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Emma : retour dans le passé de Kaoru Mori

Par Paoru

Emma

Depuis la rentrée j’ai lu une bonne dizaine de tomes 1. Plusieurs m’ont laissé une impression favorable (Barakamon, Level E, Shimb.ra.da, L’île infernale ou même Virtus), mais c’est vraiment Emma qui m’a le plus emballé. J’ai eu la chance, d’une certaine façon, de n’avoir pas découvert ce manga de Kaoru Mori lors de sa publication chez Kurokawa et j’ai pu totalement l’apprécier dans sa nouvelle édition, dans la collection Latitudes de chez Ki-oon.

La série fêtes ses 10 ans cette année puisqu’elle est parue de 2002 à 2008 dans le magazine Comic Beam (Soil, Le roi de Ronces, Thermae Romae) de l’éditeur nippon Enterbrain. La série s’est achevée en 10 volumes et Ki-oon la réédite en 5 volumes doubles et grand format. Le premier tome est sorti le 25 octobre dernier, et le second est prévu pour le 28 avril prochain.

 

Emma en couverture du Comic Beam

Alors pourquoi ce seinen a fait l’objet d’un concours sur le blog en octobre et a retenu mon attention ? Pour le savoir, lisez-ce qui suit… Bonne lecture

;)

À cœur vaillant, rien d’impossible ?

Angleterre, fin du 19ème siècle.

Cette époque bien connu sous le nom de victorienne marque le point culminant de l’Empire Britannique. La capitale, Londres, représente la quintessence de cette ère et brasse une fortune et une diversité sans précédents. Mais les différentes classes de cette société ne se mélangent pas et au mieux s’ignorent, voir s’entrechoquent. Alors que les familles aisées nées du commerce et de l’industrie se font de plus en plus prospères, les archaïsmes sociaux sont devenus d’une rigidité à toute épreuve. Chacun se doit de préserver sa réputation et de bien rester à sa place.

Emma_1

Emma, une jeune fille sans famille ni toit a été recueillie il y a des années par Kelly Stowner, ancienne gouvernante de la famille Jones, alors qu’elle se rapprochait de sa retraite. Emma est entrée à son service en tant que gouvernante et elle est devenue une aide précieuse alors que Madame Stwoner s’approche ses vieux jours. Néanmoins, même si Madame Stwoner se prépare à rejoindre son mari dans l’au-delà, elle a un souci : qu’adviendra-t-il d’Emma lorsqu’elle sera partie ?  La demoiselle est devenue une jeune femme très jolie, travailleuse et courageuse, mais elle ne cesse d’éconduire tous les courtisans qui lui écrivent chaque jour…

Emma_1

Jusqu’au jour où William Jones, le jeune homme dont Madame Stowner a été la gouvernante, décide sur un coup de tête de lui rendre visite. Dès que son regard croise celui d’Emma, c’est le coup de foudre… Et il se pourrait bien que ce dernier soit réciproque.

Mais comment faire lorsque l’on est servante et que le jeune homme est issu d’une grande famille ? Dans cette époque codifiée où les classes sociales ne doivent jamais êtes mélangées, tout est bon pour que le destin mettent des bâtons dans les roues de ce couple naissant… Cet amour sera-t-il impossible ?

Amour envoûtant d’une époque révoltante ou amour révoltant d’une époque envoûtante ?

Emma et William
Aaaah, Londres à l’époque victorienne ! À ces mots résonnent aussitôt le bruit des fiacres et de leurs chevaux dont les sabots claquent sur les pavés londoniens, le défilé de gouvernante qui font leur marché ou s’occupent des immenses maisons, les longues marches des gentlemen endimanchés dans leurs manteaux et chapeaux, affublés d’une moustache et de cigare plus ou moins proéminents et enfin les bals où les gentes dames rivalisent de faste dans leurs robes et leurs coiffures.

Le Londres de cette époque est aussi celui de familles richissimes dont la fortune – issue de commerces avec des contrées lointaines et exotiques – égale la rigueur de leur éducation, stricte et drastiquement éloignée des personnes d’un autre rang… Une lourdeur des traditions qui donne envie, justement, de briser les codes et faire voler en éclat ces manières et principes d’un autre âge… Et quoi de mieux pour cela qu’une histoire d’amour, je vous le demande ?

Pour son premier manga, Kaoru Mori nous emporte, comme elle sait déjà le faire, dans une époque propice aux rêves et aux belles histoires. Après le périple dépaysant de Bride Stories entre Asie et Orient, c’est ici un voyage dans le temps vers une contrée proche de nous dont les traditions demandent encore à être révolutionnées ! Dans Emma, la mangaka joue déjà avec les frontières du politiquement correct et refuse les chemins balisés par les bonnes mœurs.

