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Et si on le voyait autrement ?

Publié le 29 octobre 2012 par Tempscritiques @tournezcoupez

Et si on le voyait autrement ?

Voilà plus de cent ans que le cinéma existe. Ce qui n’était qu’un projet sans avenir dans l’esprit des frères Lumière, est bien vite devenu une source d’inspiration pour l’homme. Divertissement, réflexion, mais aussi profit financier, voilà quelques objectifs du cinéma. Dès ses origines, ne le nions pas, le septième art permettait déjà de rapporter gros. Et de fil en aiguille, « bien » exploité par toutes sortes de producteurs avides, l’invention devint une machine à engranger. Une machine à ramasser de l’argent. Mais, alors que cet aspect financier existait déjà à l’aube du cinéma, il s’est développé, jusqu’au moment fatal où, aujourd’hui, la majorité des films produits et réalisés sont destinés principalement à faire profit, sous prétexte de divertir un spectateur gavé d’effets spéciaux, de bombes à retardement, et d’explosions en tous genres. Et comme l’a d’ailleurs souligné Gilles Jacob, président actuel du festival de Cannes, des noms comme Murnau, Eisenstein, ou Lang sont passés, hélas, aux oubliettes, ou ne présentent aucun intérêt pour des spectateurs se prétendant pourtant cinéphiles dans l’âme.

Nous vivons à l’ère du cinéma pop-corn, mais nous vivons aussi l’ère du cinéma crétin. En effet, voilà déjà quelques temps que, peut-être par défaut de créativité et d’imagination, on vous propose un seul et unique film, exposé sous divers angles, avec des comédiens différents, une histoire différente, mais une trame de fond identique, similaire à des centaines d’autres films. Hélas, il y a déjà tant de gens qui, bernés par un système de surconsommation cinématographique, sont complètement hypnotisé et ne voient que cette alternative pour se divertir. Certes, il y a la fameuse question du goût ; d’où la devise : « les goûts et les couleurs ça ne se discute pas ». Mais, en revanche, ce qui est discutable, c’est la question de l’originalité. Un artiste apporte dans son œuvre, une touche personnelle. Une touche nouvelle. Une touche créatrice. Car ce qu’on appelle septième art est avant tout un acte de création, laissant libre court à l’imagination. Mais, direz-vous, où donc se cachait l’originalité des pionniers du cinéma ? Eisenstein ? Lang ? Alors, tout bon cinéphile qui se respecte, vous répondrait que ces auteurs, ces artistes, savaient mettre leur touche personnelle sans se contenter, pour parler familièrement, de « pomper » sur leurs confrères. Ce qui revient à déclarer justement que le cinéma est devenu bien plus qu’un simple divertissement. Il a atteint des sommets grâce à divers auteurs, et obtient désormais le statut d’art. Bien entendu à condition de recourir uniquement à son imagination pour ce qui est de la mise en scène, et non à celle des autres. En somme, de ne pas reproduire mimétiquement le travail des autres artistes. Martin Scorsese (Shutter Island, Les Infiltrés, After Hours) ira même jusqu’à dire : « Un film est l’expression d’une vision unique. Plus il est personnel, donc, et plus il s’approche du statut d’œuvre d’art ».

Et si on le voyait autrement ?

L’art est un travail consistant à fouiller dans les recoins les plus obscurs de notre inconscient, et à en sortir quelque chose de tout à fait original, quelque chose de totalement neuf, de totalement nouveau. Et lorsqu’on s’aperçoit que des dizaines de films sortent chaque semaine en France, on se doute qu’on est souvent plus proche du travail à la chaîne que de la mûre réflexion ou de la nouveauté.

Toutefois, chaque grand cinéaste peut vous donner sa vision de l’art, et par conséquent son approche personnelle du cinéma. Et la plupart du temps, pour ne pas dire toujours, le cinéaste fait ses films à l’image de sa vision de l’art. Et là commencent alors les méandres des dérives artistiques. Le mot « art » se décline alors en plusieurs voies, plus ou moins différentes, mais surtout entièrement personnelle.

