Un mardi matin, alors qu’il vient de sortir les poubelles et s’apprête sans enthousiasme à tondre la pelouse, Harold Fry reçoit une lettre de Queenie Hennessy, une amie qu’il n’a pas vue depuis 20 ans et qui lui annonce qu’elle est atteinte d’un cancer et va bientôt succomber.
Cette lettre bouleverse le vieil Harold, qui se met à penser au temps passé. Il écrit quelques mots à Queenie et se rend vite à la boite aux lettres la plus proche pour qu’elle reçoive à temps de ses nouvelles, avant de mourir. Mais, arrivé devant la boite, Harold ne peut se résoudre à poster sa lettre, et continue jusqu’à la boite suivante, puis jusqu’au bureau de poste, où une fois encore il n’arrive pas à insérer son courrier pour l’envoyer. Et il continue, il continue à marcher, mu par une étrange force intérieure qui lui enjoint de ne pas s’arrêter, de marcher, marcher jusqu’à son amie.
« Je suis en chemin. Attends-moi. Je vais te sauver, tu verras. Je vais marcher, et tu vivras. »
Marcher, tous ceux qui ont un jour effectué un quelconque pèlerinage le savent, permet de réfléchir, de penser, d’entrer en soi. Le pas cadencé règle l’esprit qui se détache des contraintes extérieures et le marcheur évolue dans sa tête et dans son coeur, entame un parcours tout autant physique que psychologique. Il en va de même pour Harold qui avale les kilomètres (il lui faut traverser tout le pays pour rejoindre la ville où vit Queenie) et marche en même temps sur ses propres pas, dans sa propre vie. Les souvenirs reviennent à la surface, ceux des temps heureux quand il était encore amoureux de Maureen, son épouse, quand son fils David était jeune, quand il avait encore assez d’’énergie et de passion pour prendre sa vie en main.
Cependant Harold est un faible, et sa vie, il se rend compte qu’il l’a laissée couler, passer sans la prendre à bras le corps, sans en profiter vraiment. Il a été faible, lâche, sans ambition professionnelle, sans inventivité, que ce soit pour son travail ou son couple. Il n’a pas été un bon mari, pas vraiment un bon père.
Et Harold marche, marche, toujours et encore, avec cette seule idée fixe : rejoindre Queenie avant qu’elle ne meure. Il pourrait bien sûr louer une voiture ou prendre un train, mais est persuadé que c’est sa marche qui maintient sa vieille amie en vie, et qu’il lui vaut bien ça…
Quatre-vingt-sept jours durant, Harold va marcher, parcourant plus de mille kilomètres à pied, du sud de l’Angleterre à la frontière écossaise. Le passé qu’il cherchait à oublier revient pas petits flashs à sa mémoire, parfois par petites touches délicates sentant bon la nostalgie, et parfois par bouffées violentes qui le déstabilisent.
La presse bien sûr s’empare de cette histoire hors-norme, et bien sûr pas mal d’illuminés qui voient en Harold un messager des temps modernes. Au cours de son périple, il va rencontrer tout un tas de gens, et leur parler, les écouter surtout. Car incroyablement, cet homme qui fut toute sa vie terne attire les confidences, les confessions. Lui qui se déleste de tout son passé au fil des pas intègre celui des autres. Il ouvre son cœur et ses oreilles, ses yeux aussi à la beauté du pays qu’il traverse et ce voyage le transformera du tout au tout. Certes, certains portraits des gens croisés par Harold sont vraiment caricaturaux, mais tous cachent au fond d’eux une fêlure, une blessure, ou une justesse qui transparait sous leurs dehors un peu excessifs. J’ai adoré ce roman qui est comme un conte. Car oui, cette histoire est totalement improbable, mais elle parle de thèmes qui peuvent émouvoir chaque lecteur. La maladie, la mort, le couple et son déclin, les remords, les enfants, l’amour… L’amour, bien sûr puisque le vrai sujet de ce roman, c’est cela, l’amour qui a uni Harold à Maureen et s’est effiloché au fil du temps pour devenir un no man’s land dans lequel chacun campe sur ses positions, ignorant l’autre. Et l’amour qui parfois peut-être sauvé par une action belle et folle et totalement invraisemblable, et qui peut renaître si on fait l’effort d’aller jusqu’au bout.
Ce livre n’est pas un prototype de grande littérature, mais se laisse dévorer avec passion parce qu’Harold avance avec passion, parce que c’est un cœur pur partant à l’assaut de l’impossible, avec une foi inébranlable en un truc incroyable. Bref, c’est très émouvant, et détendant à la fois et on se surprend à souffrir des pieds comme Harold, et à vouloir le pousser à continuer.
Un roman lu par Mango, Lili Galipette, Keisha, Kathel, Miss Bouquinaix...