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Rencontre avec tahar ben jelloun

Par Geybuss

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Il y a quelques jours, Tahar Ben Jelloun venait à l'Espace Ouest France, invité par la librairie Le Failler. Un auteur que je connais très peu, que j'ai lu il y a trop longtemps pour en garder un souvenir précis.

Tahar Ben Jelloun, membre de l'Académie Goncourt, présentait son dernier roman, paru à l'occasion de cette rentrée littéraire : Le bonheur conjugal

RENCONTRE AVEC TAHAR BEN JELLOUN

Présentation de l'éditeur

Casablanca, début des années 2000. Un peintre, au sommet de sa gloire, se retrouve du jour au
lendemain cloué dans un fauteuil roulant, paralysé par une attaque cérébrale. Sa carrière est brisée et sa vie brillante, faite d’expositions, de voyages et de liberté, foudroyée. Muré dans la maladie, il rumine sa défaite persuadé que son mariage est seul et unique responsable de son effondrement. Aussi, décide-t-il, pour échapper à la dépression qui le guette, d’écrire en secret, avec l’aide d’un ami, un livre qui racontera l’enfer de son couple. Un travail d’autoanalyse qui l’aidera à trouver le courage de se délivrer d’une relation profondément perverse et destructrice.
Mais sa femme découvre le manuscrit dans un coffre de l’atelier et livre sa version des faits, répondant point par point aux accusations de son mari et relisant, à sa manière incisive et
percutante, leur histoire.
Qui a tort, qui a raison dans cette comédie cruelle que se jouent un homme et une femme ? Question épineuse dans une société où le mariage est une institution et une époque où le bonheur conjugal est un leurre.

L'intervenant : Pourquoi interroger le bonheur conjugal ?

TBJ : Je travaille sur la société Marocaine depuis longtemps à travers 

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 mes romans et nouvelles, afin de faire le portrait de ce pays très contrasté.

J'ai toujours été surpris par le décalage entre la manière dont les femmes vivent le pays, celles des hommes, et la manière dont les deux vivent la relation conjugale.

La femme au Maroc n'a pas beaucoup de droit donc cela fausse le rapport e force et non en négociation. L'homme a en plus le droit à la justice de son côté. Depuis quelques années, il y a une lutte des femmes pour gagner le respect.

Par exemple, au Maroc, l'avortement est interdit par les religieux, donc il se pratique dans le secret et des conditions sanitaires catastrophiques. Un bateau Européen est venu pour proposer l'avortement dans certains cas et de bonnes conditions. Il y avait forcément deux camps, les pour et les contres. Mais la femme est tout doucement en train de prendre du pouvoir au Maroc.

L'intervenant : On sent le désir d'émancipation de la femme dans le livre...

Et pourquoi avoir réuni des personnes si éloignées en tout ?

TBJ : Le mariage est un contrat social pour fonder une famille, mais contraire à la nature. A l'intérieur d'un couple, il y a deux libertés qui ne doivent pas devenir solitude.

Ils sont différents par l'âge, par le milieu d'origine, par l'environnement socioprofessionnel....

L'homme va se réveiller un jour en réalisant qu'il n'a pas uniquement épousé une femme mais une tribu, tribu qui va l'envahir dans son espace...  Ce n'est pas la personne mais la relation qui devient problématique. c'est donc un livre

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 très politique. Il faut que tout le monde s'entende dans un couple, comme dans un pays. Comment peut on vivre avec une personne qui ne se rend pas compte de l'importance qu'ont certaines choses ou personnes pour vous ? S'il n'y a pas cela, il n'y a pas d'harmonie, de complicité.

L'erreur dans l'époque moderne, c'est qu'on est plus ou moins obligés d'avoir un contrat. Pourquoi avoir un secret serait trahir le couple ? "Ta vie est à moi". Hum... La vie des artistes n'est pas souvent intéressante. Elle est souvent médiocre, même s'ils offrent des oeuvres d'art pour la postérité. Regardez Picasso qui consommait les femmes. L'amour ne dure pas forcément 3 ans, mais instinctivement, l'amour se fatigue. Un couple qui traverse toute une vie, c'est merveilleux, même si rien n'est facile.

L'intervenant : Pour vos personnages, le mariage est un peu un pari qui a mal tourné. Ils ont eu de l'espoir ?

TBJ : Spinoza disait qu'on ne change jamais. Dans la forme peut-être, mais pas dans le fond. Comment négocier avec ses propres angoisses ? Certains s'en sortent, d'autres non. Je ne suis pas d'accord  avec le peintre qui accuse sa femme de son propre AVC. Sa femme n''est pas un cholestérol. J'ai bien aimé le personnage de la femme. C'est marrant, je parle de mon livre comme si ce n'était pas moi qui l'avait écrit !

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L'intervenant : Il y a un certain goût de vengeance dans ce roman...

TBJ : Un être qui a été humilié, blessé, se venge toujours, même si je ne suis pas pour la vengeance. La femme de mon roman va se venger de quelqu'un qui est devenu dépendant d'elle pour tout. L'artiste de peut plus peindre à cause de son AVC. J'ai quelques amis à qui un AVC est arrivé... Il faut penser à ceux qui deviennent dépendant, qui avait une autre vie et qui ne peuvent plus bouger le petit doigt. Il ne faut pas non plus oublier les conséquences psychologiques. Le petit geste de chasser une mouche, de ne plus pouvoir le faire, c'est terrible.... C'est pour cela que j'aime la littérature. On imagine, on s'ouvre à la vie des autres.

Il y a l'infirmière et la kiné qui passent chez le peintre et le soulagent, ce qui amène un peu de tendresse et d'espoir dans ce livre. Jusqu'au bout, malgré le handicape, le peintre restera un séducteur. Comme quoi, on ne change jamais.

Le couple, c'est deux.

La fusion est dangereuse.

Une personne est un individu avant tout.

L'amour, c'est beau quand il y a des différences, une relation d'échanges. Quel intérêt d'être deux clones ?

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  Mon roman "Le bonheur conjugal" est une illustration du choc des cultures. C'est politique car apprendre à vivre ensemble est eminament politique, c'est une pédagogie que l'on doit apprendre à l'école.

Je n'ai pas introduit d'enfant dans l'histoire car je ne voulais pas en faire un roman familial.

Le couple est un projet qui n'est jamais terminé. L'usure dans un couple peut-être aussi jolie qu'un visage ridé. Le seul élément du visage qui ne change jamais, ce sont les yeux.

Le couple de ce roman est très marocain. Les personnages, on les crée et ensuite, on les habille avec beaucoup d'autres personnes que l'on connait. Un personnage de roman est presque une synthèses des connaissances plus ou moins proche d'un auteur.

Et pour poursuivre ma collection de photos "effets de mains d'auteurs"

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