Il est temps de retrouver Rurik Sallé, l’artiste multi-casquettes, pour la suite de sa discussion à bâtons rompus avec Pamalach, lors de leur rencontre à Paris. L’occasion pour Mister Sallé de nous parler de Jean-Claude Van Damme, de Steven Seagal, de sa carrière musicale et de bien d’autres sujets… Let’s go !
Retrouvez la première partie de l’interview ici !
Puisque tu parles de Johnny, j’ai le souvenir d’une de tes interviews, où tu parlais de Jean-Claude Van Damme, en disant que tu trouvais qu’il avait toujours progressé en tant qu’acteur. Ici, à On Rembobine.fr, on aime beaucoup JCVD, et on trouve un peu injuste l’étiquette qui lui est collée et les railleries qu’il suscite.
Jean-Claude Van Damme n’a jamais oublié que la France l’a toujours soutenue, particulièrement à ses débuts, lorsque des revues comme Impact, et Mad Movies dans une moindre mesure, lui ont accordé un grand nombre de couv’. Il n’a pas non plus oublié la boite de distrib’ Delta Vidéo qui était là au tout départ et qui l’a beaucoup aidé… Il faut bien comprendre que la sortie d’un film comme Bloodsport en France, c’était une petite révolution !
En France, quand quelqu’un « de chez nous » réussit aux États-Unis, on a tendance à lui vomir dessus. Cela a été valable pour Depardieu, pour Lambert et pour Van Damme… Ce n’est pas un hasard. Au lieu d’être fier que des acteurs francophones fassent des films aux États-Unis, on préfère la critique et les moqueries. On choisit souvent des souffre-douleurs, quitte à retourner notre veste tout de suite après ! Michael Jackson a été pendant toutes les années 2000 persona non grata, et puis d’un coup, juste après sa mort, il est devenu intouchable…
L’autre problème qu’on a ici, en France, c’est la séparation de l’esprit et du corps. On est un pays qui a une tradition de philosophes et de cartésiens, qui nous a laissé un grand héritage culturel. Du coup, forcément, dans la tête des Français, quand un mec est musclé, il est stupide. Le fait qu’on ne puisse pas avoir à la fois le cerveau et les muscles, c’est très français. Arnold Schwarzenegger a des diplômes, il était gouverneur de Californie, c’est un business man affuté, cultivé, et qui sait s’exprimer, mais ça n’a pas d’importance. Beaucoup d’acteurs « physiques » ont cette étiquette difficile à décoller.
Van Damme n’a jamais dit qu’il était un mec intelligent, mais c’est un homme qui a une vraie sensibilité et dégage une vraie sincérité. Dans de nombreuses interviews, il t’explique sans fausse pudeur qu’il a eu des problèmes de drogue, qu’il a touché le fond et qu’il a failli sombrer plus d’une fois… J’aime sa façon de vouloir raconter ce qu’il a au fond de lui-même… avec sa façon un peu cosmique. Un jour, une amie m’a offert le livre Parlez-vous le Jean-Claude ? ( ndr : Petit recueil plutôt acide de 95 pages qui compile quelques-unes des citations les plus connues de l’acteur). Et bien que cela soit par moment un peu nébuleux, à chaque fois je comprenais où il voulait en venir.
Au bout d’un moment qu’est-ce que tu préfères ? L’acteur qui va te dire « C’est mon meilleur film… le réalisateur est absolument génial. Avec l’équipe on forme une vraie famille… je crois que c’est le meilleur travail d’acteur que j’ai réalisé jusqu’à présent… », ou bien un mec qui va essayer d’exprimer des choses un peu plus profondes, ce qu’il a sur le cœur et ce qu’il pense de la vie, comment il a tenu à Hollywood, alors que tout le monde lui fermait la porte au nez ? Moi je trouve que Van Damme est un type intéressant, et j’aime ce qu’il essaye de dire avec ses mots à lui.
Et puis en France, comme dans beaucoup de pays, on aime bien les gens qui sont alternatifs, rebelles, dans la marge… mais toujours et uniquement dans une certaine mesure. Il ne faut pas trop que tu t’écartes, sinon attention ! JoeyStarr par exemple…
Tu le connais personnellement ?
Non, je ne le connais pas personnellement, mais il était convaincant dans Polisse. Mais maintenant, il est un peu devenu « le rebelle officiel » du cinéma français, il a été institutionnalisé. Et il n’y en a pas quarante des mecs comme lui, il n’y en a qu’un. Et c’est aussi une question d’époque. Il est clair qu’il est plus acceptable maintenant qu’au moment de « Paris sous les Bombes » où quand il disait « La justice nique sa mère ».
