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Convivenza la paix des loups

Par Baudouindementen @BuvetteAlpages

L’exception culturelle française est une expression utilisée pour caractériser certaines spécificités, actuelles ou passées, de la France par rapport aux autres pays d’Europe, voire du monde...

Les abruzzes signent « la paix des loups »

la Convivenza con i lupi è possibileA une centaine de kilomètres de Rome, dans la région des Abruzzes, loups et éleveurs ont enterré la hache de guerre et décrété « la paix des loups ». Depuis 30 ans, l’action du Parc national a permis une réconciliation qui attire les professionnels du monde entier.

par Leila Minano

Perché dans la montagne, un petit village en pierre sous un ciel bleu azur. Nous sommes à Civitella Alfedena, au cœur du Parc national des Abruzzes, en Italie. A droite, en remontant la rue principale de cette commune de 300 habitants, une rambarde attise la curiosité des passants. Et pour cause : sous les « ah » et « oh » des visiteurs admiratifs, une famille de loups s’ébat paisiblement. Sur les 44.000 hectares du parc, ils sont, comme eux, entre cinquante et soixante dix à vivre en liberté. Plus étonnant encore, dans ces montagnes qui s’étendent entre Rome et la mer Adriatique, les prédateurs cohabitent sans histoires, ou presque, avec les éleveurs de la région. Cette réconciliation inhabituelle porte même un nom : « la convivenza - la vie en commun » ou « la paix des loups ». Difficile à croire ? Et pourtant, plusieurs décennies d’expérimentation par les scientifiques du parc ont abouti à ce résultat.
« Dans les années 70, mille cerfs et chevreuils sont été réintroduits dans le parc pour détourner les loups des troupeaux, explique Lina d’Orazio, responsable du parc. Cela a été très efficace ». Les dirigeants du site ont également proposé aux agriculteurs d’adopter un chien « il pastori di abbruzese » (le berger des Abruzzes) pour protéger les agneaux des attaques. « A l’époque scientifiques et agriculteurs l’ont appelé l’arme blanche anti-loup. Les Danois sont même venus observer leur efficacité et sont repartis avec des chiens », poursuit Lina, amusée. Aujourd’hui, le pastori est toujours le meilleur ami des éleveurs des Abruzzes.
« Le poil blanc du chien se confond parfaitement avec le troupeau. Il a aussi une forte prédisposition à protéger les agneaux, explique David Falcinelli, exploitant et président d’un syndicat de producteurs locaux. Les loups et même les ours le craignent ». Le parc a également financé la construction de barrières électrifiées pour protéger les exploitations des attaques des loups, mais aussi des ravages causés par les ours dans les champs. La note est salée : 300.000 euros depuis 1995. Il faut dire que les opérations proposées par le parc sont largement suivies par le gouvernement italien puisque le financement provient du ministère de l’environnement.

La paix des loups : une réconciliation précaire ?

C’est encore le ministère qui finance le dédommagement des bêtes dévorées par les prédateurs. « Dans ce cas, l’exploitant fait une demande auprès du Parc. Ensuite, l’un des 40 gardes vérifie si le dommage a bien été causé par les espèces protégées, affirme Lina d’Orazio. L’agriculteur sera remboursé dans les 60 jours ». Le président du syndicat des producteurs locaux ne partage pas son enthousiasme. « Depuis un an les relations entre éleveurs ovins et loups se sont dégradées surtout pour les exploitations situées autour du parc, constate-t-il. Les délais pour les dédommagements sont de plus en plus longs ».
D’après lui, il peut se passer un an voire deux entre la déclaration de l’agriculteur et le versement de l’indemnité. En outre, les conflits entre les contrôleurs et les éleveurs se multiplient. « Les agneaux ne sont pas estimés à leur juste valeur car un reproducteur vaut plus qu’un animal destiné à l’abattoir et les inspecteurs ne font pas la différence !», s’énerve le représentant agricole. David Falcinelli ne s’arrête pas là : « Les petits sangliers, dont sont très friands les loups (plus que les cerfs selon les analyses), se multiplient dans la région à cause de l’action du parc, et créent des dommages dans les exploitations ». Ces éléments, ajoutés à l’effondrement des prix du lait et du fromage, spécialité des producteurs locaux (Pecorino abruzzese), ainsi qu’aux tremblements de terre à répétition, « font de la vie des éleveurs un enfer, au point que 25% des exploitations ont dû mettre la clef sous la porte », explique le représentant des producteurs.
Toutefois, malgré une année noire pour les éleveurs des Abruzzes, depuis trois décennies la situation entre les éleveurs et les loups reste meilleure que partout ailleurs. Au point que des groupes d’agriculteurs viennent du monde entier pour observer « la paix des loups » dans les Abruzzes et que le président du Parc a été entendu par le Conseil de l’Europe. Et pourtant, il y a quelques décennies, les agriculteurs payaient les gardes du parc pour les débarrasser de ce fléau. Aujourd’hui, cette page est tournée : le loup a été qualifié « patrimoine de l’Etat » par le gouvernement italien.

Quand le loup profite aux agriculteurs

Il y a 30 ans, le petit village de Civitella Alfedana était exsangue. « Tous les jeunes étaient obligés de partir car ils ne trouvaient pas de travail dans la région », explique Fiorenza, 34 ans, employée du musée du loup, au centre de la ville. Selon cette habitante de Civitella, c’est « le développement de l’économie du loup » qui a permis à cette commune comme aux 30 autres du Parc de renaître. « Ce petit village était sur le point d’être abandonné, raconte le président du parc dans son allocution au Conseil de l’Europe. Aujourd’hui son économie est en expansion et nous assistons au retour des immigrés ».
En 1989, l’Italie apprend même avec stupéfaction que Civitella arrive au premier rang des investissements. Et pour cause : le parc avec son musée dédié au loup, attire plusieurs milliers de visiteurs chaque année. Résultat : 200 emplois directs et 1000 indirects crées. Mais comment cette « success story » a-t-elle profité aux agriculteurs ? Le développement de l’agri-tourisme a permis aux exploitants d’arrondir leurs fins de mois et aux producteurs locaux de trouver des clients en recherche des produits du terroir. Toutefois, selon l’employée du musée, c’est « surtout le retour de leurs fils au pays qui a encouragé les agriculteurs à signer la paix des loups »
Leila Minano
Licence de droit/ politique/espagnol, Institut Pratique de journalisme

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