Mais la série canadienne était un bon prélude à ce qui allait déferler un peu plus tard. J'avais 12 ans quand a commencé BEVERLY HILLS 90210. Je viens alors de rentrer en 6e. Dans une vie, ce n'est pas rien : mon adolescence démarrait avec l'avènement et l'explosion d'un genre télévisuel majeur : le teen drama. Ce fut donc un choc, un vrai. Pour moi, forcément. Mais pour tous mes petits camarades également. Il faut bien comprendre que la popularité de séries comme GLEE ou GOSSIP GIRL aujourd'hui n'avait strictement rien de comparable au phénomène médiatique et culturel que provoqua l'apparition de BEVERLY HILLS à la télévision en 1990. La culture pop adolescente ne s'en est d'ailleurs jamais remise : il suffit de voir l'ensemble des séries du même genre basé sur exactement le même schéma narratif qui inondent le petit écran depuis plus d'une décennie. Une chaîne de télé (la CW) a même été créée sur ce schéma !
Tout le monde regardait BEVERLY HILLS - les filles comme les garçons, même si ces derniers ne l'avouaient parfois qu'à demi-mot. Dans la cours de recré du collège, il était alors rare qu'une conversation ne finisse pas, à un moment ou à un autre, par un débat houleux entre les pro-Brenda et les pro-Kelly ou entre les pro-Brandon et les pro-Dylan. Perso, j'étais pro-David Silver et pro-Andrea mais j'ai toujours été très marginal dans mes aspirations télévisuelles.
BEVERLY HILLS a duré 10 ans, toutes les années 90, dix ans qui ont coincidé avec mon arrivée au collège en 1989 et mon départ du lycée en 1999 (prépa oblige). Dix années pendant lesquelles je n'ai raté aucun épisode. Je ne peux pas dire ça de beaucoup de séries. Je peux le dire au moins de deux : BEVERLY HILLS et DAWSON. Deux teen dramas.
Ma puberté s'est faite au rythme de ces séries, de leurs histoires de coeurs brisés, de filles enceintes, de viol, de trahisons, d'alcoolisme, de suicide, de virginité, de boulimie et et de scandales lycéens en tous genres. Ces séries déteignaient tellement sur mon pauvre petit cerveau malléable que je me rappelle avec une acuité assez effrayante de certaines de mes conversations collègiennes et c'était parfois aussi crade que le jour où Dylan dépucela Brenda dans une chambre du Chateau Marmont. Mais elles auraient faits baver d'envie les scénaristes sans doute à l’affût d'histoires de moeurs de jeunes gens acnéïques : entre les ragots sur la fille qui fait retoucher ses jeans pour avoir un plus beau cul ou sur le mec qui aurait couché avec 150 filles différentes ou sur la fille qu'il aurait mise enceinte puis faite avortée, il y en avait assez pour alimenter une bonne cinquantaine d'épisodes de ANGELA 15 ANS, BEVERLY HILLS et LA VIE A CINQ cumulés. Je me dégoûte d'avoir parlé de ce genre de choses. Mais finalement, avec le recul, la nature adolescente est sûrement la première responsable. Pas la télé.
Il ne fait pourtant aucun doute que ces séries, BEVERLY HILLS la première, m'ont appris la vie. Une partie de la vie tout du moins. Sous ses airs de soap opera, la série adressait un grand nombre de problèmes de la jeunesse contemporaine et savait être juste quand il le fallait. Et le fait que les acteurs ressemblaient plus à nos grands frères et grandes soeurs qu'à nous-mêmes (Gabrielle Carteris alias Andrea Zuckerman avait 29 ans au démarrage de la série, Ian Ziering, 26 et Luke Perry, 25 !) participait à nous faire prendre conscience de certaines de nos conneries et d'éviter d'en faire certaines : comme si on se prenait un sermon par plus grand et expérimenté que nous. Bon, après, je dis ça, mais j'ai toujours été un garçon très sage !
Puis il y a eu les teen dramas de la fin des années 90/début 2000 : BUFFY, ROSWELL, FREAKS AND GEEKS, SMALLVILLE, THE OC, et surtout, en ce qui me concerne, DAWSON. Quand la série de Kevin Williamson débute, j'ai 20 ans et je sors à peine du lycée. Je suis complètement fasciné. Cette fois, les personnages me ressemblent (#teamdawson) et la série n'a plus l'effet d'une leçon de morale mais d'un miroir. Les problèmes sont toujours plus ou moins les mêmes qu'avant (ça tombait bien, les miens aussi!) mais le peu de recul que j'ai alors acquis me permet de prendre la série moins au premier degré que je ne l'aurais prise à 14 ans. La série me fait presque l'effet d'une analyse psychologique. Je reviendrais là-dessus dans un prochain billet (qui se trouve dans mes brouillons depuis la création de ce blog en 2006 !)
