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Mon discours de Lille :"Innover, une nécessité sanitaire et sociale, un devoir politique."

Publié le 26 novembre 2012 par Jeanlucromero

Discours de Jean-Luc Romero
Président d’Elus Locaux Contre le Sida
« Innover : une nécessite sanitaire et sociale, un devoir politique »
Vendredi 23 novembre 2012 – Lille

Mesdames et Messieurs,
Chers amis,

« Innover : une nécessité sanitaire et sociale, un devoir politique » voilà le thème de mon intervention aujourd’hui. Je prétends évidement pas en faire le tour aujourd’hui, il s’agit simplement d’ouvrir et de proposer quelques pistes de réflexion.
Je vais tout d’abord m’intéresser à la première partie du thème : la nécessité sanitaire et sociale. Après tout pourquoi vouloir innover quand tout va bien ? La politique de réduction des risques (RDR) basée sur l'information, l'accès au matériel stérile et les traitements de substitution a été légalisée par la loi du 13 août 2004. Une centaine de CAARUD ont été créés depuis 2005. Au niveau international, la déclaration de Vienne de 2010 a clairement élevé la RDR comme solution face à des politiques répressives dont les impacts sont très limités sur le plan sanitaire et social.
Bien évidemment, j'aimerai m'arrêter là et vous dire que tout va bien. Mon intervention aurait été assez courte mais efficace ! Mais voilà, la politique sur les toxicomanies en France n'a pas entraîné une baisse de l'usage. Je vous renvoie à toutes les études notamment Espad en 2011. Que constate-t-on ? Que les Français sont les premiers consommateurs de cannabis par rapport à nos voisins européens, ce qui est, en partie, à mettre au tableau d'honneur d'un Etienne Apaire, ancien président de la MILDT. On constate également que la cocaïne se banalise, que l'héroïne est de plus en facile à trouver et disponible, que les drogues de synthèse sont de plus en plus nombreuses, que les prix de toutes les drogues ont baissé régulièrement depuis 10 ans.
Au-delà de la question quantitative de l'usage, il se pose un autre défi important : la situation des usagers. Bien sûr on cite souvent en exemple la politique de RDR sur l'impact qu'elle a eue sur les contaminations au VIH, mais concernant le VHC ! Aujourd'hui, la prévalence au VHC s'établit à près de 60% d'après l'enquête Coquelicot de 2004 et la prévalence de la co-infection VIH/VHC est une des plus élevées en Europe. Plus largement, la situation sociale d'une partie des usagers de drogues est extrêmement problématique: ce sont près de 250.000 personnes que l'on considère comme usagers de drogues dit problématiques, c'est-à-dire en situation de vulnérabilité sociale. 
Voilà pourquoi, au regard de ces éléments, l'innovation est nécessaire. Pas souhaitable. Nécessaire !


Discours de Jean-Luc Romero

Président d’Elus Locaux Contre le Sida

« Innover : une nécessite sanitaire et sociale, un devoir politique »

Vendredi 23 novembre 2012 – Lille

Mesdames et Messieurs,

Chers amis,

« Innover : une nécessité sanitaire et sociale, un devoir politique » voilà le thème de mon intervention aujourd’hui. Je prétends évidement pas en faire le tour aujourd’hui, il s’agit simplement d’ouvrir et de proposer quelques pistes de réflexion.

Je vais tout d’abord m’intéresser à la première partie du thème : la nécessité sanitaire et sociale. Après tout pourquoi vouloir innover quand tout va bien ? La politique de réduction des risques (RDR) basée sur l'information, l'accès au matériel stérile et les traitements de substitution a été légalisée par la loi du 13 août 2004. Une centaine de CAARUD ont été créés depuis 2005. Au niveau international, la déclaration de Vienne de 2010 a clairement élevé la RDR comme solution face à des politiques répressives dont les impacts sont très limités sur le plan sanitaire et social.

Bien évidemment, j'aimerai m'arrêter là et vous dire que tout va bien. Mon intervention aurait été assez courte mais efficace ! Mais voilà, la politique sur les toxicomanies en France n'a pas entraîné une baisse de l'usage. Je vous renvoie à toutes les études notamment Espad en 2011. Que constate-t-on ? Que les Français sont les premiers consommateurs de cannabis par rapport à nos voisins européens, ce qui est, en partie, à mettre au tableau d'honneur d'un Etienne Apaire, ancien président de la MILDT. On constate également que la cocaïne se banalise, que l'héroïne est de plus en facile à trouver et disponible, que les drogues de synthèse sont de plus en plus nombreuses, que les prix de toutes les drogues ont baissé régulièrement depuis 10 ans.

