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"Les corrections" de Jonathan Franzen

Publié le 29 octobre 2012 par Paulo Lobo
"Les fermiers de l'est de l'Iowa n'avaient jamais appris à ne pas faire confiance au monde."
Extrait du livre "Les corrections" de Jonathan Franzen.
Une phrase qui m'a interpellé. Et moi, ai-je confiance ou non? Ou bien avais-je confiance et l'ai-je perdue en chemin?
Dehors, il fait froid de nouveau. La roue de l'existence n'arrête pas de tourner. Je ressens les choses, mon corps a changé, mon esprit probablement aussi, j'ai pourtant l'impression d'un recommencement. Il me manque la spontanéité et la flamme. Il me manque un miroir intérieur. Il me manque un filtre enchanté.
Je veux que vous me racontiez une histoire. Si vous y mettez suffisamment de coeur, si vous y mettez l'intonation et le rythme, si vous me parlez en me regardant dans les yeux, je vous croirai.
Je vous croirai, et je verrai les immenses plaines, les chevauchées sauvages, je ne sais pas, toutes ces choses qu'on s'invente dans la tête, sans oublier la belle heroïne aux yeux noirs. On se dit que tout ça doit être vrai puisqu'on vous le raconte. Ou alors que ça doit forcément exister quelque part, ailleurs, sur un autre continent ou dans un quartier lointain.
Puis un jour, on se retrouve fort dépourvu, quand la bise est venue, on n'arrive plus à chanter, ni à danser, on a trop froid et on a faim... Et en face de nous, on a tous les besogneux, les fonctionnaires, les prévoyants, qui ont amassé plein de sous et souscrit plein d'assurances, en travaillant tous les jours avec méthode et crédulité. Je les comprends. J'étais fourmi, et je suis devenu cigale. Malgré les avertissements, j'ai franchi la ligne.
Alors, cette confiance? Cette ingénuité? Cette candeur? Ces heures qui commençaient à temps et finissaient à l'heure? Ces rêves qui me prenaient à partie et me rendaient léger et bondissant?
Je ne me plains pas. Je suis arrivé là où d'autres m'ont précédé. Il n'y a rien de nouveau sous les cieux. Je ne suis pas un numéro, et pourtant je le suis. Je suis un passager. J'emprunte des voies que d'autres ont arpentées avant moi. Je contemple des paysages que d'autres ont vus avant moi. J'écris des phrases que d'autres ont écrites avant moi. Je pense comme mes aïeux ont pensé. Je souffre comme ils ont souffert. Je pleure et je ris comme eux.
Suis-je dans une prison ou bien dans un refuge? Dois-je briser le mur ou sentir sa substance?
Ouvrir les yeux pour y voir clair, faut-il ne voir que les choses palpables, ou peut-on percevoir tout ce qui ne se voit pas, le vent, la gravité, la sève qui irrigue l'arbre, le sang qui coule dans mes veines, la plume qui a écrit le poème?

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