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Le perruquier, le coiffeur pour hommes et les perruques masculines.

Par Richard Le Menn

lesperruquesretravaille300lm Photographies 1 et 2 : « Les Perruques » Lithographie « de C. Motte, R[ue] des marais » provenant de : « Miroir (journal) ». Charles Étienne Pierre Motte (1785-1836) est l'un des premiers et des plus importants imprimeurs-lithographes du premier tiers du XIXe siècle. Le journal Miroir des spectacles, des lettres, des mœurs et des arts paraît de février 1821 à juin 1823, fourchette de temps dans laquelle on peut situer cette estampe. Celle-ci est moderne pour l'époque car elle utilise le nouveau procédé d'impression qu'est la lithographie qui ne se développe en France qu'à partir de 1817 et surtout 1820. Le papier utilisé pour cette estampe est lui aussi assez nouveau : un papier chiffon de lin vélin peut-être mélangé à de la cellulose de bois. Quant au sujet il met en scène un fabricant de perruques. Celui-ci est dans un style moderne pour l'époque. Par contre ses perruques, toutes masculines, ne le sont pas car on trouve dans son atelier, qui est peut-être aussi sa boutique, des exemples de styles empruntés depuis le XVIIe siècle. Au XIXe les perruques deviennent beaucoup plus rares pour les hommes et c'est sans doute pour cela que celles présentes dans l'atelier semblent faites soit pour lesperruquesdetail300lm le théâtre, soit pour des tenues officielles. Ou bien il s'agit d'une allusion à l'ancien régime. Il se peut que cette estampe contienne un discours sous-jacent. Dans son livre intitulé Histoire de la presse française depuis 1789 jusqu'à nos jours (Paris, Ernest Flammarion, 1900), Henri Avenel relate un procès fait au Miroir en mai 1821 : « le parquet soutint que les rédacteurs de ce journal avaient commis une contravention aux lois de la censure, parce que, si leur journal n'était pas entièrement ni ouvertement consacré à la politique, ils se servaient habituellement d'allusions, d'apologues, de tournures sous lesquels ils parvenaient à communiquer à leurs lecteurs des nouvelles ou des idées politiques. On leur reprochait surtout le fréquent emploi qu'ils faisaient du sarcasme politique. Toute la cause consistait donc en interprétations, à l'aide desquelles l'accusation s'efforçait de transformer en articles politiques des rédactions que les prévenus soutenaient n'avoir point ce caractère. L'accusation s'appuyait sur seize articles dont il fut donné lecture à l'audience, à la grande joie de l'auditoire ; c'étaient notamment : une romance piémontaise, une anecdote sur les parapluies uniformes, un article sur les divers sens de cette expression, faire des brioches, un vocabulaire à l'usage des gens du monde, un article sur les fêtes publiques et sur 25 000 petits pâtés donnés à 20 000 indigents qui n'avaient pas de pain, etc. Dupin aîné défendit brillamment le Miroir avec son esprit plein de causticité et de bonhomie narquoise ; et le journal fut acquitté en première instance d'abord, en appel ensuite. »

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Cet article fait suite à celui intitulé Le Coiffeur.

Comme je l'écris notamment dans deux autres : La mode et l'hygiène et La toilette masculine : l'art du rasage, le métier de perruquier comprend ceux de baigneur, étuviste et barbier au moins jusqu'à la fin du XVIIIe siècle. L'assiette du XIXe de Gien (photographies 3, 4 et 5) prouve que le métier de perruquier peut comprendre encore celui de barbier à cette époque. Cette profession implique la coupe des cheveux des hommes. Ce sont les coiffeurs qui s'occupent de la coiffure des femmes pendant tout le XVIIIe siècle, bien que les perruquiers cherchent à entrer sur ce terrain (voir l'article Le Coiffeur). Dans la définition de la sixième édition (1832-5) du Dictionnaire de l'Académie française, le terme 'coiffeur' désigne aussi bien « Celui, celle qui fait métier de couper, de friser, d'arranger les cheveux » des femmes comme des hommes.

Photographies 3, 4 et 5 : Assiette en « porcelaine opaque » de « Gien », du XIXe siècle, représentant l'intérieur d'une boutique : « 5 Le perruquier » « Salon pour la coupe des cheveux ». Au centre un perruquier fait la barbe à un client pendant qu'un autre s'essuie le visage devant une glace. On reconnaît des têtes à perruque, un plat à barbe, des ciseaux, un aiguisoir, une boîte-à-chapeau, une aiguière (pour se rincer), des vitrines avec de nombreux flacons et petites boîtes à crème ou autres dont la vente permet aux coiffeurs-perruquiers d'augmenter leur chiffre d'affaire.