Au-delà de la question quantitative de l'usage, il se pose un autre défi important : la situation des usagers. Bien sûr on cite souvent en exemple la politique de RDR sur l'impact qu'elle a eue sur les contaminations au VIH, mais concernant le VHC ! Aujourd'hui, la prévalence au VHC s'établit à près de 60% d'après l'enquête Coquelicot de 2004 et la prévalence de la co-infection VIH/VHC est une des plus élevées en Europe. Plus largement, la situation sociale d'une partie des usagers de drogues est extrêmement problématique: ce sont près de 250.000 personnes que l'on considère comme usagers de drogues dit problématiques, c'est-à-dire en situation de vulnérabilité sociale. 

Voilà pourquoi, au regard de ces éléments, l'innovation est nécessaire. Pas souhaitable. Nécessaire !

La principale innovation pour moi, la seule qui vaille en tout cas celle d’où découlerait beaucoup de choses, serait de considérer l’usager de drogues comme un citoyen, un citoyen à part entière, pas un sous-citoyen, un malade ou un délinquant. Car après tout, un monde sans drogues n’a jamais existé, n’existe pas, et n’existera jamais. Bon après avoir dit ça, je devrai me boucher les oreilles tant j’entends déjà les cris de certains responsables politiques hurlant à l’acceptation des drogues, à leur promotion et bien sûr au laxisme. Ces discours, nous les connaissons, nous connaissons leur faiblesse intellectuelle et leur dangerosité sociétale. Mais ces cris ne feront pas taire une réalité, celle sur laquelle le politique doit travailler parce que je crois que c’est ça le devoir du politique : avoir une parole forte tout en ouvrant les yeux.

Mesdames et Messieurs, vous en conviendrez, être citoyen, cela confère des devoirs mais aussi des droits, parmi lesquels le droit à la santé et le droit à la dignité. Ces droits, les usagers de drogues y ont droit - pardonnez-moi la répétition - et la société doit les faire respecter.

Le premier droit sur lequel le politique doit se pencher, c’est le droit à la santé des usagers

La réduction des risques est une politique pragmatique qui croit en la responsabilité de l’individu et qui propose des outils aux usagers afin d’éviter les dommages collatéraux de la consommation comme les contaminations au VIH ou à l’hépatite C : d’où la mise en œuvre de ces programmes d’échanges de seringues et de délivrance de traitements de substitution.

Chose intéressante à noter : la RDR, c’est bel et bien la droite et la gauche qui l’ont défendue ! Cette union assez rare de nos jours, est totalement légitime quand on connaît les résultats spectaculaires obtenus en matière de santé publique : nombre de contaminations au VIH/sida en chute libre chez les toxicomanes (moins de 2 % aujourd’hui contre près de 30%, il y a quelques années!), une diminution importante du nombre d’overdoses. D’excellents résultats en termes de santé mais également de sécurité publique.

Pour autant, la RDR, concrétisation du droit à la santé pour les usagers est régulièrement attaquée. Rappelons-nous qu’en 2006, 78 parlementaires écrivaient au Premier ministre pour s’étonner des « alliances que la MILDT développait avec les associations revendiquant la légalisation des drogues, telles ASUD et Technoplus, ou bien le maintien dans une toxicomanie supposée “plus propre”, telle SOS Drogue International. ». Rappelons-nous en 2009, la proposition de l’UMP de classer le Subutex parmi les produits stupéfiants. Rappelons-nous le discours exclusivement répressif porté par Etienne Apaire, durant sa présidence à la MILDT, discours aussi moralisateur que dangereux sanitairement. On pourrait aussi faire référence la façon dont certains politiques ont parlé des salles de consommation à moindre risque. Si l’on parle de salle de shoot, terme négatif et porteur de bien des fantasmes, nul doute que, vous en conviendrez, l’opinion de la personne est déjà bien tranchée !

Défendre ce droit à la santé doit être notre priorité mais étendre ce droit doit aussi en être une. Aujourd’hui, la réduction des risques est refusée à certains groupes de la population, de façon totalement injustifiée et injustifiable. Aujourd’hui, la RDR a ses exclus. Au politique de faire bouger tout cela !

Prenons deux exemples :

Dans les centres de détention, la prise en charge médicale n’y est un droit que depuis 2003. Même si cela est récent, on pourrait être satisfait mais on ne peut pas : il y a un manque criant de moyens qui empêche les acteurs de santé d’aller au-delà de la simple prise en charge des soins primaires. En fait, les sans-papiers toxicomanes n’ont pas, le plus souvent, accès aux dispositifs de RDR et sont renvoyés dans leur pays d’origine sans traitements.