Il est cool JoeyStarr, il n’y a pas de problème, mais ça serait pas mal que l’intelligentsia française aille un peu plus loin en allant chercher des mecs encore plus dans la marge. Jean-Claude Van Damme, à la limite, lui, est carrément plus dans la marge, il est sorti de la feuille (sourire).
À l’avant-première d’Expendables 2, il était très disponible pour ses fans et je me souviens de l’avoir vu à la conférence de presse avec Arnold, Sly et toute la clique. Tu voyais bien la différence entre lui qui disait que sur le tournage, il avait du mal à se lever le matin, et Arnold, qui était super corporate et qui mesurait tous ses mots et tout ce qu’il disait.
Tu vois, John Fallon, qui est mon adversaire dans Dead Shadows, tient un gros site de cinéma de genre/horreur au Canada et aux États-Unis qui s’appelle Arrow in the head. Récemment, il a fait une interview de Van Damme et il l’a trouvé génial ! Il se livre totalement, te sort des anecdotes incroyables… Il a ce côté garnement et chien fou qui me plait bien.
C’est un peu comme avec Johnny finalement. Moi, très honnêtement, je n’écoute pas du Johnny en arrivant chez moi, mais ce sont des gens à vif : quand tu parles avec eux tu parles à Jean-Philippe Smet et à Jean-Claude Van Varenberg… Tu parles à de vraies personnes, qui te parlent vrai. Du coup, je ne comprends pas pourquoi on s’en prend à ces gars-là. Pourquoi, à vouloir se défouler, ne pas le faire sur les vraies ordures, ceux qui font vraiment du mal aux gens ?
Pour en terminer avec Van Damme, je pense qu’effectivement, il a toujours progressé en tant qu’acteur. Quand tu vois ses débuts dans Kickboxer où il faisait ses « Waaaaa…. » et Replicant, où il joue un homme-enfant qui se fait battre, il y a vraiment du progrès.
Et dans JCVD aussi !
Oui complètement. Dans JCVD, tu le vois s’élever et faire un monologue étonnant où, au final, il se met à pleurer. Il y a pas tant d’acteurs que cela qui arrivent à en faire autant.
Quand il te dit, en interview, que lorsque il était petit il vivait en Belgique et qu’il avait tous les jours ce ciel gris, bas et lourd au-dessus de lui, qu’il entrait dans une salle de cinéma pour voir Lawrence d’Arabie, et qu’il voyait le désert, le scope, les décors fabuleux, et du rêve plus qu’il ne pouvait en emporter… C’est la plus belle raison de vouloir faire du cinéma en somme. La motivation de départ pour ce mec, ce n’est pas le pognon et la gloire, et moi je trouve ça beau. Il n’a pas toujours fait les bons choix, mais il a fait quelques bons films.
On parlait de Steven Seagal tout à l’heure…
Oui, j’adore Steven Seagal. Mais j’ai conscience que ce mec fait des films horribles depuis dix ans.
Tu connais sa série de télé-réalité Lawman ?
Oui, je l’ai en DVD (rires). Je n’ai pas vu True Justice, qui est sa nouvelle série, mais j’ai très peur d’être déçu. Évidement, je connais Lawman et franchement c’est drôle ! Déjà, à la base, le concept est incroyable. Le fait d’avoir pris une vraie star et de lui faire dire « Moi je suis shérif dans la vraie vie » c’est complètement fou. Le mec, il fait trois DTV par an, tu ne vas pas me dire qu’il a le temps de faire le policier dans les quartiers de Louisiane ! À mon avis, il y a 20 ans, quand il était au top de sa crédibilité, les mecs de là bas ont dû lui dire : « Écoutez Steven, on vous nomme Shérif adjoint de la ville ! Bon, vous filez un cours d »aïkido gratos à nos gars, et vous êtes policier honorifique à vie ! ».
Je doute qu’avec les contrats qu’il doit avoir, ses assureurs acceptent qu’il parte dans des endroits qui craignent vraiment, avec des fusillades, des dealers à chaque coin de rue… Tu imagines si il se prenait une balle ? L’assurance raquerait un max (rires) ! Du coup, il ne se passe pas grand-chose dans cette série. Et puis quand il regarde dans l’obscurité et qu’il dit à des gars qui ont trente ans de métier : « Les mecs, c’est là-bas qu’il faut aller ! », c’est fascinant !