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Les premières perruques semblent dater de Louis XI (1423-1483). C'est plutôt un retour de celles-ci, puisqu'elles sont utilisées depuis la plus haute antiquité (les égyptiens aiment beaucoup s'en parer etc.). Au XVe siècle on les appelle 'fausses perruques' ou 'perruques feintes', car le terme de 'perruque' désigne alors une chevelure abondante, longue et ébouriffée ou frisée. Louis XIII (roi de France et de Navarre de 1610 à 1643) aurait lancé la mode des perruques pour hommes à la Cour vers les années 1620. A l'époque de Louis XIV celles-ci sont particulièrement volumineuses avant de devenir plus sobres au XVIIIe et passer de mode à la fin de ce siècle où les cheveux courts remplacent les coiffures aux cheveux longs réels ou factices (voir article sur Les cheveux courts).

Voici quelques images de perruques des XVIIe et XVIIIe siècles : 17e, 17e, 17e, 17e, 17e, 1672, 1680, 17e, 17e, 17e-18e, 17e-18e 17e-18e 1700, 18e, 18e, 18e, 18e, 18e, 18e, 18e, 18e, 18e, 18e, 1768 et 18e. Les perruques sont disposées sur un porte-perruque, dont deux sont représentés sur la table de la photographie 5. En voici d'autres : 1, 2 et 3. Le fauteuil à coiffer est quant à lui particulier : avec une échancrure en haut du milieu du dos comme sur le fauteuil cabriolet (entre 1750 et 1760) visible ici. Un autre est présenté dans l'article intitulé Fauteuil à coiffer du XVIIIe siècle.

Avant la Révolution, on va chez le perruquier pour s’y informer, se faire frisotter et coiffer comme l’écrit P.-F. Tissot (1768-1854 et qui a donc 21 ans en 1789) dans Les Français peints par eux-mêmes (tomes édités entre 1840 et 1842) : « Les cheveux d’un jeune homme du temps, relevés à racines droites sur son front, couronnaient sa tête par un toupet crêpé, pommadé, poudré à frimas, et accompagné de deux rangs de boucles circulaires qui rejoignaient la queue enfermée dans un ruban de soie noire. Cette mode

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exigeait des papillotes deux fois par semaine avec frisure complète, opération fort longue, pendant laquelle jeunes et vieux, grands et petits, prenaient un singulier plaisir à écouter les nouvelles dont les artistes en perruques étaient toujours abondamment pourvus. » Les petits-maîtres du XIXe siècle y apprécient en plus la lecture des journaux et des derniers ouvrages à la mode qu'ils trouvent chez leur coiffeur (il est question de cela dans un passage de l'article sur Le gommeux). Quant aux cheveux frisés, ils sont une des marques du petit maître. Ils sont très à la mode, et ceci pendant tous les XVIIe, XVIIIe et XIXe siècles. De nombreuses images du XIXe représentent des hommes se faisant mettre des papillotes dans les cheveux par leur amie ou un coiffeur : les jeunes comme les vieux (voir l'article Boucles, macarons et papillote). Quant à l’expression « poudrer à frimas » employée dans la citation, cela consiste à lancer la poudre en l’air avec une houppe pour qu’elle retombe uniformément sur les cheveux, en ayant pris la précaution préalable de couvrir la personne d’un drap et de lui faire tenir un masque devant son visage.

La coiffure est une affaire sérieuse dans la France de la mode. Depuis l'Antiquité on la porte tantôt longue, tantôt courte. Au Moyen-âge, chez les hommes, la mode est pendant un temps aux cheveux longs ; puis le clergé les impose courts ; avant qu'ils reviennent à l'état précédent et parcourent ainsi les XVIIe et XVIIIe siècles avant d'être coupés à nouveau au XIXe (ou plutôt à partir de la toute fin du XVIIIe). Mais les boucles restent d'actualité dans les deux cas. La tendance des cheveux bouclés oblige certains à se faire deux fois par semaine des frisures ; quand ils ne portent pas tout simplement une perruque frisottée. Chez les dames, les frisures permettent aux cheveux de monter toujours plus haut en de gracieuses vagues (voir une caricature populaire de coiffure à frisure : « Frisure à la grenade sur laquelle se repose un fameux marin [le comte d'Estaing] au milieu de ses triomphes ».

© Article et photographies LM


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