Éloge de l’alcool
Dans le fin fond du verre juste en train d’être bu, le liquide sirupeux dessine un horizon facile et vacillant ; en une grande lampée, le firmament frémit puis file vers la bouche goulue comme la terre sèche.
Dans le fond du verre tu ne vois plus rien, que des possibles en suspens et des troupeaux de rêves qui paissent paisiblement dans les champs de ton âme.
Avalé l’horizon. Disparues les limites.
Tantôt couleur de sang ou ambré comme le miel, fait de fruits ou de plantes ou de céréales sapides, souvent tu le savoures dans un délice long comme une agonie.
L’ivresse est une maîtresse que tu veux mystérieuse, aguicheuse et distante, sans cesse sur le fil entre passion charnelle et amour platonique. Qu’elle ne soit qu’une promesse chuchotée à tes sens, promesse qui suffit à t’en rendre fou. Qu’elle soit une inconnue aux contours indécis, fantasmée de toutes pièces, une ivresse rêvée.
Un peu comme ces filles que tu aimes d’autant plus que tu ne les baises pas.
Journée type — petite fin
Grand chef sort de son antre, dérangé dans sa fonction divine. Fulmination hautaine et affligée à la vue du spectacle triste. Régression. Cour d’école. Puérilité. Débiles. Vraiment cons. L’éventail lexical de grand chef. Pour mieux nous entailler. Tout ce café perdu c’est malheureux. Le sang de Patricia n’a pas la même valeur. Il aimerait bien le boire. Les mains dans les poches je l’apostrophe. Peut-être a-t-il sa part de responsabilité dans ce maelström. Les regards de tous ne forment qu’une accusation cyclopéenne. Ne pas compter sur eux. À peine sur moi-même. La bouche bée de grand chef, trou noir hypnotisant, m’invite à l’éloquence. À l’abordage. Ouvrir les vannes. Personne. Vous entendez : personne n’a jamais osé. Alors il était temps que j’arrive. Oui je passerai dans votre bureau, cette pièce aussi glauque que vous, celle d’où vous ne voyez rien. Je partirai. Je vous laisse à votre merde. Elle semble tant vous convenir. Surtout, n’ouvrez pas les yeux. Contentez-vous de renifler.Notice biographique
Clémence Tombereau est née à Nîmes en 1978. Après des études de lettres classiques, elle a enseigné le français en lycée pendant cinq ans. Elle vit actuellement à Milan, en Italie. Finaliste du prix Hemingway en 2005, lauréate cette année du concouJrs littéraire organisé par le blogue Vivre à Porto, elle a contribué à la revue littéraire Rouge-déclic (numéro2) et elle nourrit régulièrement un blogue que vous que vous auriez intérêt à visiter :http://clemencedumper.blogspot.com/ (Clémence Tombereau vient de publier aux Éditions du Chat Qui Louche Fragments, un recueil de billets que vous pouvez vous procurer en version numérique pour un prix plus que modique à l’adresse suivante : http://www.editionslechatquilouche.com/)(Une invitation à visiter le jumeau du Chat Qui Louche :https://maykan2.wordpress.com/)
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