Quand je suis seul il vient souvent un jeune homme passer dans le silence qui s'installe entre ma toile blanche et moi. Il vient faire vibrer la feuille où mon crayon se perd. Il a ce charme insaisissable qui balaie les yeux de ceux que la mort prendra jeunes. Dans ses habits trop larges et sous son sac qui l'écrase, il passe, sans rien dire.
Des mèches brunes s'échappent de dessous son képi et rayent son front blème. Derrière sa cigarette, il essaye de cacher son enfance inachevée qui ressort par la grèle de ses joues empourprées. Son fusil dans sa main, pendant à bout de bras, pèse le poids du devoir que la guerre imposa à des enfants soldats. Mais qu'a-t-il sur l'épaule, est-ce un autre fusil ?... Un outil pour creuser ?Devant mon insistance, sa main me tend l'objet. Du voile de crépuscule émerge alors une croix.
Pascal BOILLET, peintre-illustrateur