Le jeune sir et la gouvernante tombent tout de suite amoureux l’un de l’autre, sans se tourner autour bien longtemps. Dès lors ce n’est plus leur amour dont il est question mais de la viabilité de leur relation hors-normes (un mot qui trouve tout son sens ici). Les deux personnages principaux, Emma et William, sont plein de candeur, de gentillesse et de réserve et on tombe rapidement sous le charme de leur couple, simple et sincère. La société cruelle qui les entoure – même si l’on n’est pas dans une persécution à la Princesse Sarah – va pourtant se montrer implacable et les pousser à l’échec : [SPOIL ALERT] à la fin de ce double tome, Emma finit par renoncer et quitte Londres pour retourner dans le village de son enfance.

Mais tout comme le lecteur, notre héros et notre héroïne ne vont pas renoncer l’un à l’autre et entretenir l’espoir, le leur et le notre. Tout celles et ceux qui croient aux belles histoires d’amour se doivent donc d’essayer Emma car ce manga est fait pour eux, et leur cœur vibrera aux rythmes des hésitations et des émotions, des coups du sort et des injustices qui vont s’enchaîner tout au long de l’histoire.

L’amour avec un grand A est universel et Kaoru Mori donne Emma a le potentiel pour magnifier les codes et dépasser le lectorat du manga (comme tout ce qu’elle fait d’ailleurs, cf son prix à Angoûlème en début d’année pour Bride Stories). Faites lire Emma aux non initiés, vous en ferez peut-être des convertis !

Le grand format…

Emma
Après une édition Kurokawa proche du fac-similé de la version japonaise, revoilà donc Emma dans 5 volumes doubles initiant, avec Bride Stories, la collection Latitudes. Comme l’explique Ahmed Agne (le co-fondateur de Ki-oon) dans une interview à Manga-news : « Il s’agit de proposer des grands formats seinen, un peu dans l’idée d’Écritures chez Casterman. Notre constat de base, c’est que jusqu’ici Taniguchi est en France le seul auteur véritablement « mainstream », dans le sens où il est apprécié de nombreux lecteurs qui ne lisent aucun autre manga. Combien de fois a-t-on entendu : « Je ne lis pas de mangas, mais je lis du Taniguchi ! » ? Cela tient autant au talent de Taniguchi, que l’on ne remettra pas en cause, mais aussi au format des titres qui est tout aussi important. Ce que nous avons découvert avec Bride Stories, même s’il se vend très bien, c’est qu’il y a une vraie résistance du grand public, et même de certains libraires, par rapport au « format manga ». Les adultes ne s’y tournent pas facilement : c’est trop petit, il faut lire à l’envers [...]

Les habitudes vont plus vers le format BD traditionnel, mais aussi de plus en plus vers le roman graphique, type Les Chroniques de Jérusalem. Ainsi, on nous a souvent demandé de les adapter en grand format pour pouvoir convaincre un nouveau public de s’y essayer. Kaoru Mori a justement pour objectif de ne pas cibler un public limité avec ses histoires, mais de chercher à écrire des récits universels et accessibles à tous. Elle nous paraissait être l’ambassadrice idéale pour lancer Latitudes. Dans ma propre famille, Emma est le seul titre que j’ai pu faire lire sans problème à mes sœurs ! En partant de ce constat-là, nous nous sommes dit qu’il y a un public potentiel vraiment plus important et diversifié à atteindre. « 

Cette nouvelle édition a donc un réel intérêt si vous découvrez l’histoire d’Emma : les planches profitent vraiment  du grand format et favorisent l’immersion déjà aisée dans cette série. Les gros plans sont encore plus intenses et les détails des décors encore plus perceptibles, même si l’on n’a pas encore atteint l’excellent niveau de Bride Stories. Le double volume bénéficie d’un look de beau pavé, celui qu’on dévore avec avidité même si l’édition ne possède pas le cachet luxueux que son prix (18 euros) pourrait laisser entendre : couverture souple et pas de pages couleurs, malheureusement. Si vous connaissez déjà les aventures de notre gouvernante britannique, vous pouvez donc passer votre chemin… Ou vous le faire offrir à Noël peut-être ?


Emma tome 1
Titre : Emma
Auteurs : Kaoru MORI
Date de parution : 25 octobre 2012
Éditeurs fr/jp : Ki-oon / Enterbrain
Nombre de pages : 384 pages
Prix de vente : 18€
Nombre de volumes : 1/5

© 2002 Kaoru Mori


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