Tu connais sa musique ?
Oui ! J’ai ses deux disques (rires). Moi qui suis guitariste, je peux te dire que l’on sent qu’il a réellement écouté du vieux blues. Il a un vrai toucher dans ses solos, et tu vois que ça fait un bail qu’il joue. J’ai rencontré Wednesday 13 (ndr : qui chante et joue de la guitare, entre autres, avec les Murderdolls) et je lui avais fait un blind test pour Hard n’ Heavy. Lorsque je lui ai fait écouter une chanson de Steven Seagal, il a carrément halluciné en apprenant que c’était lui qui jouait de la guitare ! Du coup, il a pris le cd pour aller le montrer à ses potes musicos (rires). Il me l’a même dédicacé en écrivant « Wednesday 13 is hard to kill ! » !
Je me souviens qu’un jour, il avait joué un peu de guitare en direct à l’émission 20h10 Pétantes. C’était franchement pas mal. Ses vieux camarades de dojo au Japon se souviennent de lui comme de « l’homme qui jouait de la guitare ». Je pense que la musique est quelque chose de sincère, pour lui, et il est crédible. Il y a plein d’acteurs qui font de la musique, comme Kevin Costner, Kevin Bacon… Mais ce n’est pas pareil.
Quel est ton Steven Seagal préféré ?
Ca se situe dans les quatre premiers, parce qu’après, cela va être assez compliqué (rires). Hum… Justice Sauvage probablement, parce qu’il est violent graphiquement, énergique et assez brutal. Seagal a un charisme a l’écran, une sorte d’arrogance et de confiance absolue qui fonctionne bien, notamment dans Ultime Décision, où il joue un vrai con face à Kurt Russell. C’est son meilleur rôle ! Nico aussi est bon, c’est son premier film, il établit la franchise, le personnage. Quand au début du film il parle de sa fascination pour le Japon, de l’aïkido… Il ne parle pas du personnage, il parle de lui ! Les photos qu’il montre au départ, ce sont les siennes, son histoire à lui, pas celle du personnage (rires). Il y a une complète confusion entre la réalité et la fiction. La musique aussi est plutôt pas mal dans ce film. D’ailleurs, dans Le Réserviste de Mathieu Berthon, dans lequel je joue un mercenaire, je fais un petit clin d’œil au film en sifflant le thème de Nico. Il faut prêter l’oreille, mais ça s’entend. Il y avait Manu Lanzi qui réglait les combats, et quand il m’a entendu siffler, il m’a dit « Hum.. Nico ? » (rires). C’est mon petit hommage en quelque sorte.
Comment va ton groupe Fugu Dal Bronx ?
Bien ! On a des concerts intéressants en vue. On va également lier la musique avec les images… On a fait un ciné-concert bien cool il y a très peu On aimerait bien jouer au Hellfest d’ailleurs, même à 10 heures du matin, ça nous ferait délirer et ça serait un honneur. Je suis là tous les ans, et j’étais même au dernier Fury Fest! Avec Fugu Dal Bronx, on risque sans doute de sortir très prochainement un nouveau titre, indépendant de tout album, à une date fatidique… Mais je n’en dis pas plus pour le moment (sourire). Et puis un album, bientôt.
Et qu’est-ce que tu écoutes en ce moment ?
L’autre jour, j’ai mis le nez dans ma cave et je suis tombé sur de vieux vinyles qui prenaient la poussière, du Obituary, du Girschool, du Iron Maiden, du Rainbow… Sinon en plus récent, j’aime bien le dernier Down, l’E.P qui est sorti tout récemment. J’aime bien Anselmo et aussi leurs clips façon vieilles séries B, alors qu’Anselmo n’est pas toujours très rigolo en général… Bien que par moment, il soit un peu bizarre. À l’époque récente où il se murmurait que Pantera allait se reformer avec Zakk Wylde, Anselmo avait dit « C’est bon, Zakk est d’accord, c’est ok ! » . Quelques temps plus tard, il revenait sur ses déclarations en disant : « Non, non je n’ai jamais dit ça, je ne sais pas ce que le journaliste a compris… ». Ahah, je crois me souvenir que c’était un peu le même bordel lorsque Pantera a splitté!
Sinon, j’aime bien le dernier Anthrax. J’écoute toujours les Goblin aussi, évidemment. Récemment d’ailleurs, j’ai acheté leur cd live, directement à Claudio Simonetti qui jouait dans un petit club à Sitges, où je présentais Dead Shadows. Je lui ai filé le cd de Fugu, du coup! Comme avec le cinéma, je navigue entre le old school et le new school.
