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Oxfam UK inscrit son action avec les entreprises dans la durée
Publié le 01 octobre 2012 par Tulipe2009Oxfam est devenu en 70 ans un intervenant majeur de l’aide humanitaire d’urgence, mais aussi de l’implémentation de programmes de développement à long terme dans les communautés vulnérables. Cette ONG participe également à des coalitions à des fins diverses : mettre fin aux règles commerciales non équitables, exiger de meilleurs services de santé et d’éducation, et lutter contre le changement climatique.
Ses revenus ont atteint 281 millions de livres au cours de son exercice 2010/2011, soit une progression de 30% en 3 ans. Oxfam UK emploie près de 4.900 salariés, dont 58% hors de son territoire.
Au Royaume-Uni, Oxfam collabore avec le secteur privé depuis une dizaine d’année. J’ai interrogé le 14 septembre dernier Penny Fowler, qui est à la tête de l’équipe de plaidoyer vis-à-vis du secteur privé et experte sur les questions d’échanges internationaux. Elle oeuvre pour influencer les entreprises et obtenir de meilleures régulations. Elle a joué un rôle déterminant dans la « Make Trade Fair Campaign », qui dénonçait les échanges inégaux. Cette action a donné lieu à une pétition signée par près de 20 millions de personnes.
Penny Fowler dispose ainsi de 20 ans d’expérience sur des sujets divers comme l’agriculture, le commerce, le développement, les politiques publiques et l’incidence du secteur privé sur la société civile. Elle est diplômée avec un BSc (Hons) en Economics and Politics de la Bristol University et un MSc en Economics for Development de l’Université d’Oxford.
Quels ont été vos premiers contacts avec le monde des affaires ?
PF : Le dialogue avec les entreprises constitue pour nous un domaine nouveau, dans lequel nous continuons à apprendre. A I’origine, nous avions initié en 2002/2003 une campagne de plaidoyer pour dénoncer le caractère inégal des échanges commerciaux dans le monde (Trade Campaign). Cette action s’appuyait sur des travaux de recherche et sur des analyses des politiques en place.
Quand avez-vous décidé de dialoguer directement avec certaines multinationales ?
PF : A force d’observer le monde des affaires, nous avons noté que certaines multinationales manifestaient la volonté de modifier certaines pratiques. A ce titre, Oxfam UK a commencé à être de plus en plus sollicitée par de grands groupes. Ce qui nous a conduits à nous jeter à l’eau. Oxfam UK a en effet engagé depuis 3 ans a engagé un approche constructive du secteur privé. L’enjeu est considérable, si on tient compte des impacts tangibles que peut entraîner l’adoption de certaines mesures positives pour le développement dans les pays pauvres par des entreprises ayant une présence internationale. De la même manière, l’Etat peut lui aussi devenir un acteur de changement.
Dans cette co-construction avec le secteur privé, le défi pour nous est bien de réussir à démontrer qu’une autre démarche est possible sur des thèmes choisis. Même si nous ne serions incapables de gérer une multinationale, nous pensions que notre ONG a les moyens d’aider une firme à réinventer son modèle. Pour Oxfam, cela constitue indéniablement une étape. Je constate d’ailleurs que de nombreuses ONG continuent à ignorer le secteur privé. Or, les besoins pour faire reculer la pauvreté dans le monde sont immenses. Il serait dommage de ne pas en explorer toutes les pistes.
Dans le même temps, nos actions de plaidoyer continuent bien sûr aujourd’hui sur des thèmes comme la sécurité alimentaire (GROW Campaign), les saisies de terre (land grabs), les ressources naturelles, le carbone et le changement climatique. Nous y interpellons tous les acteurs concernés, Etats, firmes et grandes institutions internationales.
Quelles sont les difficultés de ce dialogue ?
PF : Je pense qu’il faut être pragmatique. Oxfam UK est un acteur patient. Nous avons conscience que notre action s’inscrit dans une perspective à moyen et long terme.
Il en va de même pour les partenariats avec les grandes firmes. Il s’agit d’un processus continu, dont les résultats attendus sont multiples : engager le changement dans toute une branche, sensibiliser le gouvernement et les hommes politiques, obtenir une meilleure régulation, etc.
Où se situe votre partenariat avec Unilever ?
PF : Prendre le temps nécessaire pour se connaître n’est pas un vain mot. Oxfam a volontiers dialogué avec Unilever dès 2003/2004, en raison de son impact massif dans les pays en développement. Ce que fait le groupe néerlando-britannique a une incidence sur des milliers de salariés. Unilever a accepté que nous calculions son « empreinte de pauvreté » en Indonésie il y a 5 ans, un pays où il a créé de nombreux emplois.
Ce travail pionnier a scellé notre collaboration : découverte réciproque des deux parties, meilleure compréhension du langage de l’autre, meilleure appréhension chez Oxfam des réalités et contraintes commerciales, etc. Cette étude a fait l’objet de nombreuses présentations et elle a été largement commentée.
Le travail sur l’Indonésie nous a ensuite poussé à engager une longue conversation avec Unilever. Ce qui nous a permis de repérer les principaux centres d’intérêt communs, comme l’agriculture durable, un domaine où nous avons de nombreux experts. Ce travail de décantation a produit des résultats significatifs, qui ont fait l’objet d’un article au mois d’août dans le Guardian (cf. annexe).