Elargissons notre propos au monde carcéral dans sa globalité ; les chiffres donnés par les récentes études sont clairs et appellent à une réaction urgente.

La prévalence du VIH en prison est très inquiétante puisqu’elle est estimée à 2 %. Pour l’hépatite C, c’est pire puisque la prévalence est estimée à 4, 8 %.

Face à ce constat, l’offre de RDR est bien trop faible par rapport au milieu libre : un accès très inégal aux traitements de substitution, un accès à l’eau de javel non systématique, des programmes d’échange de seringues inexistant …

Et pourtant, ne nous voilons pas la face : l’utilisation de drogues injectables existe en prison avec des modes de consommations particulièrement risqués. Dire cela, ce n’est pas mettre en accusation le monde pénitentiaire et plus particulièrement les gardiens de prison : non, je ne le crois pas. C’est juste ouvrir les yeux. Le constat est le même dans tous les pays : la prévalence au VIH et au VHC est toujours plus importante en milieu carcéral qu’en milieu libre.

Certains détournent le regard, d’autres prennent à bras le corps la situation. Les évaluations faites dans les pays ayant mis en place des programmes d’échanges de seringues comme en Espagne au sein du monde carcéral sont positives : prévention du VHC et VIH, aucune augmentation des injections, sécurité accrue. Alors à quand une vision pragmatique de la santé également en prison, vision largement partagée dans notre Europe du Sud ? Cela doit être une priorité politique, une priorité qui n’est pas seulement liée à la bonne volonté mais surtout au respect des lois notamment celle du 4 mars 2002 relative aux droits des malades qui reconnaît dans son article L110-1 que « le droit fondamental à la protection de la santé doit être mis en œuvre par tous les moyens disponibles au bénéfice de toute personne ». L’article continue en des termes non équivoques : « les autorités sanitaires (…) contribuent à garantir l’égal accès de chaque personne aux soins nécessités par son état de santé » et ainsi « assurer la continuité des soins et la meilleure sécurité sanitaire possible ». Ce droit fondamental à la santé qui, selon moi, comprend donc l’accès aux dispositifs de RDR trouve-t-il ses limites quand on entre en prison ? La porte de la prison comme barrière aux droits de l’homme, drôle de conception de la démocratie non ?

L’inaction tue. Cela je crois n’a jamais été plus vrai que quand on parle de l’absence de RDR  en prison.

La seconde innovation que le politique doit porter c’est le droit à la dignité.

J’ai l’habitude de rajouter à la devise républicaine cette quatrième composante que je crois est essentielle : la dignité. Celle que nous réclamons bien souvent pour nous-mêmes mais que, quelques fois, nous avons du mal à accorder à l’Autre, avec un « A » majuscule.

Avant de développer ce que j’entends par ce droit à la dignité, je veux de suite écarter toute accusation d’angélisme : je suis bien conscient des dommages individuels et collectifs causés par la toxicomanie. Et je ne veux pas être accusé d’incitation à la consommation mais il faut aussi l’entendre : aucune substance n’enlève à l’homme son humanité. Oui, je vous le redis, aucune substance n’enlève à l’homme son humanité ! L’usager de drogues est un être multiple : parent, frère, victime, acteur de sa prévention, salarié, commerçant … On pourrait continuer indéfiniment !

Le premier droit que je vois, c’est le droit de ne pas être considéré uniquement comme un délinquant Pas simple dans un pays comme la France qui a renforcé la répression des usagers simples de drogues. J'en veux pour preuve ces quelques chiffres : le nombre de condamnations pour infraction à la législation sur les stupéfiants a doublé entre 2002 et 2008 et celui pour usage simple a quadruplé ces vingt dernières années. En 2009, la part des interpellations pour usage simple représente près de 90% des procédures à l’infraction à la législation sur les stupéfiants ! Là où le bat blesse, c'est que même s'il y a beaucoup d'alternatives aux poursuites (rappel à la loi ou avertissement), il y a quand même eu 3000 condamnations à une peine d'emprisonnement ferme pour usage simple : 3000... De là à penser que la politique du chiffre est passée par là, il n'y a qu'un pas !

Envoyer des usagers en prison n’a aucun intérêt : ces peines privatives de liberté n’ont aucune influence sur la dépendance des usagers aux drogues et, sur le plan collectif, elles n‘influent pas sur la consommation de stupéfiants. Pire elles ont un coût sur le plan de la santé publique très important.