On va terminer par une série de petites questions rigolotes. Imaginons que tu aies le pouvoir de tourner avec le réalisateur de ton choix, tout en ayant la possibilité de choisir le projet.
Pas évident comme question… Mais un Johnnie To, avec Anthony Wong, ce serait vraiment excellent !
J’adore aussi le film d’Alexandre Courtes, The Incident, que j’ai vu à Gerardmer et qui m’a vraiment retourné. J’avais complètement zappé l’existence de ce film, et j’ai été le voir sans savoir à quoi m’attendre. Vu le film, hallucinant, j’adorerais travailler avec lui ! Voilà un réalisateur intéressant, doublé d’un mec vraiment cool.
Après, il y aurait tellement de trucs… Faire un film avec Fabrice du Welz par exemple ! Un polar psychédélique et surréaliste avec lui cela serait génial !
Maintenant, si tu avais la possibilité de tourner le remake d’un film d’horreur, lequel ferais-tu ?
J’avais dit dans une autre interview que Maniac avec Gerard Depardieu, cela serait mortel ! Le Joe Spinell français c’est lui !
As-tu vu d’ailleurs le remake avec Elijah Wood ?
Oui je l’ai vu, mais je suis assez mitigé. Ce n’est pas mauvais, et puis c’est étonnamment ultra sanglant, mais j’attendais plus d’Elijah Wood. C’est un super acteur ce mec ! Dans Sin City, Elijah Wood fait deux grammes et en face, il a Mickey Rourke… Pourtant, il arrive à constituer un adversaire crédible ! Et là, je n’ai pas retrouvé cette intensité.
Sinon, niveau film d’horreur, j’aimerais bien faire un remake de Shocker de Wes Craven ! Il est certainement parmi mes cinq films d’horreur préférés, et j’adorerais jouer Horace Pinker en essayant d’en faire quelque chose de différent.
Possibilité de tourner une scène de bagarre, avec l’actrice de ton choix ?
Aaah.. .J’aimerais bien Michelle Ye alors ! C’est une ancienne miss et une actrice de Hong Kong qui joue dans Accident de Soi Cheang, et dans quelques productions de Johnnie To. Je l’ai rencontrée, elle est très sympa et très belle ! J’aimerais bien aussi une scène de Kickboxing avec Catherine Deneuve (rires). À mon avis, elle doit envoyer (rires)!
Possibilité de te prendre une raclée par l’acteur de ton choix ?
Alors là, écoute, je prendrais Scott Atkins. Il est très simple et assez timide, c’est assez étonnant. Un mec bien, et qui mérite vraiment une belle carrière. Et puis ça me permettrait de voir ses acrobaties au premier plan !
Maintenant, c’est toi qui peux mettre une raclée à qui tu veux…
Ah ! Voyons… Peut-être Chuck Norris parce que c’est un mec de droite (rires).
Ceci étant dit, me prendre une raclée par Steven Seagal, cela serait un honneur aussi, même si cela devient de moins en moins crédible. Se faire péter un bras, ce serait cool (rires).
Dernière question : si tu pouvais t’attribuer une punchline de ton choix, laquelle choisirais-tu ?
Une qui existe déjà ? Peut-être celle de Jason Statham dans Expendables 2, quand Jet Li saute de l’avion et que Statham dit « Ça, c’est du chinois à emporter ! ». J’étais mort de rire. J’avais l’impression d’être devant une vieille VHS des années 80 (rires). Si je pouvais avoir celle-là, je serais content (rires).
Un dernier mot ?
Dead Shadows va sortir au Japon et rien que le fait de voir l’affiche en Japonais, je trouve ça énorme ! Je crois d’ailleurs que je vais y aller pour la sortie, du coup (rires). Voir Dead Shadows en salle au Japon, tu imagines ?! D’autant qu’il faut le voir en salle, ne serait-ce que pour le générique du début, qui est vraiment sublime. Pour Fugu, il faut se tenir au courant sur Fugu Dal Bronx.com. Bon, le site est pas génial pour le moment, il est en train d’être refait. Remarque, j’ai vu récemment celui de Paul Gilbert de Mister Big, fait par Paul Gilbert lui-même, et il est bien pourri (rires). Nous n’avons pas de honte à avoir, du coup !
@ Propos recueillis par Pamalach (et Paracelsia)