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Quand l’auteur fait l’aumône

Publié le 15 novembre 2012 par Paumadou

Jeudi 15 novembre 2012

Quand l’auteur fait l’aumône

Ces dernières semaines, on a beaucoup parlé de la Team Alexandriz, ce groupe de pirates du livre numérique qui diffusent des ebooks gratuitement d’oeuvres protégées par le droit d’auteur.

Qu’on soit d’accord ou pas avec ça, ce n’est pas le sujet ici.

Je trouve que le dialogue était intéressant quand il s’agissait de faire une démonstration de force pour contraindre les éditeurs à offrir des livres moins chers et sans DRM. Reste que c’est une technique « contrainte et forcée » qui n’est pas un bon chemin pour s’attirer les bonnes grâces des éditeurs : la preuve, la Team Alexandriz fait l’objet de poursuites judiciaires de la part de quelques éditeurs (et pas les petits)

Mais voilà, il y a eu quelques accros dernièrement dans l’image « Robin des bois » de la Team Alexandriz : le lendemain de l’opération 200k des éditions Bragelonne (200 livres du catalogue numérique vendu à 1€ pièce) , l’un de ses livres c’est retrouvé en ligne sur le site de la TA .
Puis, il y a eu des livres Publie.net qui apparurent également. Bragelonne et Publie.net sont des éditeurs qui jouent le jeu du sans DRM et prix raisonnable. Le discours Robin des Bois du livre numérique ne peut pas tenir face à ça. D’autant que Publie.net ne roule pas sur l’or et tente une rémunération « équitable » de ses collaborateurs. Les livres ont été retiré (à ce que j’ai compris) mais le mal est fait : le beau discours ne peut pas tenir s’il n’est pas « encadré » par un code d’honneur (punaise, je me crois dans Pirates des caraïbes là ;) )

Puis, dernière nouvelle, le livre de Thomas Geha dont il n’existe pas de version numérique (et pour cause, l’auteur n’a jamais cédé les droits numériques à quiconque) se retrouve sur le site. Petit livre, petit éditeur, pas très connu. L’affaire fait grand bruit parce que l’auteur a « conclu un accord » avec la Team pour poser un bouton de Don Paypal sur leur site. A ce jour 200€ de don, c’est magnifique me direz-vous ?  Sur combien de téléchargements ?

Ce cas, Julien l’a évoqué mieux que moi, a été contraint : jamais la Team n’a demandé l’autorisation à l’auteur pour diffuser son livre. Jamais, elle n’a été vérifier qu’une nouvelle version n’était pas en court d’édition (ce qui est le cas) et jamais elle n’a demandé à l’auteur s’il était d’accord.
Le bouton de don a été un arrangement à l’amiable, a posteriori, parce que l’auteur est venu se manifester de lui-même ! C’est comme pour la loi sur les livres indisponibles : l’état fait sans l’accord de l’auteur, si l’auteur (ou l’éditeur) se manifeste dans un temps donné, on arrête. Sinon, l’auteur doit prouver qu’il possède les droits numériques (comment fait-on quand on ne les a jamais cédé ? On se fait un contrat à soi-même ?)

La démarche militante de la Team, pour moi, a pris là un sérieux coup : ils ne cherchent qu’à diffuser des oeuvres, sans se soucier de l’auteur. Et ne valent pas forcément mieux que les éditeurs qu’ils combattent et qui font tous ça pour le bien des auteurs… Il est peut-être temps que les auteurs soient traités comme ce qu’ils sont des adultes, des interlocuteurs valables et surtout : des gens qui ont besoin de manger, de se chauffer, de s’habiller (eux et leur famille).

Que je diffuse moi-même mes bouquins gratos, oui, que mes textes en CC circulent, oui, j’ai CHOISI cette voie de mon plein gré. Mais qu’on force la main d’un auteur, quitte à fiche en l’air des contrats de réédition, non.  Il suffisait que la TA contacte l’auteur avant diffusion pour que la démarche soit une réelle démarche dans l’intérêt de l’auteur. Un petit détail qui pouvait faire basculer la TA dans le camp des gentils pirates qui défendent les opprimés.

Qu’on laisse tomber le discours « Plus un auteur est lu, mieux c’est, plus une oeuvre est piratée, plus elle est lue, le piratage c’est de la pub, etc. » J’ai diffusé des bouquins gratos, ça m’a rapporté quoi ? Quelques critiques, ok, quelques ventes aussi sans doute, quelques lecteurs certainement.
Mais soyons réaliste : le bouton paypal que j’avais mis sur ce site (et dont visiblement, personne ne déplore la disparition) ne m’a rapporté que 2 dons et nettement moins de 200 € (très largement moins même, vous pouvez enlever un zéro) et les ventes de mes autres livres n’ont pas explosé. Dans l’édition numérique, il ne faut pas se leurrer, les gens croulent sous les livres, les textes, les romans, les sites. Impossible de tout lire, ni de tout acheter.

Quand l’auteur fait l’aumône

(ma pile à lire numérique s’encroûte vous ne trouvez pas ?)

Qu’on ne vienne pas non plus me dire que c’est parce que c’était sur le site de la TA qui a largement plus de visiteurs que moi. La TA a 10, 20 fois plus de visiteurs que moi (sans doute même plus). Elle n’a pas obtenu tellement plus de don. La logique de payer pour ce qui est gratuit n’est pas du tout ancré dans les mentalités françaises, bien au contraire : si c’est gratuit, ça devient un scandale que certains le fassent payer ou quémande de l’argent. Là, ça a marché car c’est le premier, qu’il a été sympa. Qu’en sera-t-il quand ils seront une dizaine d’auteurs avec bouton paypal ? Quand ça sera un bouton de plus ? L’auteur est allé sur le forum demander qu’on le paye, il a été sympa, il a fait sa pub. Un comme ça, ok, mais une dizaine ? Une vingtaine ? Ca gavera vite les gens !


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