Aujourd'hui, notre devoir à nous responsables politiques, élus c'est d'évaluer la loi de 70, l'évaluer non pas avec des œillères mais les yeux grands ouverts, ouverts peut-être de force par les acteurs de terrain mais ouverts quand même ! Une des grandes innovations sera sans nul doute une remise en cause de la loi de 70 et cela viendra.

Le droit d’être reconnu comme citoyen est la seconde composante de ce droit à la dignité. Concrètement, quand je parle de ce droit je pense plus particulièrement aux fameuses salles de consommation à moindre risque et la prescription d’héroïne sous contrôle médical.

Commençons par les salles de consommation à moindre risque. Ai-je vraiment besoin d’en parler tant ce thème a été au cœur de l’actualité ? Je ne vais pas m’étendre sur l’histoire de ces salles : première salle créée à Berne en 1986, plus de 70 salles d’injections à moindre risque créées aujourd’hui, une efficacité reconnue par toutes les études : Inserm, Conseil national du sida, efficacité tant sur le plan individuel que collectif. Je pense que nous sommes tous ici convaincus de l’utilité de ce type de structure !

Concrètement, tout est réuni pour que la France avec un certain retard suive l’exemple de ses voisins européens. Cela n’a pas été simple et on est passé d’un François Filon qui affirmait le 11 août 2010 que « la mise en place de ces centres de consommation de drogues n’est ni utile ni souhaitable en France » (en même temps en disant « centres de consommation de drogues » on pouvait s’en douter …) à une Marisol Touraine, le 21 octobre 2012 qui « espère que des expérimentations pourront être annoncées avant la fin de l’année ».

Entre ces deux positions, un vrai fossé, non pas un fossé partisan, mais je crois un fossé liée à la compréhension de la politique de réduction des risques et dans les implications qu’elle a tant sur le plan de la santé des individus que sur le plan de la vision que cela révèle d’un société qui aide les personnes plutôt que de les enfoncer en détournant les yeux pour se draper dans ses habits d’une fausse bienséance. Aujourd’hui, l’expérimentation va débuter, normalement dans des villes comme Marseille, Paris, Toulouse, peut-être Lille … Nous verrons l’évaluation de ces structures mais basons-nous sur des données et pas sur des préjugés !

Aujourd’hui, bien sûr que certains, refusant obstinément de regarder les données objectives, sont contre l’expérimentation de ces structures. Ne prenons qu’un exemple : dans Le Figaro du 5 septembre, les syndicats de policiers Alliance et Synergie affirment, péremptoires, ceci en parlant des salles de consommation : « Ces lieux entraîneront inéluctablement une situation apocalyptique dans les quartiers ». Un avis nuancé vous en conviendrez ! Mais allons plus loin dans la lecture de cet article ? Les mêmes pseudo-arguments que nous entendions lors des débats sur la vente de seringue en pharmacie ou sur l'accès aux traitements de substitution. Pardonnez-moi mais je ne vais pas vous les détailler ... Attiser la haine pour régler les problèmes: drôle de manière de parvenir à une solution! J'avoue que, à cette intervention, je préfère les paroles du chef de la police de Genève qui rappelait il y un an que  «pour la police, l’objectif premier est la vie de tous ses concitoyens, la réduction des risques participent à cet objectif» ! 

Les excès de certains ne doivent évidemment pas faire oublier un aspect totalement fondamental dans la réussite des salles de consommation : la communication vers l'extérieur, la transparence, la compréhension de ce qui ait fait par les riverains. Il faudra sûrement la mise en place d’une procédure de démocratie participative avec des comités regroupant les usagers, les associations de quartier, pourquoi pas la police tout ça sous l'égide d'un élu. Je ne dis pas que cela sera simple pour l'élu pour pacifier les débats au début et pour entrer dans une discussion constructive mais être élu, ce n'est pas forcement que les honneurs c'est aussi cela entrer au cœur de la mêlée !

En même temps quand tout est bien expliqué, la peur disparaît et on voit les choses comme elles sont réellement. A Genève, la salle de consommation à moindre risque Quai 9 comporte dans son comité de pilotage travailleurs sociaux, municipalité et police. Globalement, Genève ne donne pas l’impression d’être une ville où l’insécurité règne en maître... A ce propos, les Suisses, qui ne sont pas spécialement connus pour leurs positions révolutionnaires, nous ont donné une leçon de pragmatisme : dans le cadre du référendum tenu le 30 novembre 2008, le peuple suisse a appuyé à 68 % la révision de la loi sur les stupéfiants basé sur quatre piliers dont le traitement avec prescription d’héroïne ! A 76% même, à Genève, ville pilote de cette politique pragmatique et audacieuse.

