutes les marques s'aligner sur les mêmes modes de communication ?
Tout est dans le traitement et dans les codes adoptés. On peut traiter la technologie de façon pertinente dans l'univers du luxe. Je prends l'exemple de Nissan. La marque a collaboré au projet de la startup Ayotle, avec qui le Digitas Labs a travaillé sur le prototype AnyTouch, qui rend tout objet tactile. Il s'agissait ici de faire d'objets du quotidien des commandes, permettant du coup de personnaliser l'image d'un véhicule de la marque Nissan. Cette initiative n'est pas adaptée à l'univers du luxe. Mais il suffirait de la réinventer pour lui donner cette séduction, cette capacité à surprendre qu'a le luxe. En faisant intervenir un artiste, par exemple.
Et où en sont les marques de luxe aujourd'hui ? Montrent-elles un intérêt particulier pour ces solutions ?
Le luxe est enclin à adopter l'innovation, tout simplement parce que le secteur souhaite toujours placer la barre un peu plus haut. Il serait même l'un des premiers du secteur susceptible d'adopter des révolutions technologiques.
En fait, en Europe, la bascule est en ce moment. Il y a déjà des antécédents, avec la boutique Burberry's à Londres, par exemple. Mais c'est infime. Ce n'est cependant pas cette rareté qui compte. Ce qui est important, c'est le mouvement. On sait que c'est là, et qu'il y a des choses à faire. En Asie, par exemple, il y a des choses épatantes. Hennessy, une marque de cognac au départ, propose des expériences avec des tables tactiles dans les lieux de consommation comme les tables de nuit.
Cela nous ramène aux expériences digitales en magasin, et par extension au commerce connecté. Le luxe doit-il miser dessus au même titre que ses pairs de la distribution ?
Bien sûr ! Dans le secteur du luxe, il faut que le digital soit présent sur le point de vente. Mais il faudra inventer ses propres règles. L'expérience devra être différente de celle des autres marques, et sera plutôt orientée vers un service haut de gamme. On peut penser à des solutions permettant d'individualiser encore plus la relation, comme par exemple en connaissant les achats antérieurs effectués par la personne.