Né en 1956 dans une famille d’intellectuels envoyée en
rééducation par le travail à la campagne pendant la révolution culturelle, Gu Cheng a incarné les espoirs et les
violences de la société chinoise des années 80. Beatnik avec un sentiment
taoïste d’appartenance à la nature, rêveur enfantin assumé portant un absurde
chapeau cylindrique découpé dans une jambe de son jean, il participe au
mouvement de poètes novateurs taxé d’hermétisme et dénommé
« menglong » (obscur, brumeux) par les instances officielles. Leurs
métaphores étranges et leur ambiguïté sémantique, à une époque où il n’y a
quasiment pas d’autre production artistique intéressante ou critique visible,
parlaient aux jeune Chinois assommés de slogans pseudo-politiques. Gu Cheng est
devenu un porte-parole du mouvement étudiant avec son distique « Une
génération » que l’on pouvait se répéter
avant l’apparition de Tweeter. Avec la répression de Tian An Men en 1989
et l’avènement d’une Chine mercantile, beaucoup de poètes, surtout autour de la
revue d’avant-garde Jintian [Aujourd’hui] (Bei Dao, Yang Lian) ont dû
s’exiler. Gu Cheng, parti en 1987, s’établira après péripéties et inadaptations
dans une maison isolée sur une île près de la Nouvelle-Zélande. La fin de son
histoire est tragique – en 1993 il tue sa femme et se suicide – et ne peut être
excusée à la légère. Accès de folie dû à son errance catastrophique, à sa
fragilité psychologique, au traumatisme du massacre des étudiants ? Gu
Cheng a cependant écrit de beaux poèmes cryptés ou touchants, et reste un des
grands noms de la poésie chinoise contemporaine.
Bibliographie sélective :
Quecksilber, Brockmeyer 1990 (chinois avec traduction allemande)
Gu Cheng xinshi zixuanji : Hai lan, Baihuawenyi 1993 (chinois)
Sea of Dreams, New Directions 2005, traduit par Joseph R. Allen
(anglais)
Traductions en français dans :
. Le Ciel en fuite, édité par Chantal Chen-Andro, Circé 2004 :
excellente anthologie de poésie chinoise contemporaine (en français)
. DOC(K)S n°41 « Poèmes & art en Chine : les
non-officiels », hiver 1981-82 : avec les textes chinois originaux et
les traductions, tous les principaux poètes « obscurs » rencontrés
semi-clandestinement et publiés par le poète-voyageur Julien Blaine à une
époque où ils étaient inconnus en Occident et plutôt dissidents en Chine
. Quatre poètes chinois, Ulysse Fin de Siècle 1991
et dans les revues : Europe (avril 1985), Po&Sie n°65 et
Neige d’Août n°10
Sitographie :
- « Gu Cheng, la disparition d’un poète », article
de la traductrice Annie Curien
- Rare vidéo
de Gu Cheng : la petite télé se trouve plus bas, après le poème en chinois
puis français
- Une courte page
du Metropolis d’ARTE sur l’opéra électronique de Cong Su Le Monde à
la lumière du mercure, d’après les poèmes de Gu Cheng
[Jean-René Lassalle]