Acceptez-vous d’être financés par les entreprises ?
PF : Nous avons eu des débats sur cette question. Oxfam UK ne sollicite pas de financement de la part des entreprises. De plus, nos partenariats s’inscrivent dans un cadre strict, dans la mesure où nous analysons ce que font nos partenaires éventuels de manière scrupuleuse. Lorsque nous sommes contactés par une entreprise, nous vérifions ainsi que son action s’intègre bien dans nos valeurs. Nous étudions également les facteurs de risques potentiels. Il faut bien avoir conscience que de nombreuses firmes veulent pouvoir montrer qu’elles sont actives dans le domaine sociétal.
Face à l’ampleur des sollicitations, pas toujours bienvenues, Oxfam refuse régulièrement de donner suite. L’important pour nous est de bien identifier pour chaque firme un domaine stratégique sur lequel nous pouvons intervenir. L’activité partenariat étant récente, sa légitimité ne doit pas être contestée.
Quel est le background de votre équipe ?
C’est une question intéressante. Ce pourrait être l’objet d’un débat, car comme je l’ai déjà dit, ce n’est pas une activité traditionnelle pour nous. A mes yeux, un critère domine tous les autres : le plus important pour nos salariés est l’expertise dont ils disposent sur les questions de développement. Ils proviennent du secteur public, de la recherche ou d’autres ONG, voire du conseil dans le développement durable. Nos effectifs sont donc divers. Il y a un équilibre à tenir.
Ce ne sont pas des spécialistes des affaires. A ce titre, ils progressent dans leur compréhension de cet univers, à la fois à travers les dénonciations de certaines pratiques, mais aussi via le dialogue.
Etes-vous pénalisés par la nouvelle politique du gouvernement Britannique ?
PF : Oxfam UK n’a pas vraiment été affecté par le programme Big Society. Nos programmes avec le gouvernement britannique ne sont pas nombreux.
Quelles sont vos relations avec les associations écologistes ?
PF : Nous discutons avec certaines ONG écologiques britanniques, notamment sur le thème du changement climatique. Par ailleurs, nous sommes associés au WWF dans le Table ronde sur l’huile de palme. Les membres de la Roundtable on Sustainable Palm Oil (RSPO) proviennent également du secteur privé (Carrefour, Rabobank, Unilever, …), y compris Unilever. Nous y défendons les intérêts des fermiers ou de certaines communautés.
Pour aller plus loin :
Depuis 2010 et pour 5 ans, la coopération entre Oxfam UK et Unilever se concentre autour des petits fermiers. Comme les petits agriculteurs en Tanzanie et en Azerbaïdjan encouragés à produire des légumes déshydratés sur une base viable économiquement.
Une entreprise comme Unilever recherche à se fournir d’une manière respectueuse de l’environnement, à s’adapter au changement climatique, mais c’est aussi son intérêt de disposer de consommateurs sur de nouveaux marchés.
Ce genre de projets suppose la collaboration du gouvernement, du monde des affaires et de la société civile. Avec le témoignage de Dame Barbara Stocking.
More NGOs finding fruitful collaborations with the private sector.
The Guardian. 7/08/2012
http://www.guardian.co.uk/sustainable-business/ngos-collaboration-private-sector
Sur l’origine d’Oxfam
Le nom « Oxfam » vient de « Oxford Committee for Relief Famine », une organisation fondée en Grande-Bretagne en 1942. Pendant la Seconde Guerre Mondiale, ce groupe milita pour que des vivres soient acheminés, malgré le blocus naval des alliés, aux femmes et enfants qui mourraient de faim en Grèce, pays alors occupé par l’ennemi. Aujourd'hui, 17 organisations sont membres de la confédération internationale Oxfam. Elles sont situées en : Allemagne, Australie, Belgique, Canada, Espagne, États-Unis, France, Grande-Bretagne, Hong-Kong, Inde, Irlande, Italie, Japon, Mexique, Nouvelle-Zélande, Pays-Bas et Québec.
Trade Campaign
En 2002, dans le cadre d’une campagne mondiale pour un commerce plus juste, Oxfam International a lancé la pétition le « Big noise » dont l’objectif était de remettre 10 millions de signatures à Pascal Lamy, le directeur général de l’OMC. Ce sont finalement 17,8 millions de signatures, dont plus de 80% issues des pays du Sud, qui lui ont été remises à Hong-Kong à l’occasion de la VIème Conférence ministérielle de l'OMC.
http://www.oxfam.org/en/campaigns/trade/about
Smallholder Supply Chains Le point de vue un peu ancien (Juin 2010) de Peter Senge. Unlikely bedfellows.
Marks &Spencer et Oxfam ont remporté la seconde édition du Prix du Partenariat préféré des Britanniques. Leur collaboration porte sur le recyclage des vêtements.
http://ong-entreprise.blogspot.fr/2011/09/succes-du-partenariat-m-oxfam-uk-dans.html
Sur Unilever :
Les engagements de Ben &Jerry http://ong-entreprise.blogspot.fr/2011/06/les-ecolabels-rainforest-alliance-et.html
Un label DD utilisé par Unilever