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Balbutiements chroniques, par Sophie Torris…

Publié le 22 novembre 2012 par Chatquilouche @chatquilouche

Récital pour un i-ami

Mon très cher Chat,Balbutiements chroniques, par Sophie Torris…

Ne me dites pas que vous avez oublié ou je vous sonne les cloches.  Cela fait un an tout juste que vous êtes mon maître-chanteur.  Joyeux anniversaire !  Où avez-vous caché les flûtes, Chat, que nous nous rincions la cornemuse et que nous fêtions cet accord parfait comme il se doit ?  Me dissimulez-vous quelques surprises, une cérémonie bien orchestrée ou un concert de louanges ?  Allez !  En avant la musique !  Faites vibrer ma corde sensible et dites-moi enfin que je suis votre violon d’Ingres.

Moi, je viens par la présente, du trémolo dans la gamme, renouveler mes vœux.  Oui, je le veux.  Vous prendre pour Chat.  Sans bémol.  Vous balbutier fidèlement mes p’tits bonheurs et mes p’tites épreuves chroniques jusqu’à ce qu’un point d’orgue nous sépare.  Nous irons donc, si vous le voulez bien, pianissimo, mais toujours crescendo.

Vous êtes mon Chat.  Mais vous êtes aussi mon ami.  Ce n’est pas du pipeau !  J’ai reçu sur Facebook, il y a un peu plus d’un an, votre demande d’amitié que j’ai acceptée cœur et tambour battants.  Je suis devenue la copine du Chat et j’étais prête à le clamer à cor et à cri, flattée que vous m’offriez votre affection sans même me connaître.  Mais doucement les basses !  On dit que sur les réseaux sociaux, on lie des amitiés comme on pisse dans un violon.  Et pour preuve, Maestro Gatto, vous orchestrez 2374 a capella sur votre propre, mur et rien ne vous empêche de forcer la cadence puisque le réseau Facebook autorise jusqu’à 5000 amis.

Permettez donc que je questionne notre relation, car même si je peux concevoir que vous ayez bon do, je ne peux pas croire que vous ayez l’oreille absolue au sein d’une pareille cacophonie ?  D’ailleurs, selon Robin Dunbar, éminent anthropologue britannique, la taille de notre néocortex ne nous permet d’être au diapason que de 148 individus en même temps.  Au-delà de ce nombre, la confiance mutuelle et la communication ne suffiraient plus à assurer le fonctionnement du chœur.  En acceptant une nouvelle demande d’amitié, sachez dorénavant, cher Chat, que si vous êtes le 149e larron, vous détruirez inévitablement une polyphonie jusqu’ici harmonieuse, car si votre nouvel hôte s’intéresse à vos arpèges, il en viendra automatiquement à négliger un autre de ses contacts.

Pause.

Soupir.

Je ne peux donc entretenir des relations amicales stables qu’avec 148 personnes en même temps.  J’ai pourtant, moi-même, quelque 300 amis sur Facebook, et si je claironne aujourd’hui sur ces plateformes d’échange, c’est bel et bien pour développer encore mon capital social.  Bref, si tout le monde devient l’ami de tout le monde, c’est que, soit on assiste à une mutation allegro forte des néocortex humains, soit c’est la notion d’amitié qui n’a plus la même portée.  Permettez que je laisse à d’autres le soin de vocaliser sur l’hypothèse d’un cerveau croche, afin d’entonner un nouveau couplet sur l’amitié virtuelle qui se fredonne, là en majeur, là en mineur.  Ce que je veux dire par là, Maestro Gatto, c’est qu’il y a encore quelques années, chaque sphère sociale (la famille, les amis, les collègues de travail, les connaissances, les liaisons perdues) se la jouait solo.  Aujourd’hui, on a changé de refrain.  Tout le monde se côtoie sur la toile, relations majeures et mineures unies, là, dans un joyeux charivari.  Si dans la vraie vie, la frontière existe toujours, il n’en est rien sur Facebook où l’on passe d’une octave à une autre sans fausse note.

Alors, pourquoi s’arrêter à 148 amis ?  Pourquoi ne garder que des amis proches, que l’on aime vraiment certes, mais avec qui on est tellement en harmonie qu’ils chantent les mêmes crédos que nous, qu’ils partagent les mêmes échos que nous, si bien que c’est toujours la même chanson ?  Et pourtant leurs commentaires fidèles, leurs « j’aime » toujours sincères sont indispensables.  Grâce à eux, on est bien, mais on n’apprend rien ou peu.  Ce sont les relations mineures, celles qui ne vont pas de concert, celles qui détonnent, celles avec qui on n’aurait jamais pensé jouer cet étonnant quatre-mains dans la vraie vie, qui élargissent sur le clavier, notre vision du monde.

Alors, pourquoi ne se satisfaire que d’une vie réglée comme du papier à musique quand Facebook offre tant de préludes pour fugues ?  Vous êtes, Maestro Gatto mio, un de ces délicieux impromptus qui me fait voyager depuis toute une année.  À balbutier des récitals des quatre coins de ma vie, je me sentirais presque i-diva.

Virtuellement vôtre,

Balbutiements chroniques, par Sophie Torris…

Sophie

(Il y a un an que vous êtes là, Sophie, et nous tous, au Chat, en sommes très heureux.  Bon anniversaire !  AG)

Notice biographique

Balbutiements chroniques, par Sophie Torris…
Sophie Torris est d’origine française, Québécoise d’adoption depuis 15 ans. Elle vit à Chicoutimi où elle enseigne le théâtre dans les écoles primaires et l’enseignement des Arts à l’université. Elle écrit essentiellement du théâtre scolaire. Parallèlement à ses recherches doctorales sur l’écriture épistolaire, elle entretient avec l’auteur Jean-François Caron une correspondance sur le blogue In absentia à l’adresse : http://lescorrespondants.wordpress.com/.

(Une invitation à visiter le jumeau du Chat Qui Louche : https://maykan2.wordpress.com/)


Filed under: Sophie Torris Tagged: Facebook, humour, Sophie Torris

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