C’était en juillet 2009. Naïve venait d’envoyer gratuitement par email, la chanson titre La Superbe, premier extrait du cinquième album studio de Benjamin Biolay. Première écoute et un mot à la bouche : SUPERBE. Le genre de chanson qui dure qui dure… et dont on ne veut pas entendre la fin. Depuis il s’est passé beaucoup de choses : la consécration du public, le cinéma et même la politique.
Alors quand au début de l’été, sa (même) maison de disque dévoile, en radio cette fois, le premier extrait, Aime Mon Amour, du sixième album, j’ai été déçu. Je l’ai trouvé trop évident, trop formaté. Je sentais le titre qui pouvait me lasser super vite.
Fin octobre, Vengeance est en écoute gratuite quelques jours avant sa sortie officielle. C’est Aime Mon Amour qui ouvre l’album. Et étrangement, quand les premières notes se lancent, c’est comme-ci je re-découvrais le titre. Frais, mais surtout punchy (ah, ces cuivres !). Une chanson sur laquelle on a envie de bouger.
Sur Vengeance, Benjamin Biolay a convié pas moins de sept artistes et c’est Vanessa Paradis qui ouvre le bal. Profite, qui pourrait avoir tout du titre variété lassant-dès-la-seconde-écoute, se révèle bien plus enivrant. Le texte d’abord, où la chanteuse vient poser sa voix délicate sur des mots bruts, à-la-Biolay. On pourrait même y voir un clin d’oeil (volontaire ?) à La Superbe avec la phrase Au fond du verre du fond d’un bar.
Il renvoi aussi la balle à son précédent album (Padam précisement) sur Confettis, où Julia Stone vient poser sa voix, un peu trop nasillarde à mon goût.
Ce que j’aime sur ce sixième album solo studio, ce sont les titres éclairés aux néons des boites de nuits. Ceux qui font danser alors que les textes, pris à part, pourraient nous faire sombrer. Les chansons qui me plaisent le plus dans les albums de Biolay, ce sont celles qui flirtent avec la new wave, qui sont plus du côté yéyé que trash, rythmiquement parlant.(Rendez-vous qui sait, Qu’est-ce que ça peut faire, Reviens Mon Amour, Los Angeles).
Marlène Déconne, l’un des titres les plus dansants, et étonnamment (ou pas chez Biolay) sur un des textes les plus noirs est probablement ma chanson préférée pour le moment. Les synthés résonnent mais la voix de Benjamin, vient calmer le jeu vers 3’15, baissant d’un ton, rappelant la noirceur du discours.
Toi mon amour je t’aime et tout ça me perdra
Toi mon amour tu m’aimes mais tu ne me touches pas[...]
Oh mon amour c’est pire que si j’étais sans joie
Oh mon amour c’est pire que si j’étais en détresse.
Véritable amoureux de rap (Benjamin Biolay a paraphrasé des paroles de Booba pour le titre Dans Paris et usé d’un certain flow pour Tant le ciel était sombre ou Miss Catastrophe), il a invité Orelsan sur Ne Regrette Rien, qui sonne comme un A l’origine numéro 2. Fiévreux, le titre monte en puissance jusqu’à ce que le rappeur nous envoie son texte de ses tripes. J’aurai aimé que la tension se fasse plus intense vers la fin. Attendons de voir ce que donnera ce titre sur scène ; s’il est sur la même lancée qu’A l’origine, ça promet.
Vengeance balaye plein de styles musicaux, chers à Benjamin Biolay. Du rap (Ne regrette rien) à la pop (Aime Mon Amour) en passant par la new wave (Marlène Déconne, L’insigne Honneur) ou la Mowtown (La fin de la fin) l’album brasse plein d’influences. Le chanteur s’éclate aussi sur le funky Belle Epoque (Night Shop n°2) où Oxmo Puccino vient rapper avec lui. A presque 40 ans, sa voix se libère et il ne murmure plus comme il le faisait sur Rose Kennedy il y’a dix ans.
Il a convié aussi Carl Barât (le chanteur de The Libertines et acolyte de Peter Doherty) sur le titre éponyme de l’album. Vengeance semble d’ailleurs naitre des cendres d’un projet apellé Monöpole. Sous ce nom, Biolay a déjà diffusé sur son Myspace il y’a quelques temps des chansons electro-punk en anglais. Dont une qui s’appelait Leave By The Sun, avec des paroles qu’on retrouve dans son duo avec Carl Barât…
Que retenir de cette Vengeance ? Que la plus simple et la plus belle des représailles est certainement l’oubli, la sérénité, et même l’épanouissement. L’aventure parait moins torturée ; elle est plus lumineuse.
Benjamin Biolay sera sur la scène de La Cigale le 11 novembre pour défendre son album. On le retrouvera aussi en mars pour trois dates au Casino de Paris (comme en 2010) et partout en France.
Si vous écoutez l’album sur Deezer, vous aurez droit à un inédit : Je ne passerai pas l’hiver.