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La mémoire et l’exil dans le sang de l’oubli

Publié le 15 novembre 2012 par Fredlafortune

La mémoire et l’exil dans le sang de l’oubliEcrire a toujours été un acte de résistance, en parfaite complicité avec la lecture. Le premier droit d’un poète, si je parodie Daniel Pennac, serait donc de ne pas écrire ou de ne pas dire. Le refus de la parole débouche souvent sur une forte poétique, une quête du vide et du silence. Voilà donc la tentative menée par Jean Mino dans son livre « Le sang de l’oubli ».

Ce livre se réclame d’une poétique de remise en cause qui n’est pas sans rappeler Magloire Saint Aude et Davertige. On reprochera à Mino, sans doute son style brut ou son surréalisme, mais l’auteur sait traiter avec art les plus grandes thématiques de la poésie haïtienne : L’exil et la mémoire.

Mino est crimologue et mène sa barque aux Etats-Unis et en Europe.  Il sait, en tant que crimologue averti, que le sang est un indice clé, une invitation à ce refus de la parole…

Le sang de l’oubli peut être perçu comme un rejet de la mémoire, une quête de soi-même, une mémoire qui se laisse (trans)former.

” Je pars en quête

De moi-même à l’unisson

Du rêve et de la banalité

 Dans le quai du silence”

La mémoire chez Mino n’est pas toujours consciente. Elle est parfois la “Memoire [de] l’oubli”, une quête de son identité ou de sa carte “sans indentité”. Mino clame ainsi sa non-identité, son non-être et son refus du souvenir dans des textes courts qui sonnent comme des cloches mortuaires.

Il apparait tôt

Des larmes cendrent mes yeux

La vie déroute”

Ce recueil d’une quarantaine de textes peut être vu comme le testament d’un exilé. Ce thème est séculaire dans l’histoire de la littérature, mais ce qui est nouveau avec Mino, c’est la dimension poétique de l’exil. Il ne s’agit pas ici d’une fuite forcée d’un régime politique mais plutôt d’une fuite d’un mal existentiel. L’auteur crée ainsi ses ilots de solitudes et les peuple de mots errants, faits de toutes les carcasses humaines. Le refus de la parole cité plus haut serait donc confondu chez Mino avec cette envie de casser sa solitude, de sortir de son exil et de lancer à la face du monde la laideur de la bêtise humaine et du sang.

Il n’ y a que moi

Pour compter les pas

Dans cette nuit d’émoi

Nuit solitaire à la densité

Des îles”

[...]

“Je fus soupoudré de douleur

De peine et de malheur

Je suis poète assassiné”

Dans sa préface, Denise Bernhardt a bien vu qu’il s’agissait ici d’une quête du Moi dans l’exil : Fuir pour être plus près et refuser de dire pour écrire.

Dans « Le sang de l’oubli », les paysages sont macabres. L’univers de Jean Mino est marqué par cet élan créateur, ce saut poétique que fait tout homme devant l’immense absurdité du vide.

 Le sang de l’oubli, Jean Paul Mino, Ed. Ruptures, Mai 2012

Webert Charles

[email protected]

 

 

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