Habitant du quartier de Belleville, les confidences d’usagers d’origine chinoise m’ont permis de connaître un peu mieux la manière de vivre des asiatiques. Qui correspond avec ce que j’observe chez mes voisins de palier et d’étages, dans ma résidence.
L'écomie grise est une industrie locale prospère.
Pour dresser une esquisse sommaire des chinois à Paris, et en me limitant à ce que je sais par des témoignages directs, et à ce que je peux m’autoriser à écrire, je dirais ceci.
La vie des chinois est structurée sur cinq piliers : travail, argent, famille et éducation des enfants, mode de vie chinois, et omerta. Ces cinq piliers sont posés sur un socle intangible : la discipline collective et l’obéissance aux principes qui régissent la vie et la culture des chinois en Chine.
Pour nous français qui les observons de l’extérieur, les chinois d’ici ne posent pas de problème. Population d’immigration déjà ancienne, nous les apprécions pour leurs capacités de travail, leur discrétion, l’absence visible de délinquance, leur sens du commerce…
Venus s'installer en France pour fuire la misère en Chine, si la détermination sans faille et l'énergie dont ils font preuve pour assurer leur survie économique forcent notre admiration, la préoccupation première d'une partie de ceux qui créent une activité commerciale n'est pas l'apprentissage et l'application du Droit social et de la législation française.
Samedi matin, l'un de nos fidèles amis chinois vient à notre permanence accompagné d’un autre homme chinois âgé d’une quarantaine d’années. Monsieur Tang nous l'amène convaincu que nous pourrions l'aider à résoudre ses difficultés.
Notre président, compétent en matière juridique, et moi-même, recevons nos deux interlocuteurs.
L’homme, détenteur d’un titre de séjour, ne parle pas le moindre mot de notre langue et c’est monsieur Tang qui joue le rôle de l'interprète.
Ce monsieur tenait un commerce de restauration dans une proche commune de la banlieue parisienne. A la suite d’un contrôle dans son établissement, il est condamné en première instance à verser une somme de 8 000 euros qu’il affirme ne pas possèder; et son établissement a été fermé sur décision des autorités judiciaires. Il se trouve donc à la fois privé de ressource et contraint de régler cette somme.
Le jugement qu’il nous donne à lire mentionne, en substance, qu’il s’est abstenu volontairement de déclarer ses salariés à l’URSSAF, ainsi que les revenus de son activité commerciale au fisc…Pour sa défense il argue que la source de ses problèmes serait son comptable.
Nous déclarant incompétents pour l’accompagner, je me suis contenté d'un rappel à la loi en lui indiquant qu’il avait commis des délits et qu’il est donc considéré comme une personne qui a enfreint les lois auxquelles sont soumis tous les propriétaires de commerce en France.
Puis j'ai pensé utile, s’il souhaite faire appel du jugement ou porter plainte contre son comptable, de lui conseiller de demander un devis à son avocat et de ne pas lui verser de somme en espèces. Je l'ai ensuite dissuadé de s'attacher les services d'un avocat originaire de son pays - ce qu'il avait fait -, et de lui préférer un avocat s'exprimant parfaitement dans notre langue, familiarisé avec les instances juridictionnelles, et spécialisé dans le droit commercial. Je l’ai aussi informé qu’il court peut-être le risque de se voir refuser le renouvellement de son titre de séjour.
Puis j’ai quitté la salle pour accueillir les autres personnes qui attendaient d’être reçues.
En fin de matinée, mon Honorable Président et moi-même, avons fait un bref point sur cette affaire.
Sur le plan éthique nous partagions la même position concernant la situation de cette personne, qui de notre point de vue sortait de notre champ d’activité. Nous avons aussi pris acte que pour la première fois nous étions confrontés à la réalité de cette forme d’activité économique frauduleuse.
Cette personne nous semblait représentative de cette immigration clandestine, puis régularisée, qui manifeste une ignorance certaine, en la circonstance volontaire, des conditions d’exercice d’une activité commerciale en France.
Cette économie parallèle permet un enrichissement personnel très rapide en évitant de payer les charges sociales, l’impôt sur les sociétés, et l’impôt sur les revenus auxquels les résidents étrangers soucieux d’une intégration harmonieuse se soumettent à égalité avec les français.
Nous pensons que, de la part d’un étranger, la conception de la vie économique qui consiste à user de la liberté absolue de gagner de l’argent à sa convenance sans respect des obligations légales, est incompatible avec les lois de la République.
Pour un chinois, cette affaire est particulièrement dramatique car, il encourt une quadruple peine : la somme à payer à la Justice française, d’éventuelles difficultés à être autorisé à ouvrir un nouveau commerce légal en France, la non reconduction possible de son titre de séjour, et risque peut-être le déshonneur dans la communauté chinoise.
La France, malgré ses difficultés économiques, est encore perçue dans le monde comme un El Dorado. Elle accueille et régularise plus 100 000 étrangers par an, et sanctionne à juste titre les actes délictueux
Mais la Chine à Paris ne connaît que la réussite. Etre pris la main dans le sac est sans doute le pire qui puisse advenir à un chinois.
Espérons pour cette famille, qu'elle pourra trouver les 8 000 euros - dans sa famille, ses amis ou au sein de la communauté chinoise ? - pour honorer ses dettes envers la société française qui l'accueille. Qu'elle pourra ouvrir une nouvelle activité commerciale dans le respect de la Loi, et que l'Etat saura reconnaître sa volonté de s'insérer par le travail.
- - - - - -
Une semaine après...
Notre commerçant s'est rendue à l'audience. Il a changé d'avocat et s'est fait assister par un avocat français d'origine vietnamienne.
Il s'est fait sévérement admonesté par le Procureur de la République qui a fait état des pratiques commerciales frauduleuses auxquelles sont coutumiers une partie des résidents de la communanuté asiatique qui ne respectent pas le Droit fançais et européen.
Pour éviter l'incarcération immédiate il a versé une caution de 1 000 € et reste naturellement redevable des 8 000 €.
Il est très heureux d'être passé à côté de la case pénitentiaire.
Plume Solidaire