C'est un des romans qui avaient été scandaleusement oublié par une critique (presque) unanime, et le jury moustachu du prix Virilo a eu l'excellente idée de faire parler un peu de Pierre Jourde, lauréat 2012 avec Le maréchal absolu.
Un roman hors catégorie.
Si volumineux, si radical, qu’il peut effrayer. Mais on peut y aller sans
crainte, entrer dans la dictature du Maréchal dont Pierre Jourde a fait un
personnage multiple et incertain. Le jeu du pouvoir a entraîné tant de
manipulations et de faux-semblants que plus personne ne connaît exactement son
rôle. Le chef de l’Etat occupe-t-il réellement ce poste dans la discrétion du
palais où il vit caché, ou est-il un de ses sosies approximatifs qui aurait fini
par prendre sa place ? Ce Gris dont les services ont fini par phagocyter
l’administration, peut-être même le pays tout entier, n’est-il pas le détenteur
de tous les ressorts de la république d’Hyrcasie ? Et cette femme devenue
vieille, qui a côtoyé les puissants, n’est-elle pas autre chose que ce qu’elle
dit ? Ce qu’on lui a dit et qu’elle répète a-t-il une quelconque valeur,
ou s’agit-il d’une fiction ?
« J’ai
longtemps cru que le pouvoir était la force […]. Il n’est peut-être que la
faculté de raconter des histoires. » Des histoires qui s’emboîtent les unes dans les
autres comme des poupées russes, au fil de discours qui tiennent parfois du
radotage (et du tour de force stylistique), au fil d’événements sanglants. La
torture et la pendaison à un croc de boucher sont des divertissements communs
dans un pays dont Pierre Jourde fait le symbole de tous les excès. Avec une
écriture qui ne se relâche pas un instant, pas davantage que notre intérêt à
suivre les méandres d’une politique aléatoire.
Pour l'anecdote, Eric Neuhoff reçoit le prix (annexe) Trop Virilo avec Mufle.