Globalement, une meilleure information sur la RDR en direction de la population permet une meilleure acceptation des usagers de drogues. Ils ne sont plus considérés ni comme des dangers ni comme des pestiférés mais bel et bien comme des citoyens à part entière. Ce faisant, c’est leur dignité que l’on restaure.

Tous les arguments que j’ai donnés peuvent être appliqués aux programmes de prescription d’héroïne sous contrôle médical et je pense que c’est le prochain combat que nous aurons à mener J’ai souvent discuté avec le docteur Daniele Zullino de Genève. Ce dernier fait un travail remarquable auprès des personnes les plus dépendantes. Au même titre que les salles de consommations à moindre risque, les programmes de prescription d’héroïne sous contrôle médical ont bien évidemment des avantages pour l’usager mais également pour la collectivité. Un exemple nous est donné via une étude effectuée par deux professeurs de droit suite à l’ouverture en 2005 de la clinique offrant de l'héroïne sous contrôle médical à Montréal dans le cadre du projet NAOMI (North American Opiate Medication Initiative). Les conclusions du rapport sont sans appel : l’ouverture de ce programme n'a pas fait augmenter les actes criminels et incivils, ni la présence de divers débris ni l’intervention des services d’urgence. En somme, toutes ces conséquences que le voisinage pouvait redouter.

Juste une remarque concernant la prescription d’héroïne sous contrôle médical. L’extension de ce programme fait son chemin puisque, en février 2009, l’académie française de pharmacie s’est dite attentive à d’autres options thérapeutiques comme l’héroïne comme traitement de substitution en milieu médicalisée. Comme je vous le disais, c’est le prochain combat que nous pourrons porter, je le pense.

Les salles de consommation et l’héroïne médicalisée ne sont pas des solutions miracles : ce sont simplement des outils supplémentaires dans le panel déjà proposé. Médicalement importants, ces outils sont sociétalement indispensables car ils renvoient à une vision des usagers vus comme des citoyens à part entière. Aux élus de porter avec courage et pragmatique cela.

Je vais désormais conclure mon intervention. J’ai tenté de vous donner mon avis sur ce thème : « Innover : une nécessite sanitaire et sociale, un devoir politique ». Innover est une nécessité par rapport à la situation sanitaire, sociale et sociétale que nous connaissons. Innover est un devoir politique car le politique doit s’occuper de la Cité, cité avec un « C » majuscule et que, n’en déplaise à certains, les usagers de drogues en font partie. J’aimerai rajouter une troisième composante : celle de l’opinion publique. En France, en ce qui concerne les toxicomanies, nous le savons bien : la décision politique ne se fait pas  comme dans d’autres domaines, via un processus rationnel à la recherche de l’intérêt général ; elle est intimement liée à l’opinion publique. Voilà ce qu’il nous fait gagner : la bataille de l’opinion publique. Certains pourront objecter qu’il vaut mieux garder ce débat en dehors de la sphère médiatique. Moi, je pense le contraire. Je pense qu’il faut sortir cette question de la sphère des acteurs des addictions, du VIH etc. Le débat sur les salles de consommation en est un exemple très parlant : on en beaucoup parlé et c’est tant mieux ; aujourd’hui, les choses avancent et la bataille de la communication peut être gagnée.

Pour améliorer la politique de réduction des risques, il faut donc informer le grand public sur ses résultats, travailler sur l’image de l’usager de drogues et ainsi convaincre nos concitoyens de sa pertinence et de son utilité, aussi bien pour les usagers que pour la société dans son ensemble. C’est aussi l’opinion publique qui favorisera les évolutions politiques. C’est donc aussi aux acteurs de la RDR de créer le moment politique propice à la prise de décision, j’en veux pour preuve le débat sur les salles de consommation à moindre risque.

Je vais finir par ces mots : contester la politique de réduction des risques, c’est simplement promouvoir un idéologisme dogmatique, réactionnaire, criminel. Oui, je vous le dis et je l’affirme : contester la RDR c’est criminel.

Alors Mesdames et Messieurs, je nous pose une question. Je nous pose cette question non par provocation mais avec le plus grand sérieux : de celui qui s’injecte ou de celui qui refuse la politique de réduction des risques, qui est le plus criminel des deux ?


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