Il est un air pour qui je donneraisTout Rossini, tout Mozart et tout Weber,Un air très-vieux, languissant et funèbre,Qui pour moi seul a des charmes secrets. Or, chaque fois que je viens à l'entendre,De deux cents ans mon âme rajeunit:C'est sous Louis treize; et je crois voir s'étendreUn coteau vert, que le couchant jaunit, Puis un château de brique à coins de pierre,Aux vitraux teints de rougeâtres couleurs,Ceint de grands parcs, avec une rivièreBaignant ses pieds, qui coule entre des fleurs; Puis une dame, à sa haute fenêtre,Blonde aux yeux noirs, en ses habits anciens,Que dans une autre existence peut-être,J'ai déjà vue... et dont je me souviens!
Gérard de Nerval, Les Chimères / La Bohême galante / Petits châteaux de Bohême (coll. Poésie/Gallimard, 2005)
image: Franck Cadogan Cowper, Vanity (artgalleryartist.com)