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[Critique] DESPUES DE LUCIA de Michel Franco

Par Celine_diane
[Critique] DESPUES DE LUCIA de Michel Franco
On ne parle de Lucia que dans le titre. Dans la vraie vie, Roberto et sa fille Alejandra (Tessa Ia) taisent le deuil en cours, la mort d’une mère. Ils déménagent. Lui, cherche un nouvel emploi. Elle, se fait de nouveaux amis au lycée. Personne ne parle du drame passé mais le chagrin plane sur eux tout le long du film : un spectre, un fardeau, une bombe qui menace d’exploser d’un moment à l’autre. Dans cette ambiance chargée, que le mexicain Michel Franco met en place avec une belle pudeur et économie de moyen, s’infiltre le reste du monde : le lycée, les gens, la société. Des épines qui viennent faire éclater le cocon cotonneux dans lequel ils enferment leur peine, des piques cruelles qui se frayent un chemin dans cette non-communication, cette absence de partage. C’est de ce terreau là- parce qu’ils ne parlent pas, parce qu’ils n’extraient pas d’eux-mêmes les conséquences du décès de la Lucia-titre (la culpabilité pour la fille, la colère pour le père)- que jaillit l’autre drame. L’autre drame : celui vécu par la petite Lucia, harcelée du jour au lendemain par ses camarades de classe. Franco frappe fort car il évite le film à thèse (sur le sujet du bullying, malheureusement d’actualité) et préfère ancrer sa peinture sociale dans un contexte particulier. Ainsi, le cinéaste parvient-il à vraiment humaniser et sa thématique et ses victimes. 
Le film est douloureux, dur, difficile à supporter par instants tant il restaure avec réalisme la violence psychologique (puis physique) que l’adolescente subit quotidiennement. Les séquences qui dépeignent son calvaire sont frontales mais sans pathos aucun ; elles brillent par leur incroyable authenticité. Despues de Lucia est une œuvre qui trouve la parfaite justesse de ton : on n’y excuse personne, on n’y juge personne, on y observe simplement les faits, la façon insidieuse, stupide, simpliste par lequel le mal arrive. Impossible de ne pas voir dans ce film mexicain, récompensé à Cannes dans la section Un certain regard, une filiation directe avec le cinéma âpre de Michael Haneke. Comme chez l’autrichien, le mal prend un visage anonyme, le pire se glisse dans des failles, des portes ouvertes, des faiblesses. La soumission de l’héroïne, qui semble s’auto punir de la mort de sa mère, et l’acte de colère final du père, leur permettront-ils de guérir des blessures que leur inflige le monde extérieur ? Franco s’arrête subtilement avant de donner la réponse. Tout ce que l’on sait c’est que son long-métrage s’impose comme la réflexion sur la violence la plus intelligente que l’on ait pu voir récemment, forme et fond confondus. 
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