Ses musiciens l’ont précédé en arrivant dans un bus de 1936. Lui est arrivé en catimini et s’est glissé comme un courant d’air dans un couloir. Comme un anonyme musicien du métro, il a pris sa guitare acoustique, s’est installé avec un contrebassiste et un violoniste, et s’est mis à jouer. Beaucoup de voyageurs, pris dans leur course effrénée contre le temps, ont poursuivi leur chemin sans relever la tête mais les oreilles averties ont reconnu « la Seine », la chanson du film « Un monstre à Paris ».
« C’est la musique du métro ou c’est le vrai M qui chante? » s’est demandé Claire, Nantaise de passage à Paris. Un coup d’œil et elle a « halluciné! » Le musicien
de la station Jaurès, hier soir, c’était bien Matthieu Chedid. A trois jours de la sortie de l’album « Îl » et, comme l’avait fait Keziah Jones en 2008, il a offert près d’une heure de concert
secret dans cette station proche du bassin de la Villette.
A 18 heures, lorsque M ressort à l’air libre, par l’effet de Twitter et du bouche-à-oreille, une centaine de personnes l’attendent sous le métro aérien. Mais M ne
fait jamais les choses à moitié. Fidèle à l’univers poétique et visuel de l’artiste, c’est un danseur qui introduit le concert acoustique, vêtu d’anciens habits de M, de ses lunettes et sa
fameuse perruque noire, pendant que les hauts parleurs diffusent « Machistador » et « la Bonne Etoile ». « Merci d’applaudir Nicolas Le Riche, l’un des plus grands danseurs contemporains », lance
Matthieu Chedid.
« Bonsoir, ça va? Allez, il faut qu’on se réchauffe. Je compte sur vous pour danser le mojo. » De l’escalier aux premiers rangs, mamans, cols blancs, étudiants,
fans, assistantes de direction et ouvriers, tous se déhanchent avec les Mojo Boys sur le très efficace single. La station sautille avec M, en grande forme en veste de velours rouge et lunettes
grises ahurissantes.
Jaurès est en délire et bondée! Ce n’est plus cent mais quatre ou cinq cents personnes qui sont grimpées sur les murets, sur des épaules amies, sur les grilles,
dans les escaliers… Les agents de la RATP frayent un chemin aux voyageurs pressés. « Ça va passer très vite, annonce M, on est juste venus vivre une expérience dingue avec vous, à deux pas du 104
où l’on joue ce soir. » Il dévoile l’inédit « Faites-moi souffrir », un peu d’« Onde sensuelle » et tout « Je dis aime ». « Là, je pense à ma grand-mère, Andrée, qui a écrit cette chanson et
serait tellement contente de vivre ce moment poétique dans le métro », avoue-t-il, ému. Un frisson parcourt la foule.
Le minishow s’achève par « la Seine », avec en invités le contrebassiste Thierry Runarvot et le violoniste Jean-Christophe Spinosi. Les enfants, nombreux, sont
enchantés. Fiona, 11 ans, qui revenait de chez sa mamie avec sa grande sœur et sa mère, a bien fait de s’arrêter. « C’était trop bien! Je ne suis pas près d’oublier mon premier concert. » Avant
de s’éclipser sous les bravos, M demande au public de rester écouter le talentueux chanteur folk-reggae Vanupié. Un vrai musicien du métro.