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Hopper est-il vraiment un grand peintre ?

Publié le 01 novembre 2012 par Lauravanelcoytte

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Ombres la nuit, 1921: un chef-d'œuvre. Crédits photo : Philadelphia museum of art/Grand Palais

Sa rétrospective  au Grand Palais, à Paris, fait l'unanimité : il est le grand peintre de l'Amérique. Pourtant, ses vrais chefs-d'œuvre, ce sont ses gravures.

En mugs, en magnets de réfrigérateurs et en petits carnets, il est très bon. Il est bien aussi pour les couvertures de Folio et du Livre de Poche, pour les magazines de cinéma et de psychologie: la librairie du Grand Palais n'y suffit plus. On attend à la caisse deux fois plus que d'habitude. C'est très suspect, un artiste à qui les produits dérivés réussissent aussi bien. D'autant que ce sont des produits plutôt intellectuels, des couvertures de romans qui donnent à penser, des magnets à prétentions métaphysiques, tellement plus chics que ces calendriers des postes et ces boîtes de chocolats qui ont fait tant de tort au merveilleux Renoir. Le doute vient aussitôt: Hopper est-il un grand peintre? Plairait-il autant s'il n'avait pas su donner la noblesse du grand format à d'astucieux dessins de story-boards, à des vignettes bien construites, parce qu'il a transformé en toiles mythiques des compositions qui auraient pu rester des couvertures de livres? Un bon imagier qui couvre comme il peut la surface de ses toiles avec de la peinture ?

Percée rectiligne

Didier Ottinger, le commissaire de l'exposition du Grand Palais, brillant chef d'orchestre de ce succès, a répondu par avance à ces objections, en accrochant avec Hopper le plus beau de tous les Degas, venu du Musée de Pau, et inspiré à l'artiste par son séjour américain, Un bureau de coton à la Nouvelle-Orléans, ou un Pissarro du Musée de Reims, L'Avenue de l'Opéra, comme si cette percée rectiligne débouchait nécessairement sur l'Hudson River. La volonté d'inscrire Hopper dans la grande histoire de la peinture est claire - mais ce Degas, Hopper, l'avait-il vraiment vu? Il le connaissait par le livre de Paul Jamot que Jo, la terrifiante femme de sa vie, lui avait offert en cadeau d'anniversaire de mariage en 1924.

Devant l'original de Degas, au Grand Palais, ce blanc lumineux, sorti des balles de coton ouvertes, fascine immédiatement. Comme si Degas, avec ce tableau de 1873 donnait par avance un cours de peinture à Hopper. Alain Cueff, dans son récent essai Edward Hopper entractes(Flammarion) réfléchit au «déjà-vu» qui hante les tableaux de Hopper. Il revient sur le séjour parisien de l'artiste. L'Américain, né un an après Picasso, n'a rien su des Demoiselles d'Avignon. En 1907, quand Picasso achève son tableau, Hopper est allé voir en galerie une sage exposition d'Albert Marquet, et il ne croise pas Gertrude Stein, que fréquente son ami Patrick Henry Bruce. Et de retour à New York, en 1910, il se lance dans le métier d'illustrateur. Alain Cueff parle de la «frustration et de la répugnance» dont Hopper a toujours témoigné à l'égard de ces travaux alimentaires. Il ajoute que cela est «loin de signifier qu'il n'en aurait rien appris».

Lamentation de l'illustrateur

L'illustrateur qui est avant tout un immense peintre, on nous a déjà fait le coup: avec Daumier, dans les années 1960, quand il était de bon goût de dire que ses peintures égalaient celles de Courbet et de Millet, et que les lithographies trop nombreuses montrant les petitesses du barreau et des locataires du dernier étage avaient masqué son vrai génie. L'opération a été tentée une seconde fois, vers 1980, avec Gustave Doré: ah, ces toiles du Musée de Strasbourg, quelle force! Tellement meilleur que dans les pages de sa Bible ou même de son Don Quichotte. Hopper illustrateur s'est beaucoup lamenté, mais c'est parce qu'on l'a forcé à illustrer des textes médiocres, des magazines idiots.

À l'exposition, la salle consacrée à ses gravures est une vraie révélation. Hopper a peu gravé, entre 1915 et 1928. Mais Le Voilier, Les Deux Pigeons, Ombres la nuit sont des chefs-d'œuvre. Parce qu'il invente des illustrations de livres qui n'existent pas. Alain Cueff explique qu'il s'est affranchi du «pré-texte». Hopper l'a dit clairement: «Ma peinture sembla se cristalliser quand je me mis à la gravure.» En découle, au Grand Palais, l'immense galerie où triomphent les célèbres tableaux - ceux qui donnent envie de raconter ces histoires manquantes, qu'on soit Alfred Hitchcock ou un touriste de passage.

Hopper est-il un si grand peintre que cela… aux yeux des Américains? Ne serait-il pas un de ces grands artistes américains à l'usage du public européen, un Américain pour les Français? Une sorte de Paul Auster de la peinture… Alain Cueff publie une anthologie de textes (RMN Éditions), Relire Hopper, volume idéal pour rêver d'Amérique et de solitude: on y trouve sans surprise quelques pages de «Moon Palace» de Paul Auster. Les grands Américains, pour les Américains, sont venus plus tard: Pollock, Rothko, voilà les génies! Dans Hopper, Ombre et lumière du mythe américain(Découvertes Gallimard), Didier Ottinger cite le critique et polémiste Clement Greenberg. Sortant d'une exposition en 1946, il éreinte celui en qui il voit un peintre qui ne sait faire que de la «photographie littéraire». Cela donne cette formule à méditer: «Hopper se trouve simplement être un mauvais peintre. Mais s'il était un meilleur peintre, il ne serait probablement pas un artiste à ce point supérieur.»

«Edward Hopper», Grand Palais, Paris VIIIe, jusqu'au 28 janvier. 

Par

Hopper est-il vraiment un grand peintre ?
Adrien Goetz http://www.lefigaro.fr/arts-expositions/2012/10/25/03015-...

Je précise que cet article n'est pas de moi (lien vers la page citée et si possible son auteur)mais que je suis auteure et que vous pouvez commander mes livres en cliquant sur les 11 bannières de ce blog

 

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