Quelle aisance ! quelle fluidité ! Quelle simplicité ! Quelle humilité ! Quelle intensité ! Quelle maîtrise ! Quelle virtuosité !
Quelle évidence...
A la Gaité, Zabou Breitman reprend "La Compagnie des Spectres", spectacle créé il y a deux ans au Sylvia Montfort, d'après l'ouvrage de Lydie Salvayre. Seule en scène, elle donne vie à tous les personnages d'un roman empli d'humanité, à la fois déchirant et irrépressiblement drôle, caustique, qui évoque l'Occupation et s'interroge sur la place que tient l'histoire (collective et individuelle) dans l'existence de chacun.
Elle est une femme seule, sans ressource, vivant de nos jours dans un minuscule deux pièces avec sa mère qui perd la tête. Elle est cette mère qui raconte en boucle les traumatismes vécus durant la Seconde Guerre Mondiale au fin fond de la campagne française, prenant les visiteurs d'aujourd'hui pour les ennemis d'hier, hurlant et insultant sans cesse le Maréchal "Putain". Elle est sa grand-mère qui rend visite à Pétain dans l'espoir de le convaincre de mettre un terme à la délation. Elle est Pétain. Danse avec lui. Elle est aussi l'huissier venu faire l'inventaire des biens usés et sans valeur de son appartement avant saisie. Tandis qu'elle même réalise celui des spectres qui hantent sa vie et celle des siens depuis maintenant plusieurs générations...
Avec intelligence, un naturel confondant, une sensibilité à fleur de peau, l'actrice s'empare de cette partition d'une richesse incroyable, et passe d'un rôle à l'autre sans aucun artifice. Elle est, c'est tout, et nous promène dans ce dédale d'émotions fortes, sans jamais chercher la performance (qu'elle confie d'ailleurs détester).
Un bref mais efficace clin d'oeil au travail de masque en ouverture, un autre à la marionnette et à la danse en cours de représentation, une scénographie étonnamment (presque) aussi bouleversante que l'interprète, achèvent de faire de cette "Compagnie des Spectres" un moment de théâtre rare.
C'est beau.
C'est brillant.
Courez-y !
Zabou ouvre la saison du Monfort par mairiedeparis
Photo : Palazon