Il a fallu quasiment dix ans pour qu'Érick Zonca parvienne à monter ce Julia comme il le voulait et où il le voulait, c'est-à-dire aux States et en langue anglaise. On comprend mieux le pourquoi de cette obstination : souhaitant visiblement livrer autre chose qu'un drame sordide (en dépit d'un synopsis aux frontières du glauque), Zonca devait se détacher d'une France qui transforme en bouillie pseudo-sociale tous les sujets graves qu'elle touche.
Étonnamment, Zonca se révèle avec ce film comme un cousin de Manuel Pradal, parti lui aussi aux States pour faire du cinéma noir plutôt que du gris. Julia possède ce même aspect de polar mélancolique qu'un film comme Un crime. Car ce long jeu du chat et de la souris est également l'occasion de brosser le portrait d'une femme seule, pathétique et en recherche d'amour. Elle, c'est Tilda Swinton, à la fois très convaincante et terriblement agaçante par son jeu un peu forcé. Une prestation à l'image du film : respectable mais parfois un peu too much dans sa volonté d'en faire trop et de toucher le plus grand nombre. Affamé d'images, Zonca filme assez joliment ; lui manque simplement un peu de courage et de discernement pour trancher dans le vif et réduire un peu cet épuisant road movie dont la durée (2h20) n'est pas franchement justifiée.
En revanche, il surprend par son aptitude à faire rebondir son intrigue de façon assez sobre. Même lorsque l'argument semble s'user (l'arrivée au Mexique laisse craindre une terrible fin de film), cela ne dure jamais longtemps, et Zonca croit suffisamment en ses personnages pour leur donner une épaisseur jusqu'au bout. Si certains revirements psychologiques peuvent laisser dubitatif (ou comment un être sans coeur préfère soudainement un enfant qu'il ne connaît pas à une valise de billets), Julia tient en haleine, comme un John Dahl sans les tiroirs. Ce n'est pas vraiment dans ce genre-là qu'on attendait Érick Zonca.
6/10