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Archéologie des petits trous dans les gravures sur bois

Publié le 22 novembre 2012 par Nuage1962

On ne regardera plus les vieilles gravures de la même manière car en plus d’avoir été beaucoup utilisé sur des supports de bois pendant quelques siècles en Europe pour être utilisé pour la réimpression … Beaucoup ont étudier ces planches mais un seul l’a étudier d’une façon tout à fait unique
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Archéologie des petits trous dans les gravures sur bois

«L'Homme riche». Cette gravure de Cornelis Anthonisz (1541) est ponctuée de nombreux petits trous, dont certains ont été marqués en rouge. (Rijksmuseum, Amsterdam)
«L’Homme riche». Cette gravure de Cornelis Anthonisz (1541) est ponctuée de nombreux petits trous, dont certains ont été marqués en rouge. (Rijksmuseum, Amsterdam)

Les trous d’insectes visibles sur les planches de gravure permettent de dater et de cartographier les illustrations mises sous presse en Europe du XV au XIXe siècle.

Stephen Blair Hedges, de l’université de Pennsylvanie, porte une attention toute particulière aux illustrations faites à partir des gravures sur bois. Au lieu d’analyser les motifs ou la facture de ces images très courantes par le passé, il s’intéresse aux petits trous qui les constellent comme des crottes de mouche à l’encre sympathique.

De fil en aiguille, il s’est lancé dans une véritable enquête archéologique sur ces «traces fossiles» comme il les appelle. Il a réussi à identifier les insectes qui les ont produites et a pu reconstituer les zones qu’ils colonisaient du XVe au XIXe siècle. En fonction de leurs dimensions et de leurs formes il date les tirages des planches et est capable de dire dans quelles villes européennes elles ont été mises sous presse. Son étude est publiée en ligne dans la revue Biology Letters .

En Europe, la gravure sur bois a été pendant longtemps le seul moyen avec la gravure sur cuivre de reproduire des illustrations dans les livres. On estime que, du début du XVe siècle au début du XIXe siècle, des millions de gravures ont ainsi été imprimées. Les artistes utilisaient des planches de pommier, de poirier et de buis car leurs bois sont très lisses et denses, ce qui donne un trait d’une grande finesse.

Après être passées une première fois sous la presse, les planches étaient stockées en attendant une éventuelle réimpression. C’est à partir de ce moment-là qu’elles commençaient à être grignotées par les insectes. Au cours des réimpressions successives, on voit en effet que les tirages portent de plus en plus de petits trous, ce qui permet de les dater. C’est très net sur les imageries populaires et les almanachs qui ont connu de très nombreuses éditions.

Contrairement à ce qu’on imagine volontiers, les petits trous ronds ne sont pas produits par des larves mais par des coléoptères adultes.

«Ce sont leur trou d’envol», explique Stephen Blair Hedges.

Le cycle est facile à deviner. Une fois la planche gravée et rangée dans un placard ou dans un coin de grenier, les coléoptères viennent pondre dans les fissures ou les anfractuosités du bois. Après l’éclosion, les larves creusent pendant plusieurs années des tunnels dans la matière végétale, se nourrissant de cellulose jusqu’à la nymphose.

Au nord de l'Europe, la vrillette domestique. Au sud, la vrillette brune. Crédit: S. Blair Hedges.
Au nord de l’Europe, la vrillette domestique. Au sud, la vrillette brune. Crédit: S. Blair Hedges.

Des coléoptères de taille différente

Le chercheur américain a observé que du XVème au début du XIXe, les trous d’envol qui apparaissent sur les gravures sont plus petits sur les tirages effectués dans les villes du nord que dans les villes du sud de l’Europe et ils n’ont pas la même forme. A cette époque, les ateliers de gravure étaient concentrés dans les grandes villes régionales. Il y en avait à Amiens, Angers, Lorient, Rouen, Laval, Épinal, Foix, Le Mans, Strasbourg et beaucoup à Paris.

Au nord de l’Europe, selon toute vraisemblance, le coléoptère dominant devait être une espèce qui sévit aujourd’hui encore dans nos contrées: la vrillette domestique (Anobium punctatum). Au sud d’une ligne allant de Nantes à Trieste en passant par Paris il s’agissait de la vrillette brune (Oligomerus ptilidoines). La ligne de démarcation est liée sans doute à des conditions climatiques, avance Stephen Blair Hedges. Il insiste sur le fait qu’elle est restée étonnamment stable jusqu’au début du XIXe siècle. À partir de cette époque, les deux espèces se sont déplacées et on a commencé à les retrouver sur l’ensemble du continent ouest européen. Au début du XXe siècle, la vrillette domestique avait déjà colonisé la péninsule ibérique.

Stephen Blair Hedges collectionne à la fois les tirages et les planches de gravure. Pour son étude, il a analysé plus de 3200 trous d’envol. Afin de différencier les deux espèces, il aussi analysé plus de 450 galeries creusées à l’intérieur de planches de gravures.

«Je suis probablement le seul à étudier de manière scientifique les trous faits par les insectes dans les planches de gravure, confie Stephen Blair Hedges au Figaro. Je n’ai jamais trouvé aucune autre étude sur le sujet. J’espère que les historiens vont s’y intéresser».

Il invite les chercheurs asiatiques à étudier le phénomène car, là-bas, la gravure sur bois a commencé à être pratiquée dès le VIIIème siècle.

http://www.lefigaro.fr



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