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Holy Motors (Léos Carax, 2012)

Par Doorama
Holy Motors (Léos Carax, 2012) Une limousine vient chercher un homme, Monsieur Oscar... C'est le début d'une journée ponctuée de multiples rendez-vous, aussi vains que leur succès est capital...
Sacré Carax va ! Holy Motors est une succession de performances d'acteur, au sens propre comme au sens figuré. Onze fois Carax entrouvre la porte d'univers différents, à priori déconnectés, hétérogènes, et pourtant, voyage après voyage, performance après performance, dégage d'un ensemble des lignes de forces aux allures imposantes... Voyage barré, poétique et désespéré, Carax va loin !
Intriguant dès ses premières minutes, avec cet homme d'affaire qui entre dans sa limousine pour en sortir quelques instants plus tard grimé en vieille femme SDF... Après quelques minutes de mendicité sous le regard insensible des parisiens, un retour dans la limousine avant d'en ressortir accoutré d'une tenue destinée de "motion capture"... La scène capturée sera destinée à un film d'art martiaux, avant qu'elle ne vire à un acte sexuel... Retour à la "limo"... Maquillage... Monsieur Oscar ressort en créature monstrueuse et s'engouffre dans les égouts pour en ressortir au coeur d'un cimetière... ! Endossant un nouveau rôle pour chacun des "rendez-vous" qui compose sa journée, Monsieur Oscar change de peau, change de vie, se désincarne du rôle précédant pour se réincarner dans un autre, abandonnant chaque fois définitivement la vie qu'il vient de donner en représentation devant des caméras devenues invisibles...
D'abord déstabilisé, puis profondément intrigué par ce curieux manège, presque ésotérique, Carax offre au spectateur une expérience bien singulière. Denis Lavant se livre entièrement, dans une (des) performance(s) hallucinante(s), chacune embrassant un genre cinématographique, chacune remplissant une fonction : mais laquelle ? Fantastique, drame, social, comédie musicale, thriller, absurde, mélo, porno satanique, fable ou action, chaque performance de Lavant laisse le spectateur sans voix, sans moyens pour interpréter chacun des rendez-vous de Monsieur Oscar... Libre, poétique, visuellement ébouriffant, presque électrique, Carax impose un voyage spatio-temporel au spectateur, le privant progressivement de ses convictions et repères, pour petit à petit basculer dans une vision presque cosmique du quotidien ! Il n'y a pas qu'une interprétation possible à Holy Motors, il y en a pléthore ! Holy Motors ouvre la voie à de multiples lectures, de la même manière que chaque rôle de Monsieur Oscar visite des réalités différentes ! Les yeux s'écarquillent, l'esprit s'ouvre... Vision sur la violence imposée par un rôle à l'acteur qui l'incarne ? Interrogation sur le regard du spectateur et la fonction du spectacle ? Sur le rapport intime entre la réalité et le factice ? Ou bien interrogation  presque métaphysique, sur le fonctionnement de notre système mental et/ou social ? Holy Motors embrasse tout, ne livre jamais d'explication, se dérobe à toute interprétation qui pourrait le cantonner à une seule réalité ! Étonnante(s) et puissante(s) proposition(s) de Carax ! Énorme, envoûtant  fascinant et tentaculaire Holy Motors...
Cette année 2012 sera donc l'année des relectures du monde depuis des limousines ! Entre le Cosmopolis de Cronenberg et ce Holy Motors, le société dans laquelle nous vivons semble mieux pouvoir être lue par ses extrémités que depuis son centre ! Comme s'il fallait s'affranchir de la réalité pour mesurer à quelle point elle nous hypnotise, nous asservit, nous transforme, altère notre perception. Impossible de livrer un mode d'emploi pour regarder Holy Motors, il faut au contraire abandonner toute certitudes et résistances pour s'y abandonner sans réserves. Une fois vierge de nos repère, Holy Motors fait entendre sa puissance vibration, qui vous traverse de part en part... Une impression cinématographique rare s'empare alors du spectateur, intense, intime et profonde... Carax réalise un film d'une liberté folle, un film presque viscéral, que Denis Lavant, stupéfiant et magique, porte génialement sur sa frêle silhouette. Denis Lavant, en utilisant chaque cellule de son corp pour incarner Monsieur Oscar, parvient à littéralement "incarner l’insaisissable" imaginé par Carax ! C'est pas pour les amateurs de The Amazing Spider-Man... c'est exigeant... rare et d'une fulgurance que l'on embrasse complètement... ou pas du tout ! Holy Motors continue de vrombir bien après sa vision... Sacré Carax !
Holy Motors (Léos Carax, 2012)

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