La vie quitte la ville
Les immeubles. Des spectres sombres qui hantent les avenues vides, des silhouettes fatiguées bien ancrées dans le sol d’asphalte. Ils paraissent presque humains, tant ils sont les vestiges d’une époque où la main de l’homme actionnait de dociles machines. Aujourd’hui les machines s’actionnent les unes les autres, s’unissent dans des étreintes constructrices. Les sentiments sont déchus.
La main de l’homme est momifiée, pétrifiée. La main de l’homme n’est qu’un souvenir. Un souvenir vivace, agile, ailé, qui désormais s’ankylose sous une enveloppe de chair. Les doigts ne bougent plus. Ils se souviennent, peut-être, dans leur petite mémoire tactile, qu’un jour ils ont été. Un jour ils ont bougé, touché, vécu. Les doigts pleurent.
Les immeubles, de l’extérieur, sont à l’abandon. De l’extérieur on pourrait croire qu’il n’y vit plus personne. Ce serait vrai. Car, derrière les façades épaisses, poussiéreuses, fissurées, épuisées, ce n’est pas vraiment de la vie qui s’agite. Juste un grésillement. Presque un silence. Et des êtres. Des êtres qui ne sont plus.
On ne sait pas si les immeubles s’écrouleront un jour, sous le poids de leur propre asthénie, lassés de ne plus être chatouillés par l’agitation humaine. Ils auront leur revanche. Ils s’écrouleront. On espère.
Le grésillement. Le silence. Toujours. Insupportable. Plus personne pour ne plus supporter. Tout le monde supporte tous ces êtres déjà morts.
Notice biographique

(Une invitation à visiter le jumeau du Chat Qui Louche : https://maykan2.wordpress.com/)
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