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La Grande Audience

Par Kotkot

Et le Missionnaire vint dans l'ascenseur...

lescure

"Ce fut le mercredi 17 octobre 2012, à 14h48 : au 2 rue de Vivienne, dans le dédale de la galerie, l'ascenseur portait la délégation, rejointe avant la fermeture des portes par la Mission elle-même. Déjà l'audition pointait sous le salut courtois du Missionnaire, en position idéale pour un échange de politesses numériques.

Vint ensuite le temps de Champollion, salle réservée aux auditions, dont le nom prédestinait à des découvertes importantes, voire à l'élaboration d'un langage commun à défaut d'un programme.

Et la caméra tourne

Une fois les microphones testés, des deux côtés des tables en face à face se créait un dialogue ininterrompu pendant 90 minutes, dont la qualité ne laissait en rien sourdre l'appréhension qui hantait les esprits.

L'ordre de passage avait été pesé. Il fut respecté en tous points, autant que les précieuses minutes accordées à chaque requérant.

D'obscures clartés...

Aux exposés charpentés comme des notices, répondaient les attitudes successivement interrogatives ou dubitatives des hôtes .Parfois, s'échappait un râle inquiet, un sourcil étonné, voire une reculade au fond de la chaise.

On épela les sigles cabalistiques et champollionnesques, tel HATHI TRUST : on vit alors que l'alphabet des biens communs avait fait son usage.

Mais les mots-clés furent les plus appréciés. La frénésie des notes réglait le ballet des engouements soudains pour « licence légale », « l'union des contraires » [presque une tautologie], « la revue de presse 2.0 » ou encore « test en trois étapes ».Au barême des hashtags, on aurait donné la prime aux chiffres, couchés comme du bon pain dans les cahiers. Déridant l'atmosphère, chacun s'employait à citer les exemples navrants des excès du droit, la dictée ou la récitation en classe faisant partie du lot. L'image du grand magasin associé au fouillis des rayons des plateformes numériques produisit un effet formidable sur les esprits. De l'autre côté, on vit quelques nez se tordre aux évocations des transactions de commerce qu'il faudrait bien, un jour, aborder.

La question relative aux sentiments que nous inspirait Hadopi permit de vérifier qu'en effet elle existait encore ; on lui fit donc honneur en n'y répondant pas, comme lorsque qu'on parle d'une grande malade à mots délicats. Le Missionnaire n'en fut pas fâché, à tout le moins il ne le montra point, restant bien au-dessus des contingences qui justifiaient sa Mission.

On donne la question

On convenait, à l'issue des présentations, de poser les questions : elles étaient avisées, et parfois pleines de cette malignité qui fait la qualité des serviteurs de l'Etat. Les réponses fusèrent comme autant d'éléments apparemment spontanés, voilant sous la modestie des gens de culture une certaine rouerie dont l'acquisition remontait à l'ère DADVSI : celle-ci fut d'ailleurs convoquée et provoqua un embarras amnésique qui ne laissa pas d'interroger longtemps après.

On cherchait donc le « mokitu », dont on connaît les vertus purgatives : il dissimule plus sûrement la vérité que n'importe quel voile juridique, mais il est fort utile aux humeurs médiatiques. Il n'y en n'eût point de vraiment remarquables, la séance ne s'y prêtait pas grandement, fort occupée dans le temps imparti à démêler les EBLIDA, IFLA, CAREL et autres COUPERIN.

Mais de nombreuses et brillantissimes démonstrations eurent le bonheur de plaire, les succès revenant assurément aux avalanches des nombres dans l'enseignement et au régime des Exceptions qui fit l'objet d'un implacable réquisitoire.

La réception arrive à sa fin

Il fallut alors conclure malgré l'avalanche de questions. On promit de se revoir, d'échanger les libelles par la voie webienne. Une fois reconduits au pied de l'ascenseur, nous eûmes la désolante impression qu'il était plus facile de monter que de redescendre, et le dos rompu par les sièges fournis par le service du Mobilier, nous mîmes le cap sur l'estaminet le plus proche pour débattre des conclusions à venir. L'idée en fut qu'il convenait de coucher sur les écrans nos déclarations et de les accompagner d'un brève préface.

La séparation fut pénible, tant nos esprits demeuraient emplis par les arguments si beaux et si bien tournés qui avaient fait le bonheur de notre audition et répondu à l'entendement du Missionnaire."

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