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Rêveurs de Alain BLOTTIERE

Par Lecturissime

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L’auteur :

Romancier, essayiste et auteur de récits de voyage, Alain Blottière partage sa vie entre la France et l'Égypte depuis 1985. Il a notamment publié aux Éditions Gallimard, Saad (Le Chemin, 1980), Le Point d'eau (Blanche, 1985), Le Tombeau de Tommy (Blanche 2009 et Folio 5203). (Présentation de l’éditeur)

L’histoire :

Nathan est un lycéen français vivant dans une banlieue confortable, choyé par son père, aimé par une jolie Manon. Mais pris au piège entre l'ennui du quotidien et la peur de l'inconnu. Il se réfugie dans le monde virtuel de ses jeux vidéo et celui, plus dangereux, du jeu du foulard, du « rêve indien » : pour retrouver les visions qu'il aime, il s'étrangle, il se pend.
Goma est un enfant des rues du Caire. Il a grandi dans un quartier misérable et surpeuplé en compagnie d'autres gamins affamés, manquant de tout, brutalisés par la police. Pour survivre, il est ramasseur de cartons ou pousseur de balançoire. Il n'a qu'un rêve : partir. La chute de Moubarak, les manifestations de la place Tahrir, auxquelles il participe, lui donnent un temps l'espoir d'une vie meilleure.

Nathan et Goma ne se connaissent pas, vivent à trois mille kilomètres l'un de l'autre. Pourtant, avant même de se rencontrer, ils sont inséparables. (Quatrième de couverture)

Ce que j’ai aimé :

Nathan et Goma évoluent dans deux mondes très différents : Nathan vit en France au sein d’une famille aimante, il a une petite amie, des amis, seule lui manque sa mère, décédée dans un accident de voiture quand il était enfant. Goma vit en Egypte, rejeté par sa mère il est contraint de vivre dans la rue en ramassant des cartons, et il assiste plein d’espoir aux prémices de la révolution égyptienne lancé contre Moubarak. Et pourtant ces deux êtres ont de nombreuses similitudes : tous deux flirtent avec la mort, Nathan pour échapper à un quotidien vide et retrouver la douceur de sa mère disparue, Goma parce qu’il est né dans ce pays en révolution.

Nathan cherche à s’échapper dans le virtuel par l’intermédiaire de ses jeux vidéo, ou du jeu du foulard pour connaître une intensité des sensations absentes de sa vie quotidienne. Il s'échappe dans les rêves provoqués par la suffocation.

Goma participe à la révolution égyptienne plein d’espoir et regarde impuissant ses amis des rues mourir sous l’assaut des chars, sous les coups, la torture, tout en rêvant à un ailleurs idyllique moins violent, pour lui, la France. Et même si la chute de Moubarak n’est que l’occasion pour les « hommes noirs » (l’armée) de prendre le pouvoir, Goma n’oublie pas de croire à un monde meilleur.

L’écriture maîtrisée, ni trop pathétique, ni trop insensible, de Alain Blottière est un vrai plaisir. Il utilise un procédé original qui relie les deux êtres que tout sépare jusque dans la phrase :

« Goma, malgré les protestations de Ragab, a tenu à s’asseoir quelques minutes sur un apis, adossé à un pilier, pour savourer la paix après avoir fermé les yeux

   dans l’église et alors Nathan a vu l’image du cadavre fondre, perdre peu à peu ses contours et ses couleurs puis se diluer dans l’oubli des rêves. » (p. 23)

Ce destin croisé de deux adolescents est criant de vérité et d’intensité.

Ce que j’ai moins aimé :

- Assez noir malgré tout.

Premières phrases :

« Un éclair et dans cette violente lumière de foudre une pluie de pétales rouges embaumés tombant sur le cadavre nu de son père, qu’il découvrait avec une extravagante jubilation, une bouffée de bonheur pur qui emplissait les poumons et se régénérait, l’éclair durant, au fur et à mesure qu’apparaissaient des mouvements réflexes du mort encore chaud sous les roses, battements de paupières, tressaillements d’un auriculaire, sourire, enfin, s’éternisant au point qu’il comprenait que son père lui jouait un de ces tours idiots dont il avait le secret et qui, invariablement, même cette fois où il décevait en ressuscitant, déclenchaient un fou rire. »

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Rêveurs, Alain Blottière, Gallimard, septembre 2012, 176 p., 15.90 euros

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