Car Michael Haneke aura une vision artistique complètement opposée à celle de Quentin Tarantino. D’ailleurs, avouons-le, nombre de cinéaste se servent de l’art cinématographique, pour parler de leurs idées, pour communiquer, pour aider les gens à comprendre leurs visions des choses ou pour polémiquer à propos de sujets divers et variés. Et c’est là toute la subtilité du cinéma. Ils se servent d’un support visuel et sonore pour avancer leurs propos. Sydney Pollack déclarera : « D’une certaine manière, toutes les formes d’art sont impliquées dans un film. »

Tandis que David Lynch (Inland Empire, Mulholland Drive) vous perdra dans les abysses de ses pensées tortueuses, vous démontrant avec brio que chaque individu est de naissance à moitié schizophrène, d’autres prétendront le contraire. Chacun s’exprime !

Au milieu de cela, se trouve des artistes qui rendent un travail personnel, tout en veillant à ce qu’il reflète une image sensiblement proche de la réalité. Eastwood et son Lettres d’Iwo Jima par exemple, Darren Aronofsky avec notamment Requiem for a Dream, Mike Leigh que l’on redécouvrait avec joie grâce à son Another Year, ou bien encore le jeune Nicolas Winding Refn et sa saga Pusher. Peut-être sont-ils adeptes de la philosophie de Jean Renoir qui disait : « L’art du cinéma consiste à s’approcher de la vérité des hommes, et non pas à raconter des histoires de plus en plus surprenantes.  »

Et puis, une catégorie encore à côté, il y a tous ces artistes presque inclassables, qui, eux, s’en donnent à cœur joie dans la représentation métaphorique d’idées qui n’en demandent pourtant pas moins une mure réflexion.  Ou bien alors ceux qui dévoilent leurs sentiments par le biais d’un cinéma empreint de poésie, de lyrisme. Jarmusch, Malick, Jeunet, ou bien encore, plus classiques Cocteau, ou Chaplin, n’en sont que quelques exemples.

Et si on le voyait autrement ?

Enfin, il y a ceux qui font des blockbusters de grands films, ou de véritables chefs d’œuvre. On peut alors penser avec évidence à Christopher Nolan et sa trilogie Batman et son réfléchit Inception et pourquoi pas au Watchmen de Zack Snyder, Gladiator de Ridley Scott, ou encore au Titanic de Cameron. Tant de films restés gravés dans les mémoires, devenus cultes, qui furent de très grosses productions, qui firent de très larges recettes, mais qui dans le fond restèrent pour les cinéphiles des œuvres travaillée, sculptées et modelées avec intelligence. Des œuvres originales.

« Faites place à votre curiosité ! »

Alors, vous qui vous demandez comment les critiques jugent les films, vous qui pensez que Cannes décerne chaque année des prix à des navets, vous qui pensez qu’Alain Resnais est un fou furieux sénile, vous qui croyez que There Will Be Blood de P.T. Anderson est un film livide, vous qui avez en tête le fait que le cinéma doit être synonyme d’effets spéciaux, vous qui ne voyez des films que dans l’espoir qu’ils ressemblent à d’autres : faites place à votre curiosité et à vos qualités de spectateurs. Innovez dans vos choix, regardez, apprenez, savourez, profitez de tout ce que le cinéma peut vous apporter de nouveau ! Laissez derrière vous votre regard de cinéphile ou cinéphage amateur, sachez découvrir de la nouveauté. Devenez cinéphile professionnel. Oubliez momentanément les courses poursuites, les tirs en masses et les explosions à tire larigot et redécouvrez le cinéma comme il se doit être : artistique. Voyez plus loin que le bout de votre nez, et admirez comment le divertissement devient art, et comment l’art est divertissant. La règle d’or est donc la suivante : « chercher l’innovation et l’admirer». Soyez assuré que vous ne verrez plus jamais un film de la même manière. Bonne séance !


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