C'est la même chose pour THE OC qui débute alors que j'ai quasiment terminé mes études supérieures. Le second degré volontaire de la série (#teamsethcohen) me permettait de prendre un peu plus de recul sur mon adolescence. C'est à cette âge maudit que la plupart des traumatismes arrivent et, au final, ces teen dramas - je m'en aperçois maintenant que j'entre de plein pieds dans l'âge adulte - aide beaucoup à grandir et à mieux se connaître. Leurs excès, vus sous le prisme de l'âge adulte, sont des miroirs qui facilitent grandement la cicatrisation des blessures. C'est ce que fait le prof d'audiovisuel en parlant aux geeks dans le dernier épisode de FREAKS AND GEEKS :
"Let me tell you something about the jocks. Watch my hand. This is a graph of their lives. Ooh, i'm in pee wee football! I'm pretty good. What? I can be first string on a high school team and get to wear a jacket with leather sleeves? Now, r hooray! Right there, where they cleaned you out-- that's the pinnacle of their lives. Hey, I want to play college ball. What? My gpas aren't high enough to get a sports scholarship? Ow, I just blew my knee out during practice. Oops, I'm out of school and selling used cars. What? I'm fired? Hand me that bottle of booze, man.Ca s'appelle de la mise en perspective !
Now, let's take a look at your lives, shall we?
You get called geeks, you get cleaned out, girls don't even look at you. What? I'm accepted at an Ivy league college? Hey, chicks dig smart guys! Who knew? Whoa, look at me. M. Head of a fortune 500 company."
Mais il y a un âge où les histoires de coeurs brisés, de filles enceintes, de viol, de trahisons, d'alcoolisme, de suicide, de virginité, de boulimie et de scandales lycéens en tous genres arrêtent de faire effet. Quand vous commencez à vous sentir un peu mieux dans vos baskets, le premier degré de ces histoires n'arrivent plus à apporter de la nourriture assez riche à votre cerveau. Ca avait commencé avec LES FRERES SCOTT. Je m'étais retrouvé un samedi après-midi à regarder le premier épisode sur TF1 en me disant que ça avait l'air bien cool, dans la veine de DAWSON, pour finalement me retrouver incrédule devant une série qui... ne me parlait pas, pour utiliser un euphémisme.
J'avoue désormais mon incapacité mentale à apprécier les teen dramas contemporains, en tous les cas ceux traités avec beaucoup trop de premier degré : GOSSIP GIRL, GLEE, le nouveau 90210 et j'en passe des dizaines d'autres (Le genre a le vent en poupe depuis 5 ans). Certains diront simplement et de façon expeditive que ces séries sont tout simplement nulles. Je me le dis aussi parfois. Mais leur succès prouvent que les adolescents s'y retrouvent comme je me retrouvais dans BEVERLY HILLS 90210 - même si je me pose quand même sérieusement la question de savoir où est la "sagesse du grand frère" dans GOSSIP GIRL, à moins de vouloir devenir le nouveau Bernie Maddoff.
Avec un boulot, des impôts et un loyer à payer tous les mois, suis-je trop vieux pour comprendre et apprécier ces histoires ? Peut-être. Mais je pense surtout qu'avec 25 ans de teen dramas derrière moi, je suis trop blasé pour apprécier des histoires vues et revues. Car la fille qui couche, tombe enceinte et hésite à se faire avorter est plus ou moins la même fille en 1992 et en 2012 - surtout si le père est le meilleur ami de son petit copain du moment ! Elle se pose les mêmes questions, a les mêmes peur et est soumise à la même pression. Ce qui change, c'est la garde robe, sa coupe de cheveux sûrement un peu moins permanentée et la nature de la pression, Facebook et YouTube oblige. Est-ce que ça vaut de dépenser 25 heures de sa vie par série regardée ? Je ne le pense pas.
Finalement, à 30 ans passés, le seul moteur qui vaut de passer plusieurs heures à voir des adolescents s'aimer, se détester ou se trahir reste la nostalgie. Ca me semble insoutenable sinon. Et donc, la modernité n'étant pas le parfait combustile de la nostalgie, seuls des rediffusions de DAWSON, des DVD de FREAKS AND GEEKS (déjà, à l'époque de sa diffusion en 99-2000, une machine nostalgique ultra-puissante) ou des séries sachant manier parfaitement le deuxième degré (AWKWARD ?) peuvent faire avancer la machine à souvenirs.
Reste le cinéma... Mais c'est un autre sujet...