Voyons les choses en face, jeunes Padawans; s’il est certes très difficile de devenir un auteur professionnel, c’est en grande partie parce que les auteurs aspirants/débutants refusent de prendre du recul sur leur travail, ou sur eux-mêmes. Je ne vais certainement pas prétendre que les milieux du cinéma, de l’audiovisuel ou de l’édition, sont des mondes parfaits, surtout à l’heure actuelle, mais pour en franchir les portes (et surtout pour prétendre y rester), encore faut-il en accepter les règles. Ne soyez jamais complaisants avec vous-mêmes, très chers lecteurs, ça vous mènerait droit dans le mur…
Certains lecteurs me tirent les oreilles lorsque je partage sur ce blog, ou sa page Facebook, des ressources anglophones. Ce qu’il faut bien comprendre, c’est que je n’ai pas le temps de toutes les traduire, ce qui n’est pas une raison pour en priver ceux d’entre vous qui comprennent l’anglais.
Quoi qu’il en soit je suis tombée dans les colonnes du webzine The Awl sur un excellent article signé Alexander Chee, tellement juste que je voudrais que vous puissiez tous bénéficier de ce concentré de sagesse. Je ne peux vous en offrir la traduction complète pour des raisons évidentes, mais en voici la substantifique moelle, les 21 mensonges que les auteurs se racontent à eux-mêmes:
- Un slip peut très bien faire office de pantalon. Nous avons déjà abordé le sujet: si l’on souhaite devenir un auteur professionnel il faut traiter l’écriture comme un vrai métier. On ne va pas bosser à poil ou en pyjama/jogging.
- Tout ce dont on a besoin pour devenir auteur c’est du talent. Oh que non! Il faut avant toute chose apprendre les bases de l’écriture, travailler d’arrache-pied et provoquer les bonnes rencontres.
- Le talent d’un auteur et ses besoins l’exemptent des responsabilités des gens normaux. Si vous êtes rentier à la rigueur, sinon…
- J’ai bientôt fini. Comme le souligne très justement Alexander Chee, ne laissez pas votre impatience de rendre votre copie, ou de faire découvrir votre prose à votre entourage saboter votre travail. Il vous sera déjà difficile d’obtenir qu’un lecteur professionnel se penche sur votre prose, autant vous dire qu’il ne pardonnera aucune faiblesse…
- Lorsque je ne suis pas engagé(e) dans le processus d’écriture, j’y pense tout de même, donc j’écris. Il est vrai que les auteurs brainstorment jour et nuit mais cette phrase est au mieux une excuse pour procrastiner, au pire pour ignorer une grosse crise de writer’s block. Dans un cas comme dans l’autre, votre projet reste au point mort.
- Mon writer’s block m’évite de m’humilier. Vous pensez vraiment que votre entourage est dupe? Rien de pire qu’un auteur qui a toujours quarante-cinq écrits en cours et ne va au bout d’aucun. Même s’il vous reste finalement sur les bras, ce texte vous fera progresser et vous donnera la satisfaction du travail accompli.
- Je me moque que mon grand rival de fac/école de cinéma/cours d’écriture ait signé un énoooorme contrat. Ça vous fera peut-être mal sur le coup, mais franchement, qu’est-ce que ça vous enlève à vous? Les métiers d’écriture ne sont pas tant une compétition que l’on veut vous le faire croire. Chaque auteur est unique, ce qui ne veut pas dire pour autant irremplaçable…
- Je me moque de signer un énoooorme contrat, ça ne changerait rien pour moi. Ce qui compte c’est de rester vrai avec moi-même. Mais bien sûr!
- Je n’ai pas besoin de sauvegarder mon travail. Et sauvegarder ne signifie pas seulement sur votre ordinateur, imaginez qu’il rende brutalement l’âme (Stéphanie, si tu me lis…) Songez à investir dans une clé USB, voire un disque dur externe.
- Vendre ce projet/publier ce livre changera ma vie. Même si vous rencontrez un succès fulgurant, ce qui déterminera votre future carrière, c’est votre capacité à produire d’autres écrits de qualité, décrocher d’autres contrats, donner envie à des professionnels de collaborer avec vous…
- Je ne vais pas me laisser entraîner dans ce processus de promotion. C’est votre droit, ce sera aussi la fin de votre carrière.
- Je n’utilise pas du tout les réseaux sociaux parce que j’ai un travail à promouvoir. Vous êtes donc soit très menteur, soit totalement stupide.
- Je vais aller checker mes comptes Facebook/Twitter/Instagram mais juste deux minutes. ^^
- J’ai besoin d’un diplôme. C’est n’est pas encore vraiment le cas sur notre sol, les scénaristes et autres auteurs professionnels sont issus d’horizons divers.
- Je n’ai PAS besoin d’un diplôme. Non seulement ce sera de moins en moins vrai à l’avenir mais il est indispensable d’apprendre les bases de l’écriture avant d’être opérationnel. Soyons réalistes: il est beaucoup plus difficile de se former en autodidacte que sur les bancs d’une école, d’autant que les instituts de formation permettent de se créer un réseau…
- Si l’on publie son travail sur Internet, personne ne le lira. Disons que c’est en grande partie vrai, tout dépend du réseau dont on dispose (ou qu’on est capable de fédérer)…
- Si l’on publie son travail sur Internet, tout le monde le lira. Non seulement il faut un gros réseau donc, mais soyons clairs, c’est tout de même considéré comme une marque d’amateurisme par « les professionnels de la profession ».
- Ecrire gratuitement pour tel ou tel site web me permettra de faire connaitre mon nom en dehors de la Toile. C’est loin de suffire en effet mais l’expérience peut s’avérer utile.
- Je n’ai pas besoin de signer de contrat pour ce projet. Oh que si mes p’tits choux, même si la rémunération est modeste!
- Je n’ai pas besoin d’agent pour signer ce contrat. Si vous n’avez pas encore d’agent, n’hésitez pas à demander conseil à la SACD. Ne vous ruez pas non plus sur tous les agents de la capitale, vous ne les intéresserez qu’une fois votre carrière amorcée.
- Mon agent m’ignore! Nope, il a juste plusieurs clients. C’est aussi à vous de le tenir au courant de ce que vous faites et à démarcher de votre côté.
De bien sages conseils à méditer…
Copyright©Nathalie Lenoir 2012